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Bulletin 6

BULLETIN N° 6

 

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Avant-Propos - Serge Jacquemont
Portraits d’hier et d’aujourd’hui
Le général Lamizana - A.Deschamps
Réflexions sur le temps passé et présent.
Pondichéry après le Tsunami - M.Maugars
Les Khmers rouges entrent à Phnom Penh - C.Lambert
Réflexions sur la mise en place d’un état colonial au Sénégal/Niger vers 1880 - M.Cuttier
Au pays des Ravenala - A.Deschamps
Alerte ! Akassa n’est pas au rendez-vous.
Où sont conservées les archives de la France d’Outre-Mer ? - Louis Amigues
Rencontres
Au sénat : la France et ses anciennes colonies.
A ARRI, Dialogue des Civilisations. - R.Lenoir
Aux Invalides. L’armée entre hier et demain…. Général G.Chavannes
Vu, Lu, Entendu
Entendu à la radio : Une Algérienne immortelle - J.Serjac
Vu à la Télé : Madame le Maire de Goundam - Une armée privée en Côte d’Ivoire.
Vu au Cinéma : Djourou une corde au cou
Lu dans la Presse : Choc des cultures J.Serjac - La loi et l’enseignement de l’histoire coloniale
Lu chez le libraire : Comment la France a perdu L’Afrique - Le commandant en tournée - Coloniser, exterminer......
La vie d’Arom
Activité de l’association
Arom et la CADE


Avant-Propos

Ce sixième bulletin fait état, une fois encore, d'une commémoration : aux Invalides, le 8 juin, celle conduite à la mémoire des morts d'Indochine. Devoir sacré, souligne le général Chavannes… mais l'avenir est à côté, à l'Ecole Militaire : la coopération avec les futures élites des officiers étrangers célébrée  aussi, par la Ministre de la Défense.

Sacrifices, Patrie….Vielles lunes indignes s'agissant de la colonisation, jugent certains. Nous, à Arom, sans être aveugles, nous pensons qu'il est bon de remonter le temps de l'histoire d'Outre-Mer. Ainsi Martine Cuttier souligne qu'à l'époque du Général Archinard (au Soudan vers 1880) les structures d'un état ont commencé à être mises en place : 80 années plus tard un modeste tirailleur de 2ème classe, formé par l'armée française, préside son pays, devenu indépendant : le général Lamizana, dont A.Deschamps évoque le souvenir… Les pays de l'ancien " pré carré " de la France évoluent sans cesse. Au pays des Ravenala (Madagascar), les équipes au pouvoir changent de cap rapidement sous le regard critique et impuissant du représentant de la France, dix années après  les Indépendances. Tandis qu'à la même époque - mais 20 ans après le départ d'Asie de la France - le Cambodge, si pacifique, connaît le drame de la prise de pouvoir  des Khmers rouges sanguinaires, sous le regard d'un diplomate voisin.

Glissement et/ou ruptures, selon les cas entre la France et son ancien Empire ? C'est le diagnostic des historiens réunis au Sénat pour en débattre. Qu'en reste-t-il à l'heure actuelle ?
Pas grand-chose à lire le livre d'A.Glaser et Stephen Smith " Comment la France a perdu l'Afrique ", commenté par R.Césaire ; le pire, à croire la diatribe que nous livre O. Lecour Grandmaison, dans son livre au titre explicite " Coloniser, exterminer ".
En d'autres temps, Julien Benda avait connu un grand succès en parlant de la " trahison des clercs ". Ne peut-on, aujourd'hui, parler aussi de " trahison " de la part des intellectuels prompts à voir " la vérité toute nue " sortir de leurs inconscients préjugés idéologiques !.... Les mêmes qui acclamaient Pol Pot, le " libérateur de Phnom Penh " !...Les mêmes, sans doute, qui s'indignent bruyamment aujourd'hui qu'une loi républicaine puisse évoquer les côtés positifs de la colonisation.
Heureusement, certains voient plus loin, plus vrai. René Lenoir prône le  dialogue des civilisations. Tradition et modernité peuvent se conjuguer sans heurt : A Pondichéry, les Indiens pensent à Dupleix dans leur futur musée ; près de " Timbuctu-la mystérieuse ", une dynamique malienne modernise sa ville de Goudam…Quai Conti - sur - Seine - une académie déclare immortelle une Algérienne.
Il y a encore beaucoup de témoignages a déposer aux archives d'Outre-Mer, indique L.Amigues. A commencer sans doute par les rapports des " Commandants en tournées " cités par E.Simonis…avec une pensée de tous pour le dramatique retard d'Akassa, très loin, chez les Touareg !...

Serge Jacquemond

 

Portraits d’hier et d’aujourd’hui

Le général Lamizana - A.Deschamps

Le « tirailleur Sénégalais », en réalité, de Haute Volta, Abdoulaye Sangoulé  Lamizana s’engage, en 1936, comme tirailleur de 2 ème classe. Il meurt en Mai 2005 à Ouagadougou, Grand croix de la légion d’honneur française, ancien Président, pendant 14 ans (1966-80) de son pays, devenu par la suite Burkina Faso.

Etrange Etat tour à tour fabriqué, découpé, recomposé, reconnu par la puissance coloniale. Depuis son indépendance, il y a maintenant, ¾ de siècle. ce pays a connu 3 républiques et 6 gouvernements militaires. Se sont succédé à la tête de l’état : un civil, un général, un colonel, un commandant, un jeune capitaine ! ….…

Arrêtons-nous sur le général. Un parcours atypique. Putschiste et démocrate, héritier d’une formation rigoureuse française et d’une culture tribale puissante. (il était Samo…et non Mossi) , finalement sympathique.

Le colonel, puis général, Lamizana avait servi comme officier français en Indochine (Lieutenant) et en Algérie (Commandant). C’était un homme honnête, simple et droit. Quand, en 1984, il fut traduit devant le Tribunal Populaire de la Révolution, l’indignation, elle vraiment populaire, contraignit les juges à l’acquitter aux applaudissement de la foule. Il s’efforça, pendant quatorze ans de trouver la formule magique qui permettrait à l’Armée de rendre le pouvoir aux civils et d’instaurer un régime où le libre jeu des partis et des activités syndicales assurerait dans l’harmonie le fonctionnement d’une saine démocratie. On passa ainsi d’un Gouvernement militaire provisoire à une Deuxième république qui rétablissait un régime parlementaire mais dont la Constitution stipulait que les « charges et les prérogatives du président de la République seraient assumées par la personnalité militaire la plus ancienne dans le grade le plus élevé ». Cette précaution n’empêcha pas une dérive politicienne que sanctionna le retour à trois années de tutorat militaire et d’austérité financière. La troisième République à la tête de laquelle le général Lamizana fut élu après une mise en ballottage fort inhabituelle à l’époque pour un chef d’Etat africain, ne dura que deux ans.

Il fut renversé en novembre 1980 par un « Comité de redressement pour le progrès national » dirigé par un de ses subordonnés : le colonel Saye Zerbo !

Fervent musulman, il garda, désormais, ses distances avec la « politique politicienne ».

Les 2 grands croix réunis sur son cercueil : la légion d’honneur et l’ordre national Burkina be résument sa carrière : In mémoriam.

 

Réflexions sur le temps passé et présent.


Pondichéry après le Tsunami - Marc Maugars

Marc Maugars, Inspecteur Général des Finances a servi longuement dans le Groupe de la Caisse des Dépôts, notamment comme Président de Scet-International, puis à Air France comme Secrétaire Général. A ce double titre il a participé à la création d’Air Afrique dont il a été administrateur pendant une vingtaine d’années.

Nous avions, à la fin de l’année dernière, fait avec des amis, le projet d’un voyage en Inde du sud, dont l’itinéraire commençait à Madras et passait par Pondichéry, avant de s’orienter à l’ouest par Madurai vers le Kerala. Devions-nous maintenir cette intention au lendemain du tsunami ? Nous craignions l’indécence d’une promenade d’agrément au milieu du malheur. Mais le discours concordant des prestataires de tourisme locaux, et les indications données par plusieurs correspondants, qui s’étaient trouvés dans la région le jour du drame, nous firent maintenir notre programme à quelques détails près.

Bien nous en prit, et la visite de Pondichéry, faute de laquelle j’aurais pour ma part renoncé au voyage, fut notre récompense. Un mois après la catastrophe, tant dans l’ancien comptoir qu’à Madras, et sans qu’on doive pour autant oublier les nombreuses victimes, les traces n’étaient plus guère visibles sur les fronts de mer et sur les plages, ce qui témoigne, me semble-t-il, de l’efficacité des autorités publiques et de leurs capacités d’intervention. Nous avons seulement aperçu, au sud de Madras, quelques camps de toile installés non loin du rivage où s’affichaient, (assez) exceptionnellement, la mention des organismes donateurs. Bien sûr, on ne saurait oublier le nombre et l’étendue des drames individuels dont ces régions ont souffert, mais l’impression retirée est celle de la capacité et du dynamisme du pays, que ne dément pas le discours unanime des Indiens rencontrés : « Merci d’être venus quand même ».

Pondichéry est aujourd’hui une grande ville indienne en pleine expansion comme les autres, entourée des espaces rizicoles du Tamil Nadu qui paraissent bien dotés en systèmes d’irrigation et en réseaux d’énergie électrique.

La circulation y est comme partout en Inde, extrêmement dense et hétéroclite, le commerce manifestement fébrile, et de toutes parts s’affichent, sur les buildings comme sur les cabanes aux toits de palmes, les enseignes du genre « Institute of Management »…Qui remarque encore, à l’entrée du Territoire un poste de police où doivent s’arrêter autocars et camions ? Qui surtout peut savoir que si le policier porte un képi couleur garance, c’est la première trace de Dupleix que l’on rencontre ?

Le site de l’ancien comptoir est bien individualisé ; séparé de la grande ville indienne par un canal, il s’étend le long de la mer. La plage a disparu, nous a-t-on dit, il y a quelques années, mais la digue ancien Cours Chabrol, reste le lieu de promenade très fréquenté qu’illustre avec le palais du gouvernement sur la place du même nom, l’hôtel de ville, les bâtiments de la douane, des compagnies de navigation et le monument aux morts. Une statue de Gandhi s’élève au centre du site face aux vestiges de l’ancien débarcadère. L’atmosphère de l’ensemble de cette petite ville est restée française et provinciale : rues calmes, trottoirs étroits et non encombrés, belles maisons entourées de verdure derrière de hauts murs. Mais nous n’y avons pas trouvé d’animation spécifique, ni commerces ni cafés. Quelques h^tels y exploitent dignement des nobles demeures coloniales. Nous n’avons bien entendu, pas eu l’occasion, à notre grand regret, dans cette brève visite, pendant l’après-midi d’un dimanche, de rencontrer de personnalités en mesure de confirmer ou de rectifier nos impressions, notamment pas le Consul de France auquel nous a-t-on dit le tsunami a valu un surcroît considérable de travail lié tant aux conséquences juridiques et administratives des disparitions qu’aux drames individuels qu’elles constituaient. Pour autant, quelques conversations à l’hôtel ou en ville, nous laissent le sentiment que les Pondichériens du comptoir qui sont restés sur place en ayant opté pour la double nationalité ou ceux qui sont venus résider en France et reviennent à l’occasion en visite, forment encore des groupes liés par le souvenir. Il nous a semblé, d’après les quelques récits que nous avons entendu, que cette population était orientée avant 1954, non vers la métropole, mais vers l’Indochine dans les carrières administratives ou militaires, et plus généralement vers le sud-est asiatique pour les activités commerciales comme d’ailleurs les élites indiennes du Tamil Nadu.

La grande ville de Pondichéry est marquée par un phénomène religieux original, la dévotion à Sri Aurobindo et à la « mère » française qui ayant rencontré le philosophe quelques temps avant la première guerre mondiale, renvoya son mari en France pour guider les disciples venus se grouper autour du maître. « L’ashram » , bâtiment somptueux où les deux fondateurs sont enterrés, est le lieu d’un culte auquel participent beaucoup d’Européens mais aussi d’Indiens et qui assure à la ville un courant de fréquentation touristique aujourd’hui beaucoup plus important, semble-t-il, que celui que peuvent attirer les souvenirs français. Pour ma part je ne suis pas très friand de ce genre de spiritualité, si l’on peut s’exprimer ainsi, et je suis allé faire mes dévotions au temple voisin de Ganesh, divinité indienne très sympathique, dieu du commerce, des arrangements, sorte de Mercure, qui a pour véhicule une souris mais comme physique, celui d’un éléphant. A la porte du temple un animal, lui bien réel, collecte soigneusement avec sa trompe, la plus infime piécette puis, après avoir gentiment caressé la tête du donateur en signe de bénédiction avec le même appendice, glisse la modeste obole dans la sébile de son gardien. Cette religion est plus accessible que bien d’autres.

Pour nous replonger dans la nostalgie recherchée, nous nous dirigeons sur le chemin de la statue de Dupleix aujourd’hui dressée à l’extrémité du front de mer, vers l’église Notre Dame des Anges qui domine, non loin du rivage, la petite place où s’élève la statue de Jeanne d’Arc. Nous sommes dimanche à la tombée du jour, la messe s’achève, dite en français par un vénérable célébrant. Certes il a fallu se déchausser à l’entrée, mais, dans l’église claire et dépouillée nous ne sommes plus dépaysés. Je remarque que l’assistance est majoritairement féminine, puis, m’étant éclipsé discrètement, je descends vers la place où, autour de la statue de Jeanne d’Arc rayonnante de ferveur, de petits groupes masculins bien entendu, jouent à la pétanque. Quelques temps plus tard, les Pondichériens rencontrés en ville nous diront que l’un des regrets du curé qui va prendre sa retraite est de n’avoir pu obtenir des autorités, l’interdiction de jouer à la pétanque sur la place pendant la messe. Puis l’office se termine, les fidèles sortent, la cloche tinte, le soleil se couche et voici que s’élève de la caserne qui jouxte l’église, une sonnerie de trompette que nous ne pouvions pas ne pas reconnaître, l’extinction des feux de l’armée française. Je reste sur ce souvenir.

Dans les vents du Coromandel

Madras avant Pondichéry

Il s’agit, d’une saga romanesque de forme classique, dans laquelle les amours de la nièce du gouverneur Dupleix et d’un jeune officier tiennent la place principale. Mais les descriptions historiques sont nombreuses et précises sur la situation politique et militaire de l’Inde française et particulièrement de Pondichéry depuis 1744 jusque vers la fin de la guerre de 7 ans (1763), sur les batailles avec les anglais, sur les structures administratives et économiques, rôle de la compagnie des Indes et rapports de celle-ci et des représentants du pouvoir royal, activités commerciales, habitudes, carrières et destins, des habitants, fonctionnaires et officiers, avec une multitude de notations pratiques de bonne tenue. Il existe certainement des ouvrages érudits sur l’histoire de Pondichéry, mais le présent livre, est, me semble-t-il, s’agissant de cette collectivité tout à fait originale au milieu du 18 ème siècle une excellente source d’information et de culture pour le néophyte, outre le plaisir de sa lecture.


En 1975 : Les Khmers rouges entrent à Phnom Penh - Christian Lambert

Génocide, politique, justice !.... Vaste problème ! La presse évoque cette année encore le début du procès des Khmers Rouges à Phnom Penh !...Mais le chef du gouvernement actuel, le Cambodgien Hun Sen ne risque-t-il pas d’être impliqué ? Pol Pot a disparu en 1998. Des maquis subsistent dans le massif des Cardamone et le gouvernement Khmer Rouge n’a-t-il pas occupé le siège du Cambodge aux Nations Unies jusqu’en 1991. Le souvenir d’un ambassadeur voisin du Cambodge en 1975 méritent d’être rappelés…En attendant les débats du Tribunal Spécial International.

Le hasard des affectations a fait que j’ai été amené à suivre de près les deux guerres d’Indochine, la guerre française de 1951 à 1954 à Hanoï et Saïgon et la guerre américaine depuis nos ambassades à Bangkok, puis Vientiane de 1977 à 1978. L’épisode le plus marquant, parmi bien d’autres, a été pour moi, la fin désastreuse du régime de Phnom Penh et en même temps de notre représentation au Cambodge investie par les Khmers Rouges.

Alors numéro 2 à Bangkok, je fus chargé de communiquer, jour après jour par radiophonie avec notre ambassade à Phnom Penh, cible depuis des mois des tirs de roquettes des Khmers Rouges : la vacation avait lieu tous les matins à 8 heures. Nous étions à la fin Mars 1975. Sans doute la situation était-elle difficile dans la capitale cambodgienne, mais, pensait-on, ces difficultés étaient dues au régime de Lon Nol « suppôt des américains », un régime en voie d’effondrement sous les coups des « libérateurs » !....

L’ambassade au téléphone

Je me souviens, comme si c’était hier, de ce que me disait alors mon interlocuteur, au radio-téléphone, le jour de  « la » libération de Phnom Penh : « Voici les Khmers Rouges, la population est en liesse. Les scouts bouddhistes donnent l’accolade aux soldats, qui entrent dans la ville, l’armée de Samdech (papa) Sihanouk. C’est formidable. C’est émouvant ! » Mais après quelques jours, mon interlocuteur avait changé de ton « C’est bizarre, me dit-il, L’atmosphère s’est modifiée. Les Khmers Rouges deviennent brutaux. On voit des incendies un peu partout… »Puis, encore quelques jours après : C’est la catastrophe. Nous sommes enfermés dans l’ambassade. Beaucoup de Khmers et des diplomates étrangers se sont réfugiés chez nous. Nous n’avons presque plus rien à manger. Nous avons cependant évité le pire : les nouvelles autorités viennent de nous balancer par-dessus la grille des cochons et un sac de riz !....... Il y a de plus en plus de monde à l’ambassade. Les Américains, eux, ont évacué à temps tous leurs ressortissants ; nous,  nous avons des Russes, des Japonais et des Cambodgiens que nous devons, livrer aux Khmers Rouges sous la menace. C’est épouvantable !… et puis la fin : « Nous venons de recevoir l’ordre de nous tenir prêts a être évacués par camions vers la Thaïlande. Nous devrions arriver demain ou après-demain à la frontière. Venez nous chercher. Je ne peux pas vous en dire plus. Nous détruisons la radio, au revoir !

L’évacuation de l’ambassade

Il me fallait donc avec l’accord de l’ambassadeur et du « Département » organiser la « réception », si je puis dire, de nos diplomates et de leurs nombreux hôtes étrangers. Mais combien étaient-ils exactement ? On ne me l’avait pas dit. Il fallait louer des autobus mais pour combien de temps ? Petit souci parmi les grands, les crédits étaient limités. (On sait que dans notre administration, il manque toujours un sou pour faire un franc, du moins à ce niveau là.). C’est donc un peu à l’aventure que j’ai quitté Bangkok à l’aube, pour la localité frontière d’Aranyaprathet accompagné de l’attaché militaire, le colonel Roubert. Nous arrivâmes vers 10 heures le matin. Un pont de bois, de style colonial très XIXème siècle franchissait la rivière servant de frontière. Rien,… ; Jusqu’au moment où l’on vit apparaître de l’autre coté du pont un Khmer Rouge à forte corpulence, qui était, je l’appris plus tard, l’instituteur de l’endroit. L’attaché militaire eut le réflexe de franchir le pont pour aller à sa rencontre. Je l’en ai empêché. Je m’entends encore lui dire : « Vous savez avec ces gens là, il vaut mieux tenir la distance.  Si vous étiez arrêté, ce serait le bouquet » et malgré tout, le miracle se produisit. Les réfugiés apparurent à pied avec leurs baluchons, triste cohorte, qui venait de passer 24 heures sur des camions à ciel ouvert sous la pluie.

Notre chargé d’affaire à Phnom Penh était là, le courageux Jean Dryrac et parmi bien d’autres, le proviseur du lycée français et le journaliste du « Monde » Patrice de Beer, que je connaissais bien, (il était passé par Bangkok un mois auparavant), tout heureux d’aller couvrir « la libération de Phnom Penh enfin délivrée de l’ancien régime du fantoche Lon Nol ! »

Je me souviens aussi d’un japonais marié à une cambodgienne en faveur de laquelle il me fut demandé d’établir sur le champ, un certificat attestant qu’elle était de « nationalité française » !ce que je fis aussitôt : On m’aurait demandé d’établir un certificat attestant que Staline, Thorez et Mao étaient les plus purs génies que la planète ait jamais engendrés, je l’aurai signé, sans hésiter : dans des circonstances comme celles-ci, on peut proférer les pires idioties et contrevérités si elles sont utiles ! Toujours est-il que la jeune cambodgienne a eu la vie sauve !

Puis le convoi : autobus Mercedes rutilant en location, suivant ma voiture diplomatique pris la route de Bangkok. Les autorités frontalières thaïlandaises, plutôt narquoises, n’avaient exercé aucun contrôle.Les réfugiés, malgré leurs préoccupations, me dirent l’essentiel : «  Les libérateurs Khmers Rouges massacrent tout.»

Un premier témoignages sur les Khmers Rouges

Un tableau complet de la dramatique situation, du Cambodge m’a été fait un peu plus tard, par le général Sor Buon, des Forces Armées Nationales Khmères (F.A.N.K.) qui, s’étant fait passer pour un chauffeur de taxi, avait réussi à gagner la frontière avec la Thaïlande après avoir marché pendant 39 jours depuis Phnom Penh.

De son témoignage reçu en présence de témoins, membres de l’Ambassade (témoignage qui a fait l’objet d’une dépêche adressée au Département), je rapporte ci-après l’essentiel :

La déportation massive des populations

Le brigadier général Sor Buon confirme la déportation massive et sans exception de toutes les populations des villes, quelle que soit leur importance, et aussi des villages. L’ensemble de la population de Phnom-Penh, qui, avec les réfugiés dépassait 2 millions d’habitants en avril dernier, a été évacué dès le 18 avril.

Le général souligne que ceux qui résistaient et même ceux qui s’opposaient par inertie à l’évacuation étaient abattus après deux avertissements. Il a été témoin de l’exécution au pistolet, en présence de sa famille, d’un Cambodgien de Phnom-Penh qui avait refusé à trois reprises de quitter son domicile. Il en était de même pour ceux qui en courts de route ne voulaient pas ou ne pouvaient pas suivre. Ainsi a-t-il vu de nombreux cadavres laissés à même le sol le long des 20 Kms de la route Phnom-Penh – Prek Dam.

Le brigadier général fait remarquer que cette déportation massive démontre qu’il s’agit moins de mettre la population à l’agriculture puisque même les paysans ont été évacués, que de procéder à ce qu’il appelle une « déportation expiatoire ». L’un des buts de ce bouleversement lui paraît être de punir les populations, aussi bien des villes que des campagnes, qui ont tardé à embrasser la révolution, plutôt que de les pousser au rendement et à la production.

Les exécutions

Le brigadier général Sor Buon classe les exécutions en trois catégories : Les exécutions ponctuelles, systématiques, par mort lente.

 

Les exécutions ponctuelles ont été fort nombreuses, dit-il, aussitôt après la prise de Phnom-Penh. Il a été relaté plus haut que tous ceux qui refusaient après plusieurs sommations de quitter leur domicile étaient abattus, tout comme ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas suivre le convoi. Ont été aussi exécutés aussitôt après la chute de Phnom-Penh un grand nombre d’officiers.

Les militaires qui fuyaient avec leur famille furent souvent facilement identifiés au cours de nombreux contrôles dressés par les Khmers Rouges. On les obligeait alors à quitter leurs chaussures et leur veste et ils étaient aussitôt fusillés. Le général Sor Buon a assisté lui-même entre Phnom-Penh et Prek Dam à l’exécution de plusieurs de ces officiers que des jeunes filles communistes de 15 à 20 ans ont abattus dans le dos, au fusil automatique, après leur avoir demandé d’avancer d’une vingtaine de mètres.

Les exécutions systématiques

Tous les officiers à partir du grade de lieutenant qui n’ont pas été abattus sur le champ ont été regroupés dans des camps. Le Brigadier général Sor Buon a eu connaissance de deux de ces camps, l’un à proximité de Kompong Thom, l’autre à Siem général.

Au camp de Taing Krasang à 15 km à l’est de Komponh Thom sur la route n° 6, les exécutions ont lieu presque chaque jour par groupe de 3 à 5 officiers fusillés dans les environs du camp. Là, comme ailleurs, les cadavres sont laissés sur place et ne reçoivent pas de sépultures.

Les exécutions par mort lente

Ces exécutions vont de pair avec ce que le général Sor Buon appelle « Les exécutions par mort lente ». Tous les officiers sont condamnés à des travaux agricoles sans que ceux-ci soient bien définis. Il s’agit moins d’ailleurs de culture que de travail forcé pur et simple. Ce travail a lieu dans les pires conditions sous la surveillance sans faille de très jeunes gens armés. Le général a vu de ses propres yeux dans un camp situé à proximité de Siem Reap, celui-ci ne regroupant que des sous-officiers, des hommes attelés à des charrues, 6 à 8 par charrue, sous la surveillance de Khmers Rouges armés de 10 à 15 ans. Là, ces sous-officiers ne sont pas nourris ou le sont de façon dérisoire, 300 grammes de riz pour 10 personnes dit le général. La mortalité est très grande. Le général estime que d’ici quelques mois tout l’encadrement de l’ex-FANK aura ainsi été supprimé !

Conclusion

Cette réalité, on ne voulait pas encore l’admettre à Paris (en 1975) tant était fait, et au plus haut niveau, l’anti-américanisme, constance de la diplomatie française, aggravée alors par l’---- de la défense de Diên Biên Phû. Il fallut l’occupation du Cambodge par les Vietnamiens à partir de décembre 1978 pour que l’on acception enfin la vérité.

Les relations diplomatiques aux Cambodge ne seront rétablies qu’en octobre 1991 !

 

Mise en place d’un état colonial au Sénégal/Niger vers 1880 - Martine Cuttier

Ces réflexions sont tirées de la thèse d’histoire( plus de 1000 pages) que vient de soutenir à Paris 1, Martine Cuttier, devant un jury présidé par l’historien Marc Michel, assisté notamment par le Professeur Pierre Boiley

Cette universitaire, (administratrice d’Arom), qui s’est toujours intéressée à la politique coloniale, explique, comment, au-delà de l’exemple du Général Archinard, la « conquête » française en Afrique Noire a abouti à construire les fondements des véritables états modernes qui , 80 ans plus tard, ont pu « voler de leurs propres ailes ».

Ce travail qui pourrait apparaître, au premier abord, comme la biographie d’un conquérant et bâtisseur d’empire de la génération de l’illustre Galliéni est un prétexte à étudier la façon dont le destin d’un individu s’articule avec une politique publique. Une fois perçues l’origine géographique et sociale comme la formation initiale de cet officier polytechnicien, l’étude porte sur sa contribution à la fondation de la colonie du Soudan français, de 1880 à 1893. S’ouvre alors une large page d’histoire car la politique coloniale concerne la globalité de la société du colonisateur comme la totalité de celle des colonisés qui en est bouleversée. L’histoire est militaire car la conquête implique le recours à la force puisque certains chefs des Etats de la boucle du Niger dont les célèbres Ahmadou Tall et Samory Touré s’opposent militairement à la politique française qui impose sa domination aux dépends de leur propre souveraineté avec une armée dont l’essentiel des personnels engagés se compose de soldats recrutés dans la colonie en voie de formation. De par la dissymétrie des forces, la conquête établit un rapport du fort au faible et commence par la défaite des colonisés. Mais contrairement à l’Algérie, la conquête de cette colonie de non peuplement ne s’accompagne pas d’une extermination des populations civiles qui n’ont plus d’autre choix que le ralliement, le seul véritable enjeu de la conquête car le contrôle militaire d’un territoire n’en donne pas forcément le contrôle politique.

La « pacification » induit des tâches extra-militaires dont la mise en place de l’Etat colonial. Le volant politique permet de saisir le jeu subtil de ce militaire qui veut maintenir le cap et pousser la conquête par patriotisme mais aussi par corporatisme ( accélérer l’avancement, obtenir des décorations et des avantages matériels) et goût de l’aventure avec les multiples équipes gouvernementales mais aussi avec le parlement, attentif à éviter que cette politique de grandeur ne pèse trop sur le contribuable. Archinard installe une administration assez bureaucratisée et autoritaire par déconcentration du pouvoir central de la République et, tel un pro-consul, il finit par cumuler les pouvoirs civils du gouverneur et militaires du commandant en chef des troupes. Sa tâche est économique ; l’aménagement du territoire (piste, voie ferrée, ponts, lignes télégraphiques) et la mise en valeur visent d’abord à résoudre les questions stratégiques et logistiques avant d’initier un véritable mouvement commercial. Cette intrusion aboutit à bouleverser l’organisation sociale car l’ingénieur Archinard a besoin de main d’œuvre pour construire les forts, les infrastructures et entreprendre la mise en valeur or il se trouve en but au système des captifs, un système qu’il doit éradiquer en vertu des décisions prises lors des conférences anti-esclavagistes de Berlin, en 1885, et de Bruxelles, en 1889. Sans négliger la question religieuse car le protestant Archinard installe le pouvoir de la France dans une région où dominent l’animisme et l’Islam et pour parvenir à ses fins, il apporte tout son soutien aux pères de l’ordre du Saint-Esprit qui ont l’aval des gouvernements républicains successifs.

Archinard se doit de faire savoir et de populariser cette politique publique dans une opinion française, qui sauf pour une minorité, est peu tournée vers les aventures lointaines. Si contrairement à Gallieni, il écrit peu, il participe à la diffusion de l’idée coloniale en accordant des interviews aux journaux et en approvisionnant les musées avec des objets commandés ( musée de l’Homme au Trocadéro, musée du Havre, sa ville natale, musée des Invalides), en fréquentant les sociétés de géographie ou en participant à l’héroïsation de ses contemporains. De ce point de vue, il a été, à son tour, l’objet d’un culte avec statues, nom de rues, ouvrages hagiographiques.

Cette contribution permet d’appréhender tous les aspects de la domination française dans une région d’Afrique noire devenue l’actuel Mali sans les séparer les uns des autres et sans en privilégier un plutôt qu’un autre car le fait colonial est un phénomène socio-historique global conduit par nos sociétés passées, en toute bonne conscience car elles étaient persuadées d’agir au nom du « progrès » et de la « civilisation », des mots utilisés par nos dirigeants politiques lorsqu’ils cherchent à justifier certaines interventions extérieures auprès des citoyens-contribuables.

 

Interègne au pays des Ravenala - Alain Deschamps

En 1960, les premiers présidents des nouveaux états issus de l’éphémère Union Française étaient, pour la plupart, des hommes politiques nationalistes modérés qui avaient fait leurs armes dans les assemblées parlementaires de la 4 ème République : Houphouët, Senghor, Hammadid Dori en Afrique Noire par exemple, Tsiranana à Madagascar.

10 ans plus tard, sauf exception, ces «  pères de l’indépendance » commencent à s’essouffler. A Tananarive, l’ambassadeur Delauney est chargé de suivre sinon de contrôler une évolution inévitable. Il raconte dans son livre  Au pays des Ravenala, qui vient de paraître chez France Europe Editions comment il a vécu cette période de transition dont Alain Deschamps fait la synthèse.

En 1971, le ministre des Affaires Etrangères lui dit qu’il lui confierait notre ambassade Tananarive pour « organiser en douceur la démission du président Tsiranana et lui trouver le successeur qui permettrait de maintenir les liens d’amitié et de coopération entre Madagascar et la France ». Tsiranana avait été la découverte de l’habile Soucadaux. C’est avec ce « côtier » un peu fruste devenu président de la jeune République malgache qu’il avait négocié une indépendance proclamée le 26 juin 1960. Soucadaux troqua la casquette de gouverneur pour le bicorne d’ambassadeur de France à Tananarive ; Quand à son tour, Delauney y fut, en cette qualité, d’août 1972 à novembre 1974, la situation n’était plus la même. Entre ancien colonisateur et anciens colonisés, le souvenir du passé vécu ensemble établit des relations sensibles qui rendent délicate la tâche de l’ambassadeur de l’ex métropole. A Madagascar le drame de la rébellion (pour les uns) ou de l’insurrection (pour les autres) de 1947 reste présent dans les esprits.

A son arrivée Delauney trouva une ambiance de fin de règne. Tsiranana avait, pendant plus d’une décennie, maintenu l’ordre, la paix, l’unité du pays et la qualité de ses liens avec le nôtre. Il était toujours chef de l’Etat mais l’âge et la maladie l’avaient usé.

Il peinait à former un gouvernement alors que montaient les périls. L'économie périclitait. Le mécontentement était général .11 faisait le jeu de l'opposition politique habituelle Mais, aussi, d'éléments aux tendances marxisantes En 1971, le Monima parti de Monja Jaona, un des artisans de l'insurrection de 1947, persuada les contribuables de sa province de Tuléar, de refuser l'impôt. La gendarmerie intervint avec une brutalité qui choqua. La même année une grève des étudiants fermait l'université de Tananarive. Au printemps 1972 une reprise de la grève, encouragée par des organisations révolutionnaires, tourna à l'émeute. Le 12 mai le « pouvoir » fit, selon certains, arrêter 400 contestataires. Le lendemain, les chefs de l'armée et de la gendarmerie ayant refusé d'intervenir, il lança ses CRS dont les tirs auraient fait une quarantaine de morts..

Le 19 mai, Tsiranana nomma chef du gouvernement avec pleins pouvoirs, le général Ramanantsoa, chef d'une armée qui avait refusé d'obéir. Il forma un cabinet de 10 ministres dont 4 militaires. Le capitaine de frégate Ratsiraka hérita des Affaires Etrangères et le commandant Ratsimandrava, chef de l'indocile gendarmerie, de l'intérieur. Tsiranana restant chef de l'Etat, c'est à lui que, le 25 septembre 1972, Delaunay présenta ses lettres de créance. Le "pére de l'Indépendance" triste et vieilli, lui fit une pénible impression.

 

A COMPLETER

Alerte ! Akassa n’est pas au rendez-vous.

Originaire de Kidal, au cœur du pays Touareg au Mali, entre Gao et Tamanrasset, Aboubacrine Ag Rhissa a quitté les longues transhumances à chameau de ses parents pour entrer dans la modernité. C’est en Land Rover qu’il accompagne désormais les clients de l’agence de tourisme « Touareg Tours », mais c’est à Paris, que l’association Akassa Sahel créée en juillet 2002, s’efforce de recueillir des dons pour aider ses coreligionnaires à combattre la famine. (6 rue Albert Camus, 75010 Paris – www.Akassa.org).

Akassa : « la saison des pluies » en langue tamasheq (touarègue) n’était pas au rendez-vous l’année dernière et tarde à arriver cette année. La saison qui commence est la plus difficile de toutes : on l'appelle « Amekessou ». C’est la pire saison de l’année mais aussi la plus prometteuse, intermédiaire entre la saison sèche et chaude : « Ewelen » (très chaude cette année, plus de 50°) et la saison des pluies « Akassa » que l’on attend d’un moment à l’autre. Si elle vient ! Les années où Akassa, c'est à dire la pluie, n'est pas venue (1973-74, 1983-85) se sont soldées par une destruction des troupeaux à près de 80%, causant le décès ou l'exil de milliers de nomades. La crise n’en est qu’à son début. Beaucoup d’éleveurs, et donc de nombreuses familles, sont déjà dépossédés de leurs animaux qui sont leur seule ressource, à cause de la sécheresse actuelle.

Il y a urgence bien sûr, mais ne croyons pas que la saison de pluies ressuscitera les animaux morts. Elle n’empêchera pas la crise qui sévit actuellement au Nord du Mali et du Niger d’une manière générale, et à Kidal en particulier car c’est une zone qui n’a jamais eu assez de réserve en pâturage, compte tenu de son paysage qui est constitué de 50% de cailloux sur lesquels rien ne pousse.

A ce jour, moins de 50 % de l’aide annoncée il y a quelques mois est arrivée à Kidal. Le marché du transport de cette aide a été donné suite à appel d'offre à des opérateurs privés qui n’ont pas rempli leurs engagements, d’où les retards dans la distribution alimentaire. Les deux usines qui produisent l'aliment destiné au bétail se trouvent à l’autre bout du Mali. La situation géographique de Kidal – à l’extrême Nord, dernière étape sur les routes En campement chez les Touaregscommerciales et non-classée comme zone prioritaire pour la crise actuelle – la place comme dernière ville servie.

Une fois de plus, cette région se retrouve dans une situation particulièrement défavorable et pour ainsi dire oubliée, en dépit des quelques gouttes de pluie annoncées qui ne peuvent en aucun cas effacer une année de dramatique sécheresse. Cette sécheresse qui sévit actuellement dans toute la zone sahelo-saharienne et particulièrement dans la huitième région (Kidal) a été durement aggravée par l'invasion des criquets-pélerins qui ont détruit sur pied les quelques rares pâturages apportés par une saison des pluies 2004 largement déficitaire. La venue de la pluie, si elle n'est qu'épisodique, risque d'aggraver plus encore la situation car les jeunes pousses sortant de terre seront grillées avant maturité. C'en sera alors fini des pâturages pour un cycle annuel complet.

La situation est alarmante et peut devenir catastrophique dans les mois qui viennent (Juin-juillet) et on peut constater un déficit d’eau comparable, par son ampleur, à la sécheresse de 1973. Déjà les réserves sont épuisées, les puits (en nombre insuffisant) sont taris par surexploitation et les derniers pâturages brûlés par la sécheresse.

Les conséquences à ce jour sont :

  • un important taux de dénutrition chez les enfants (entre 50% et 60% sont touchés pour le moment = évaluation Msf : reportage France 3 du 9 juin).
  • une partie importante du cheptel décimée, or au désert les nomades se nourrissent presque exclusivement de lait et de viande.
  • un déplacement anarchique des populations autour des rares ressources restantes, occasionnant des conflits autour des derniers points d'eau.
  • une surpopulation inquiétante des quelques centres urbains, en particulier la ville de Kidal, avec à terme une insuffisance de ressources en eau et alimentation.

Cette situation n'est pourtant pas une fatalité. Apporter une aide aux populations nomades, notamment par le forage de puits et l'apport d'aliment bétail, peut empêcher le désert de se vider de ses hommes et garantir des conditions de maintien et de reconstitution du cheptel. Par le maintien des populations dans leur environnement on soulage la pression de surcharge sur les centres urbains qui, si elle s'accroît ou se prolonge, mène vers une catastrophe humanitaire majeure. Akassa arrive !.....

L'association AKASSA SAHEL, créée en juillet 2002 par Aboubacrine Ag Rhissa, est engagée dans de nombreuses activités dans la région de Kidal, participe pleinement aux initiatives locales de développement et travaille en étroite collaboration avec les autorités locales.

Pour faire face à cette crise elle tente actuellement de mettre en place un système d'achat, de transport et de distribution de denrées alimentaires (céréales) et d'aliments pour le bétail.

Pour ceux qui souhaitent participer, la centralisation des chèques ou des dons à l’ordre de L’Association Akassa Sahel se fera à Paris (6 rue Albert Camus, 75010 Paris) et l'intégralité de la somme sera reversée à l’antenne locale d’Akassa-Mali à Kidal. A l’issue des opérations un bilan détaillé sera communiqué sur le site Internet de l’association : www.akassa.org

Merci d’avance pour votre solidarité.

Aboubacrine Ag Rhissa - Association Akassa Sahel : www.akassa.org

Lire à ce propos : « L’homme d’Amekessou » - par Jean Clauzel – Ibis Press, 4, Rue des Patriarches 75005 Paris – Le dessin illustrant cet article, dû à Michel Valet, provient (avec l’autorisation de l’auteur) de ce livre.

 

Où sont conservées les archives de la France d’Outre-Mer ? - Louis Amigues

  Louis Amigues ancien élève de L’ENFOM a suivi une carrière diplomatique notamment comme ambassadeur à Hanoï, Addis-Abeba et Oslo. Il a été également de 1996 à 2000, Directeur des Archives et de la Documentation du Ministère des Affaires Etrangères.

C’est à André Chamson, alors Directeur des Archives de France, que l’on doit la décision de regrouper en un lieu unique les archives de l’histoire coloniale française. C’est ainsi que naquit le Centre des archives d’Outre Mer, implanté à Aix en Provence où il fût inauguré en 1966, qui regroupe deux grands ensembles :

-         les archives des ministères en charge descolonies du XVII eme au XX eme siècle ;

-         les archives transférées des anciennes colonies et de l’Algérie au momentdes indépendances – entre 1954 et 1962 – à l’exception toutefois des archives de gestion qui sont restées dans les pays concernés.

Nous ne serions pas en France – pays cartésien comme on sait..- si cette sage décision n’avait souffert une exception qui concerne les archives des protectorats sur le Maroc et la Tunisie et celles des mandats au Liban et en Syrie. Celles là étaient conservées au Ministère des Affaires étrangères et y sont restées. Elles se trouvent au Centre des archivesdiplomatiques de Nantes qui possède également une petite série de fonds (AOF , AEF ,Indochine , Madagascar , Cameroun …) rapatriés ultérieurement de certains de nos postes diplomatiques et consulaires . Cette séparation a une origine historique : les Affaires étrangères, comme d’ailleurs la Défense, ont obtenu le privilège – au moment où on les abolissait en France, cartésianisme oblige ! – de rester propriétaires de leurs archives lorsque furent crées sous la Révolution les Archives nationales. Il est vrai que ces deux administrations avaient un droit d’antériorité à faire valoir , les Affaires étrangères et peu après les Armées ( ou peut être la Guerre selon la terminologie de l’époque ) , s’étant dotées dès le règne de Louis XIV , soit un siècle plus tôt , d’un service des archives . Ayant été Directeur des Archives du Quai d’Orsay je dois à la vérité de dire que les archives diplomatiques ont eu tout à gagner de cette décision…

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les archives de la Coopération française sont aujourd’hui coupées en deux, les fonds antérieurs à 1984 étant conservés par les Archives nationales au Centre des archives contemporaines à Fontainebleau, ceux postérieurs à 1984 étant confiés , à Paris aux soins du Ministère des Affaires étrangères, où elles ne sont pas encore consultables . ( Rappelons , à ce propos , qu’au terme de la loi de 1979 sur les archives , celles ci sont ouvertes au public , sauf exceptions limitées qui justifient un délai plus long , au terme d’un délai de 30 ans )

Sera-t-on surpris si je dis que cette décision, fondée sur une certaine logique administrative, ne répond pas à l’intérêt des chercheurs et qu’il aurait mieux valu décider de confier toutes les archives de la Coopération française au seul Quai d’0rsay ?

Si l’essentiel se trouve dans les centres précités, d’autres institutions peuvent conserver des archives et des fonds documentaires relatifs à l’outre mer. C’est en particulier le cas du Service historique de la Marine et de l’Académie des sciences d’outre mer. Celle ci détient notamment une collection de mémoires (Il s’agit du double des originaux, rédigés par des auditeurs du CHEAM.

Je voudrais terminer par une exhortation à ceux qui possèdent des archives personnelles relatives à cette période de notre histoire. Ne les gardez pas , c’est la plus mauvaise solution :d’une part la probabilité est grande que tôt ou tard elles soient détruites , d’autre part elles resteront ignorées des chercheurs ce qui est toujours dommage .La sagesse est d’enfaire dépôt à un centre d’archives public , dont la mission est la conservation de cette partie de notre patrimoine national . Dans le cas particulier, la bonne formule est de les remettre au Centre des archives d’Outre mer d’Aix en Provence qui, d’ailleurs, en détient déjà .

On trouvera ci après quelques adresses utiles :

-         Centre des Archives d’Outre Mer, 29 chemin du Moulin-Detesta,13090,Aix en Provence ; www.archivesnationales.culture.gouv.fr/caom/fr
-         Centre des archives diplomatiques de Nantes, 17 rue de Casterneau , BP 43605 ,44036 Nantes Cedex ; www.diplomatie.gouv.fr .
-         Centre des archives contemporaines, rue des archives , 77300 , Fontainebleau ,
-         Service historique de la Marine, Château de Vincennes , BP 166 , 00468 Armées ; www.servicehistorique.marine.défense.gouv.fr
-      Académie des Sciences d’Outre Mer, 15 rue Lapérouse , 75116 Paris. Tél.0147208793. www.academiedeoutremer.fr

Rencontres

Au sénat : la France et ses anciennes colonies. L'Outre Mer demain ? - Jean Serjac

L’Association des historiens a organisé le 10 mai au Sénat un débat intéressant sur les liens entre la France et son ancien empire colonial…. Hier et demain… que reste-t-il des liens anciens ?

Débat d’autant plus intéressant à l’aune de la polémique engagée fin mai à propos d’un certain article 4 de la loi du 23 février 2005, article qui fait référence au « rôle positif de la présence française outre mer notamment en Afrique du Nord ». Les participants à la réunion du Sénat, tous membres de « l’association des historiens » présidée par E. Leroy-Ladurie, qui a pour objet d’éclairer la compréhension du présent par une meilleure connaissance du passé – appartenaient tous au monde universitaire ou au CNRS.

Ainsi Benjamin Stora (INALCO-IEP) nous a parlé du Maghreb, Marc Michel (Aix-En-Provence) de l’Afrique noire, Hugues Tertrais (Sorbonne) de l’Indochine, Reine Claude Grondin (Agrégée) des DOM, Alban Bensa (EHESS) des TOM, Tandis que Jean Robert Henry (CNRS) dans une ambiance sereine et didactique sous la houlette de la Secrétaire Générale de l’Association, Catherine de Poplavsky, …..

Dans l’ensemble ces historiens compétents se sont montrés très objectifs dans leurs descriptions synthétiques. Des liens tissés par la Métropole avec l’Outre Mer. C’est bien l’histoire plus que la géographie, ont-ils soulignés, qui explique les rapports actuels de la France avec ces terres lointaines coloniales qu’une appellation plus neutre (plus pudique ?) englobe désormais sous le terme peu compromettant « d’Outre Mer ».

Les indépendances ont été acquises par rupture ou par glissement : rupture typique que celle de l’Algérie. A comparer au glissement de ses voisins : Maroc et Tunisie. Rupture aussi en Indochine. Avec le recul du temps les réflexions de 2005 nourries par les livres et la télévision permettent évidemment de mieux comprendre qu’elles étaient de part et d’autre, les réactions et les comportements de 1945.

Dans les très très anciennes colonies devenues Départements ou Territoires d’Outre Mer c’est le glissement qui est intervenu, évidemment. Glissement qui n’est d’ailleurs pas terminé car il apparaît que la politique d’assimilation dérive encore, au loin, vers l’association notamment dans le Pacifique. A cet égard la nouvelle politique menée par Michel Rocard en Nouvelle Calédonie (accords de 1988), exposée avec brio par A. Bensa paraît particulièrement heureuse car en rupture avec l’immobilisme habituel de nos gouvernants.

En Afrique Noire glissement également, glissement plus facile à vrai dire qu’en Algérie (qu’on assimilait à la Métropole) préparé depuis de longues années, accéléré par un chef d’Etat dont l’immobilisme n’était pas le credo. Que reste-t-il maintenant de ces liens anciens mais toujours présents ? Ne parlons pas d’influence politique ou économique, liens réels mais sujets à fluctuations au fil des humeurs bilatérales et ou des évolutions mondiales.

Ce qui reste essentiel, - ont développé les orateurs avec de nombreux exemples à l’appui,- c’est l’influence culturelle, influence dont le vecteur essentiel est évidemment la langue française. En Afrique Noire francophone et à Madagascar, faute de disposer de dialectes à résonance mondiale, le Français est presque partout la langue officielle des nouveaux états. Au Maghreb pour des raisons politiques, la langue Arabe est primordiale mais le Français maintient, voire augmente, sa position notamment grâce à la presse écrite (50% des journaux au Maroc par exemple).

En Indochine par contre les « locuteurs » en Français ne représentent plus guère que 1% de la population !…C’est cependant à Hanoi que s’est tenu le sommet de la Francophonie en 1992. L’Ecole Française de l’Extrême Orient, (notamment à Angkor) – entretient une longue tradition culturelle française. La coopération officielle française a une approche « humaine » qui retient l’attention des successeurs de Hochi-Minh et de Giap…..

Que reste-t-il ? On sait maintenant qu’il n’y a pas de ligne directe de Dunkerque à Tamanrasset. Les Historiens sont là pour le faire comprendre s’ils sont de bonne foi !….. Quel plaisir ont-ils de ressentir, un mois après leur réunion au Sénat, en apprenant l’élection à l’Académie Française d’une Algérienne !

J. Serjac

Choc ou dialogue des Civilisations. - René Lenoir

René Lenoir, ancien ministre et ancien directeur de l’E.N.A. a été aussi directeur international de la Caisse des Dépôts et Consignations et président de SCET international à la suite de Jacques bourdillon. Celui-ci commente la conférence faite par son successeur  le 2 juin 2005 à ARRI, au moment ou ce dernier publie son livre « Choc ou dialogue des civilisations, la force émergente de la société civile ».Ed. Yves Michel.

René Lenoir a vécu 25 ans en terre d'islam, a Supervisé une douzaine de projets de dévelop­ pement en Afrique Noire, est intervenu deux fois à la banque mondiale (pour contester ses orienta­ tions du moment), a conduit le projet d'Erbil (une ville universitaire de 20 000 habitants en Irak), a travaillé â Pékin avec les autorités chinoises pour bâtir une école de la haute fonction publique. Ces expériences variées l'on amené à réfléchir sur la question des civilisations (choc ou dialogue?) et sur celle des cultures (métissage, dialogue ou affrontement?). Pour lui, une civilisation serait l'épanouis­ sement d'une culture (avec propension à l'universalité). Ci après : l'essentiel de son message

Le 21° siècle commence avec le fracas des bombes et des kalachnikovs, dans des affronte­ ments économiques Nord/Sud. Depuis 4 siècles, les nations s'affrontent, la colonisation est en marche avec l'objectif de la conquête du monde par les soldats et tes missionnaires, colonisation quelquefois bénéfique, quelquefois désastreuse. Le capitalisme s'est transformé : il est aujourd'hui régi par les tonds de placement anglo-saxons qui exigent un retour sur investissements considérable, ce qui modi­ fie le partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés.

La Chine de Deng Xiaoping devenue capitaliste privilégie le commerce et vient d'entrer à l'OMC, elle produit désormais 80 1 -/1o des tracteurs 75% des montres, 70% des jouets : quel extraordinaire effet boomerang sur le capitalisme occidental!

1) Les civilisations aujourd'hui

En 1996, Samuel Huntington (oubliant le Japon, l'Afrique et l'Amérique latine) croit pouvoir distinguer cinq grandes civilisations : l'Occident (Europe occidentale et Amérique du Nord), l'Orthodoxie, le Bouddhisme, l'Hindouisme, et l'Islam. Ces civilisations ne sont pas homogènes dans l'espace et sont en évolution constante dans le temps. L'Occident représentait 30% de la population mondiale et 65% du Pib mondial au début du siècle. Ces chiffres sont devenus au­jourd'hui 15% et 35%. L'islam apparaît aujourd'hui comme une vaste mosaïque où se retrouvent les tendances les plus diverses : l'islam laïc d'Atatùrk et de Bourguiba n'a pas grand-chose à voir avec l'islam fondamentaliste d'Arabie Saoudite ou d'Afghanistan, ni avec l'islam modéré du Maroc actuel. Un prix Nobel vient d'être attribué à Chirine Ebadi, une iranienne qui se bat pour le droit des femmes. On construit désormais des églises chrétiennes dans les Émirats, et l'on installe de plus en plus d'an­tennes " paradiaboliques" en pays d'islam (notamment en Algérie). Mais on assiste aussi au dévelop­ pement du terrorisme islamiste alimenté par la "non solution" du conflit palestinien. En marge de ce terrorisme (qu'on a raison de condamner), apparaissent de nouveaux dangers, infiniment plus graves : mafias, drogue, corruption, crime organisé, trafics d'armes, blanchiment de l'argent sale, croissance du nombre des "paradis fiscaux" (dont le nombre est passé en quelques années de 19 à 63). La vio­ lence s'organise en réseaux, et pour y faire face, nous ne disposons que du modeste Interpol (384 personnes). Alors que l'aide au développement en Afrique n'a représenté en moyenne que 7 milliards $ par an, le total mondial annuel des dépenses d'armement atteint 900 milliards $

2) La tentation impérialiste américaine.

La puissance des Etats-Unis n'a cessé de se ren­ forcer depuis le début du 20° siècle, ce qui n'implique pas en soi une volonté impérialiste. Les Etats-­ Unis se sont appuyés pendant 45 ans sur te multilatéralisme, c'est-à-dire sur leurs alliés de la seconde guerre mondiale, ils ont participé à l'élaboration de textes de portée universelle et à la construction de l'ONU. Mais depuis quelques années ils ne cessent de se désengager de tout ce qui bride leur puis­ sance : refus de réinterdiction totale des essais nucléaires, des armes chimiques et des armes anti-per sonnelles, refus du protocole de Kyoto, rejet du multilatéralisme, guerre d'Irak (croisade ou pétrole?), création d'un Ministère de la sécurité intérieure, Patriot Act, Guantanamo. Ils ont entrepris de décou­ rager toutes les nations qui contestent leur leadership. Cette tentation puissamment soutenue par les néo conservateurs (Woltowitz, Huntington) est fortement contestée non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis (Zbigniew Brzezinski, Bernard Law, cardinal archevêque de Boston). Force est de constater (opposition de 2 modèles : celui de l'Empire (qui aboutit à l'isolement de la première puissance mondiale), celui des grands ensembles régionaux (dont l'UE)

3) La culture dans tout cela?

Diverse et multiple elle n'apparaît pas comme un bloc figé Schopenhauer et Romain Rolland ont été bouleversés dès le 19` siècle par le bouddhisme et l'hin­ douisme (succès du livre des morts tibétains), le monde est aujourd'hui comme ce fleuve arc en ciel de Nelson Mandéla, où se mêlent tous les courants culturels, les sensibilités, et les consciences. C'est dans ce cadre que René Lenoir a eu le plaisir de donner à Pékin une conférence devant de jeunes communistes chinois venus nombreux pour se mettre à l'écoute de la "culture occidentale" Les cultu­ res se métissent, des lectures nouvelles de la Bible, du Coran des Vedas sont possibles.

La culture apparaît à la fois comme "notre patrimoine" et comme "notre conscience", patri­ moine fait de valeurs morales et esthétiques, d'histoire et de symboles, conscience d'une présence au monde et dans la société des hommes. On pourrait la définir comme "notre logiciel de vie en société".

Mais l'accès à cet univers culturel n'est possible qu'à condition de desserrer trois freins : celui de l'imposition publicitaire qui souvent nous écrase (Google), celui des religions, qui sont souvent sources de conflits (Soudan, Nigéria, Philippines, Irlande), notamment, dans tes pays où dominent tes fondamentalismes religieux, celui de l'hétérogénéité des cultures qui gêne le dialogue

Les religions peuvent aussi s'entraider : exempte de l'Espagne des 3 religions : au 12' siècle en Andalousie, se reconnaissant héritiers d'Aristote contre tes intégristes de l'époque, Averroés et Maïmonide préparèrent les voies à Thomas d'Équin qui ne viendra qu'au 13` siècle.

4) Espoirs pour l'avenir : les universaux, la société civile

Une étude américaine portant sur 100.000 personnes pendant 15 ans, conduite par 2 sociologues américains (Paul H Raz, et Sherry Ruth Énderson) a révélé que25% des citoyens américains vit déjà dans un nouveau système de valeurs et de comportements (ouverture aux valeurs féminines, à la solidarité, à l'éveil intérieur, à l'écologie). Il semble donc possible de développer un pluralisme culturel De nouveaux universaux sont à construire (apport de l'Occident, apport du non-Occident) Les institutions internationales peuvent être développées et aménagées : nous avons déjà l'Unesco, une Cour Pénale internationale, l'Oit, l'Omc, l'Oms, la Fao, et bien d'autres .... Il est maintenant possi­ ble de rêver d'un droit mondial commun à tous.

L'émergence de la société civile pourrait s'accélérer

La société civile n'appartient ni à la sphère économique, ni à la sphère politique, elle se reconstruit sans cesse en s'appuyant sur les valeurs spirituelles imprégnant la culture, grâce à certaines ONG imaginatives et efficaces comme Émnestz international Transparency international, Médecins Sans Frontières, Médecins Du Monde, Emmaus, etc...

Les événements récents observés en Ukraine et au Liban ont montré que le poids des valeurs spirituelles et culturelles permet à la société civile de faire plier les politiques.

C.R. Jacques Bourdillon.

 

Aux Invalides. L’armée entre hier et demain…. - Général G.Chavannes

Hommages Aux Soldats d’Outre-Mer

Dans l’armée française, en général, et dans les troupes de marines (l’ancienne « Coloniale ») en particulier, honorer la mémoire des combattants de l’Outre-Mer est plus qu’un devoir : c’est une tradition sacrée.

Ainsi, depuis de longues années, au printemps, les anciens d’Outre-Mer rendent hommages au soldat noir, indochinois ou malgache, au Jardin d’Agronomie Tropicale du Bois de Vincennes, en présence de nombreux diplomates et attachés militaires étrangers. A l’été, avec les survivants des combats du 20ème siècle et leurs jeunes amis, ils vont s’incliner devant la nécropole de Fréjus. Le 7 mai de l’an dernier, 50 ans après la fin de la guerre d’Indochine, le sacrifice des combattants de Dien bien phû a été officiellement commémoré aux Invalides. C’était justice à leur rendre car, à l’époque, leur disparition ou leur sort avaient été entourés par l’indifférence de la Métropole.

Mais, cette année enfin, le 8 Juin est devenu « Journée Nationale d’Hommage Aux Morts pour la France en Indochine ». Dans la cour d’honneur des Invalides notamment, ce jour-là, devant les détachements en armes de parachutistes « coloniaux », de légionnaires, de la gendarmerie, des Armées de l’Air et de Mer, de la musique de l’Armée de Terre, d’une centaine de drapeaux (dont celui de l’Ecole Nationale de la FOM décoré de la Légion d’Honneur et de 3 croix de guerre) et d’une foule compacte d’anciens combattants d’Indochine, Madame Alliot-Marie, Ministre de la Défense, a exprimé la reconnaissance de la nation pour le courage et l’abnégation des soldats de cette guerre qui appartient désormais à l’histoire ! Les administrateurs civils d’Indochine présents ont regretté toutefois, que cette cérémonie n’ait pas été l’occasion de rendre aussi hommage aux sacrifices de leurs camarades victimes dans leurs « fonctions républicaines » des japonais ou des Viet Minh. (Cf. bulletin 5)

Au soir, des gerbes furent déposées et la flamme fut ravivée sous l’Arc de Triomphe.

L’accueil des officiers étrangers

Les combats Outre-Mer – heureusement se sont tus (sauf exceptions : en Cote d’Ivoire).

La collaboration avec les armées étrangères des pays amis, qui a été toujours de tradition militaire, trouve un relais efficace dans l’activité de l’association « Frères d’armes » (voir bulletin 4).

Le 7 juin, à l’issue de l’assemblée générale de « Frères d’Armes » une réception a réuni les officiers stagiaires « parrainés ». Entre un capitaine des Emirats Arabes Unis et un commandant Vietnamien, nombreux étaient les officiers originaires des états africains francophones.

A cette occasion, à l’invite du président, le Général Marchand, un vibrant plaidoyer pour les liens d’amitiés qui doivent unir les officiers Français et étrangers  a été prononcé par Madame Alliot-Marie. De son discours on retiendra quelques phrases bien frappées :

  • La France a toujours été une terre d’accueil, un centre de rayonnement intellectuel, artistique et culturel.
  • Le brassage, des cultures et des expériences qui s’opère ainsi dans nos écoles profite tout autant aux officiers français qu’aux officiers étrangers.
  • En apprenant à travailler ensemble, a précisé la Ministre à l’intention de ses interlocuteurs étrangers, vous développez des compétences essentielles, à l’heure où il n’y a plus guère d’opérations militaires qui ne soient multinationales.
  • La France s’enrichit de ses échanges, la France a besoin de vous, officiers de nations alliées et amies.
  • Vous êtes, de retour dans vos pays des ambassadeurs de notre culture, de nos traditions et de nos savoir-faire militaires.
  • De cette coopération militaire dépend également la capacité de nos pays à fonder un dialogue politique solide.
  • « Frères d’Armes » joue en cela un rôle parfaitement complémentaire de celui des institutions de la Défense. Vous entretenez également les liens avec les stagiaires après leur retour dans leur pays, en continuant à les tenir informés de l’évolution de notre défense.

« Frères d’Armes » !.....d’armes et de paix aussi. Les deux ne sont pas incompatibles. On le constate tous les jours sur la scène internationale

 

Vu, Lu, Entendu

Entendu à la radio 

Une Algérienne immortelle J.Serjac

Europe 1 . Le matin du 17 juin, a demandé a Benjamin Stora, le grand spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Algérie de commenter l’élection de Assia Djebar à l’Académie Française. Une femme, une Musulmane, une Algérienne ! Les « Quarante »Ont frappé un grand coup a écrit le lendemain « le Monde ». Francophonie, Démocratie, patriotisme, Droits des Femmes, mondialisme, talent de l’écrivain… ! Que de concepts a développer à propos de cette distinction exemplaire. B. Stora pense que celle-ci aura un grand écho dans le peuple algérien, mais semble dubitatif sur les réactions des Autorités…. « Jeune Afrique, de son côté, a dressé un portrait flatteur de la nouvelle  élue « qui avoue aimer et souffrir en arabe mais écrit en français sans complexe »

Vu à la Télé 

Madame le Maire de Goundam

Arte a diffusé le 15 Juin un reportage sympathique sur la 1 ère femme du Mali élue Maire de sa commune : la ville de Goundam à quelque cent Kms à l’Ouest (et non à l’Est comme le dit le commentateur) de Tombouctou.

Très jolie et élégante dans ses boubous roses ou mauves, Madame Oumou Sall Seck, la nouvelle élue, de race Peulh, se définit comme une bonne musulmane faisant le lien entre la modernité et le respect de sa culture ancestrale. Femme de tête sûrement ; on apprend qu’elle a commencé à militer dans le parti du Président actuel, Amani Toumani Touré (A.T.T.), et qu’elle a quitté son salon de coiffure et son institut de beauté de Bamako, où elle a laissé son mari et ses enfants pour se consacrer entièrement aux charges de sa nouvelle fonction : visites dans les écoles démunies, discussions au marché coloré, entretien avec un chef de mission de l’UNICEF sérieux, inspection des travaux de la digue nouvelle, colloques avec des électrices complices, dialogues avec Mr. Mahmadou Sall, Maire adjoint….Madame le Maire a tout pour plaire et réussir. On la verrait très bien jumeler sa ville avec celle de son collègue, Maire de Saint Coulitz (Finistère), le Togolais Kofi Yamgnane (voir bulletin 1).

Une armée privée en Côte d’Ivoire - J. Serjac

Arte a diffusé le 21 Juin un reportage sur les mercenaires dont la présence se développe comme « services délégués » par les Etats – en Irak par l’armée Américaine, mais surtout en Afrique.

En Côte d’Ivoire, un capitaine aviateur Sud-Africain apporte un éclairage inédit sur lui-même et ses collègues enrôlés en renfort par le Président Gbagbo « cet homme remarquable » juge-t-il. C’est en effet grâce à eux, nous explique cet « expert soldat étranger » que le président a pu suppléer aux déficiences de l’Armée Nationale Ivoirienne et tenir tête aux rebelles du Nord pour « faire cesser les hostilités et réussir la paix » !... »Malheureusement », l’ancienne puissance coloniale est intervenue et a imposé les accords de Marcoussis pour la « plus grande humiliation du Président » ! Bien sur - reconnaît le capitaine - le Quai d’Orsay n’était pas très favorable à cette « armée privée » du Président, mais les militaires français de l’opération Licorne cohabitaient sans trop de problème privés, avec leurs collègues professionnels. Jusqu’au jour (6 novembre 2004) où les Sukhois de Bagbo, pilotés par des Biélorusses ont tué 9 des leurs.

Arte explique très clairement, photos à l’appui la riposte fulgurante et efficace qui s’en est suivie.

Le capitaine Sud-Africain, blessé lui-même a l’épaule, dans son hélicoptère, le reconnaît : Son métier de soldat professionnel comporte des risques. Il l’admet ; il n’a aucun remord, ni scrupules….

Risques aussi professionnels pour le journaliste, interviewé à la même époque, qui explique longuement comment est organisée et financée l’intervention des mercenaires du Président Gbagbo : coût 35 millions de francs CFA par mois, hors budget, hors l’intervention du Ministère de la Défense Nationale !.....De quoi être assassiné !.....

En conclusion, très bon reportage d’Arte qui mêle, selon un bon rythme, interviews personnels et images d’archives. Utile pour aider a comprendre certains « dessous des cartes ».

 

Vu au Cinéma 

Du "Cauchemar de Darwin" à "Djourou une corde a ton cou "

Il arrive que les documentaristes s'intéressent à l'Afrique. Pas tellement les Français, d'ailleurs, mais, par exemple l'Autrichien Hubert Sauper, qui révèle les dessous du trafic des perches du Nil, ou le Suisse  Zuchuat qui se penche sur l'endettement du Mali.
 
Le film de Sauper : Le Cauchemar de Darwin connaît un  succès remarquable pour un documentaire : 100.000 spectateurs dans la seule région parisienne en quatre mois d'exploitation ! Il faut dire que la description par le cinéaste de ce qui se passe sur les bords du lac Victoria  est stupéfiante.
Tout ceux qui s'intéressent à l'Afrique l'ayant vu, on y reviendra seulement pour faire deux remarques en forme de questions  : Et d'abord comment ces perches dites du Nil sont-elles arrivées là (pourquoi n'y en avait-il pas auparavant dans ce lac alors qu'elles nagent, semble-t-il,  dans toutes les rivières d'Afrique ?) et comment ont-elles pu faire disparaître en quelques années la quasi-totalité de la faune préexistante ? On n'a proposé  sur ces deux points que des hypothèses incertaines.
Est-ce-que d'autre part le réalisateur, pour dramatiser la situation, n'a pas pas fait quelques entorses à l'objectivité ? On peut s'étonner, en effet, qu'il montre les usines de traitement des poissons  mais qu'il oublie de signaler qu'elles font travailler des centaines d'employés. Et qu'il n'explique pas pourquoi les habitants des rives du lac ne mangent pas ces poissons (ils n'en mangent, d'après lui, que les têtes et les arêtes). La raison est sans doute qu'ils ont avantage à les vendre aux usines de traitement. Mais alors c'est que le prix est attractif : l'exploitation des perches du lac Victoria ne profite danc pas uniquement aux industriels qui les traitent et aux Blancs qui les consomment, les populations locales y trouvent aussi leur compte.
 
Djourou une corde à ton cou n'est pas aussi impressionnant que le cauchemar de Darwin . Le film de ce Suisse tourmenté par "l'ambiguïté" de son pays (qui a créé, dit-il,  la Croix Rouge mais qui abrite dans ses coffres les prébendes des dictateurs africains), n'apporte aucune révélation spectaculaire et démonte simplement - à partir de l'exemple du Mali - un phénomène bien connu  des économistes : celui de la dette contractée par les pays du tiers-monde pour permettre leur développement,  dont l'effet pervers est d'entraver justement leur développement : Incapables de rembourser les emprunts contractés auprès de la Banque mondiale, du FMI, et autres généreuses organisations internationales , ils sont en effet réduits à emprunter de nouveau pour en payer les intérêts.
Zuchuat montre bien comment l'effacement de cette dette (il vient justement d'être décidé par les pays les plus riches au profit des pays les plus pauvres) ne résoud pas le problème car toutes les conditions sont en place pour que le phénomène se reproduise.
Le cinéaste rappelle aussi, au fil des images,  combien  les aides accordées par les pays développés à leur agriculture : la PAC en Europe, le soutien des producteurs de coton aux Etats-Unis -bien supérieures aux aides accordées aux pays du Sud - sont préjudiciables à ces pays.
L'exercice est salutaire et l'exposé d'une grande clarté. On reprochera seulement à ce documentaire d'accompagner le discours du commentateur d'images agréables mais un peu anecdotiques : paysans semant ou récoltant le coton, femmes cherchant de l'eau au puit ou balayant leur cour,  politiciens ou fonctionnaires tenant sur le sujet des propos relevant le plus souvent de la langue de bois.  Mais après tout il n'était pas inutile de planter le décor.n
Georges Sanner


A l'heure où cette note est rédigée Le Cauchemar de Darwin passe dans plusieurs salles parisiennes et Djourou est projeté à L'Espace St Michel.

 

Lu dans la Presse

Choc des cultures ou synthése des civilisations ? J.Serjac

Jeune Afrique l’intelligent du 22 au 28 Mai puis le Monde du 24 au 6 Juin font état de l’exposition Africa Remix qui se tient au Centre Pompidou jusqu’au 8 Août. 83 artistes, plus de 200 œuvres !

Il s’agit d’œuvres d’artistes modernes africains qui sortent de leur culture ancestrale pour évoquer, à leur façon, un tableau le « dialogue des civilisations » ou le « métissage des cultures ».

Epoustouflant juge en titre « Jeune Afrique » ! Cet hebdomadaire, comme le Monde, reproduisent Hassan Mussa (Soudan) qui laisse le lecteur un peu perplexe.

 

Choc des Cultures ? Ces fesses féminines dénudées, surmontées d’une tête d’homme à la longue barbe noire !....

Synthèse des civilisations ? L’Occident licencieux (peinture de Boucher du XVIIIème s.) par rapport à l’Islam vertueux (photo de Ben Laden), les deux confrontées au rêve de la technologie américaine (les motos en toile de fond).

Amusant ? Sans doute ! De bon goût ? On doute… ! A chacun de se faire une opinion….(mais après réflexion !).

La loi et l’enseignement de l’histoire coloniale

Le Monde du 12 Juin consacre 2 pages à propos de la polémique née de l’adoption de l’article 4 d’une loi voté le 23 février 2005 concernant l’indemnisation des rapatriés et des harkis d’Algérie. L’article fait, en effet référence au « rôle positif de la présence française Outre Mer, notamment en Afrique du Nord ».

Gros émoi à Alger où un ancien Ministre des Affaires Etrangères, secrétaire général du FLN, condamne « avec la plus grande sévérité » cette loi qui glorifie l’acte colonial. De quoi torpiller le projet de signature d’un trait d’amitié. Enterrant le passe entre les pays avant la fin de l’année. …..Du coté français, les enseignants dénoncent, pour leur part, une attaque« contre la neutralité scolaire ». Comme si la politique scolaire de Jules Ferry, continuait a être entachée de la détestable politique coloniale du même Jules Ferry ! De quoi se mêle l’état que de vouloir donner des orientations pour l’enseignement de la politique du pays ! Seuls les serviteurs de l’Etat que sont les enseignants ont leur mot à dire doivent penser ces derniers !

Pour sa part, Jeune Afrique, dans son numéro du 19 Juin évoque avec une violence qui ne lui est pas habituelle, la façon dont est ressentie en Algérie cette « Loi scélérate »---Que faire, écrit Chérif Ovazani » de ce passé commun….Cette histoire faite d’expropriations, de déportations, de tortures, de massacres et de destructions…. ?

Lu chez le libraire

Comment la France a perdu L’Afrique

Le livre d’Antoine Glaser et Stephen Smith publié en mai 2005 chez Calmann-Lévy s’ouvre sur la scène d’ « apocalypse now » dont la lagune d’Abidjan a été le théâtre en novembre dernier. Ce drame résumerait à lui seul l’incompréhension de la France, qui n’aurait pas su transformer la « Françafrique » en une véritable politique de la France à l’égard de Afrique. Sous ce titre accrocheur se retrouvent aussi un certain nombre d’analyses ou de dénonciations qui figuraient déjà en partie dans les ouvrages précédents des deux journalistes.(1)

Après la seconde guerre mondiale, la France a été guidée d’abord par le souci de reprendre en main son Empire, puis « dans l’ordre figé de la guerre froide », d’en rester le gendarme. Elle se maintiendra en Afrique au moyen des accords de défense et de ses implantations militaires, des réseaux Foccart, d’ELF, et la « Françafrique » perdurera ainsi, avec plus ou moins de succès sous tous les régimes, de droite comme de gauche.

Moins virulente que par le passé, ou vue avec davantage de recul, l’analyse se veut une explication cohérente et presque bienveillante d’un système dont la fin est arbitrairement fixée à 1989 par souci de concordance avec le grand bouleversement de l’histoire qu’a représenté la chute du mur de Berlin. En réalité, et les auteurs l’admettent bien volontiers, même s’il y a eu le discours de La Baule en 1990, la césure la plus profonde dans les relations avec l’Afrique date de 1993, avec le décès d’Houphouët-Boigny, puis, en 1994, la dévaluation du franc CFA, le « piège génocidaire » du Rwanda et le Sommet de Biarritz.

La France s’en serait allée « à la cloche de bois » affirment les auteurs, même s’ils conviennent qu’elle n’avait guère d’autre choix, dans bien des cas, qu’entre le maintien au pouvoir d’hommes forts ou l’effondrement des Etats. C’est cette période qui aura été la plus propice à toutes les turpitudes qui ont fait la une et sur lesquelles les auteurs reviennent dans un chapitre intitulé  « l’Atlantide du crime ».

Prisonnière de ses querelles internes d’alternance ou de cohabitation, la France ne se serait pas aperçu que l’Afrique changeait, surtout démographiquement et se présentait désormais comme un continent jeune et turbulent face à la « vieille  France ».

L’après 11 septembre 2001 aura-t-il pour conséquence de voir la France « out of Africa » ?

C’est la thèse soutenue par la troisième partie du livre. Que les Américains aient l’intention de faire de l’Afrique et notamment de la zone sahélienne du 16 ème parallèle , du golfe persique avec leur implantation à Djibouti, du Soudan ou encore de la Corne de l’Afrique, de nouveaux bastions de leur croisade internationale contre le terrorisme ne fait aucun doute. La France dont les moyens sont plus modestes, mais loin d’être négligeables, partage un certain nombre de ces objectifs et l’activisme américain n’a jamais gêné qu’à la marge ses intérêts. De même affirmer que la France aurait perdu des positions dans « cet autre golfe pétrolier » que sont devenus le Tchad et le golfe de Guinée est un jugement qui mériterait pour le moins d’être nuancé.

Dans un chapitre consacré à la « terre d’Afrique, bien commun de l’humanité », les auteurs reviennent à la situation déprimante de la Côte d’Ivoire. A l’image de ce qui s’est passé dans ce pays, la politisation des enjeux économiques que sont l’eau et les forêts, la pauvreté, la mauvaise gouvernance, l’« atrophie » des relations des pays européens avec leurs anciennes colonies, à moins que ce ne soit le sida, risquent, selon eux d’avoir raison de l’Afrique .

« Dieu born again » s’interrogent les auteurs en notant la prolifération des églises évangéliques et des sectes sur un continent dont les dirigeants ont toujours une peur panique d’être « fétichés » ? Serait-ce encore là une raison de l’incompréhension entre Paris et Abidjan ?

Antoine Glaser et Stephen Smith estiment que l’après 11 septembre et la mondialisation, avec la Chine en tête de pont, auront scellé le nouveau déclin de la France en Afrique. L’épilogue nous ramène d’ailleurs dans le 16 ème arrondissement de Paris où Me Robert Bourgi, héritier spirituel de Foccart et de la « Françafrique », n’oserait même plus se rendre à Abidjan.

Ce livre, riche en analyses définitives, en extrapolations audacieuses et en formules de brillants journalistes que sont ses auteurs, mérite d’être discuté point par point. Peut-être permettrait-il d’expliquer tout aussi bien, pourquoi la France est toujours aussi présente en Afrique./.

(1) Ces messieurs Afrique Calmann-Lévy : Vol 1 1992 Vol 2 1997.

 

Le commandant en tournée Par Francis Simonis au Edition Seli Arslan – 2005

Francis Simonis (voir bulletin n° 5) est un universitaire qui s’intéresse à l’Afrique, à la période coloniale et à la façon dont la France administrait ses colonies…..

Contrairement à une tendance assez répandue chez ses collègues, il a de la sympathie pour cet ancien régime et pour ceux qui, à la base, en étaient les protagonistes sur le terrain. Son livre, Le Commandant en Tourné, le prouve, qui a fait appel à la collaboration de nombreux administrateurs témoins de la façon dont ils remplissaient leur métier en multipliant les tournées avec toutes les populations au plus prés des villages ou des tribus en pays sédentaires ou nomades, dans la forêt équatoriale ou à travers les rags arides du désert en Afrique Noire ou sur les plateaux de Madagascar.

Cette « administration de terrain » - voulue en haut lieu a certainement été un des éléments qui ont permis l’heureuse transition politique que l’on sait vers les indépendances : Des contacts naît, en effet, la compréhension. Revenant brièvement dans les circonscriptions qu’ils avaient commandées auparavant, combien d’administrateurs n’ont eu la joie de se voir accueillis avec un indéniable sympathie par les parents ou les enfants qu’ils avaient autrefois recensés, imposés, voire arrêtés dans leurs tournées. N’est ce pas l’un deux qui, devenu sous-Préfet « dans la France profonde » remarquait : au fond, les préoccupations que je rencontre chez les maires de chez nous sont les mêmes que celle des chefs de villages de là-bas.

Vertus, du contact de terrain ! Bon exemple pour les administrations dévorées par la « paperasse bureaucratique ». – Un livre sérieux, documenté, utile pour tous ceux qui s’intéresseront à l’histoire de la colonisation.

N.B. les membres d’Arom peuvent commander ce livre à l’éditeur, 14 rue du repos, 75020 Paris au prix privilégié de 25 euros au lieu de 30€ (Port compris)

 

Coloniser, exterminer,... - de Olivier Le .Cour Grandmaison - Martine Cuttier

Par cet ouvrage, l’auteur s’inscrit dans la tendance actuelle de l’historiographie qui met en avant les formes de brutalisation dans les faits socio-historiques. La conquête de l’Algérie offre un exemple de choix car, selon lui, lors de l’établissement de cette colonie de peuplement, la domination française menée rudement par la force des armes s’est accompagnée d’une politique d’extermination des populations civiles.

L’ouvrage porte sur les faits et les méthodes de la conquête par les généraux tels que Bugeaud, Cavaignac, Lamoricière, Changarnier et Saint-Arnaud…et s’appuie sur les idées qui légitiment cette prise de possession. Les idées d’hommes politiques ayant un réel pouvoir d’influence dans la classe politique et la société civile comme A. de Tocqueville ou d’écrivains engagés comme A. de Lamartine sans compter P.Gaffarel, E. Renan ou G. de Maupassant qui, plus tard, ont cautionné l’expansion française. Même F.Engels et K.Marx partageaient les représentations et les lieux communs de leurs contemporains et entrevoient la soumission de l’Algérie comme « un progrès de la civilisation » dans la mesure où la bourgeoisie moderne débarrasse les « Arabes » du féodalisme (pp.40-46). Ils appliquent la même analyse à la conquête de l’Inde par les Anglais (pp.46-52). Dans les deux cas, ils voient les « autochtones » comme des « barbares » engagés dans la défense de sociétés archaïques condamnées par l’histoire en marche vers la « civilisation ».

L’auteur passe en revue tous les clichés sur la « paresse », la « perversion sexuelle » et la « débauche » mais aussi la « sauvagerie » des « Arabes » et leur état de « race inférieure » vouée à la destruction après que leurs vainqueurs aient supplicié les vivants et outragés les morts mais aussi razzié et détruit leurs biens puisqu’il s’agit de faire place nette pour les colons.

Il dénonce la continuité d’une politique de conquête commencée en 1830 sous la Monarchie de Juillet et poursuivie sous le Second Empire et la Troisième République. L’Algérie apparaît comme un champ d’expériences dont les « savoir-faire » se sont transmis aux générations suivantes de conquérants d’empire tels Gallieni et Lyautey. Et l’Etat colonial est considéré comme un Etat d’exception permanent où s’exerce « le pouvoir du sabre » à travers les bureaux arabes, un Etat à caractère dictatorial et totalitaire. A propos du nouveau statut juridique que les populations « Autochtones » reçoivent par le Code de l’indigénat, l’auteur estime qu’il a servie de modèle aux fonctionnaires de Vichy pour élaborer le statut des Juifs.

Véritable réquisitoire anti-colonial, ce livre veut montrer enfin que la brutalisation pratiquée en Algérie se retourne contre la société civile française, par exemple, quand il s’agit de réduire l’insurrection parisienne, en juin 1848. Les généraux « africains » voient, dans les déçus d’une République qu’ils avaient contribué à faire proclamer en février, « des barbares de l’intérieur » contre lesquels les nouveaux détenteurs du pouvoir politique leur enjoignent de rétablir l’ordre, ----quitte à déporter les survivants dans les colonies ce qui permet de régler la question sociale à une époque où la révolution industrielle génère une forte paupérisation !

Certes la mise en perspective sur le temps long est éclairante mais en privilégiant ce seul aspect de la colonisation , l’auteur trouve une occasion d’ajouter un chapitre « l’auto flagellation » en vogue parmi certaines élites et par là fait l’impasse sur la globalité de la politique d’un pays, la France et d’un continent, l’Europe lesquels, à un moment de leur histoire, se sont imposés au monde et l’on façonné à leur image. Une réflexion comparative sur les formes hégémoniques des sociétés pourrait être plus pertinente en terme d’exportation, armée ou non, des systèmes et des idées.

 

La vie d’Arom

Activité de l’association

L'élément marquant du trimestre écoulé a été l'assemblée générale du 5 avril qui a permis de faire le point sur la vie d'AROM. .....

Sous la direction et l'impulsion de François Laurent-Atthalin, le site internet de l'association dont l'assemblée a souligné l'intérêt a recommencé à fonctionner : nouveua vecteur pour faire passer le message d'AROM auprés d'un plus large public ayprés duquel on aimerait que chaque membre se considère un peu comme un porte-parole.

Carnet

Roland Moal est décédé en mai.
Jean R. Guion a reçu de Mr Messmer au sénat le 8 Juin, la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Martine Cuttier a soutenu avec succès sa thèse ( …) à la Sorbonne.

Publications

Maurice Delaunnay, Au pays de Ravenala (29-75), Ed. France Europe Editions, voir page …
Alain Deschamps, Les Comores (Konthala)
Marcel Dolmaire, Avoir 20 ans dans les camps nazis, Ed. H---- d’hommes.
Maurice Petit Jean – Dictionnaire de la nouvelle comptabilité française, Ed. Economico.
Francis Simonis, Le commandant en tournée, Ed. Selis Arslan, voir page….

Arom et la CADE

CADE veut dire Coordination pour l'Afrique de Demain. Cette association lancée à l'origine par l'association internationale ENDA Tiers-Monde dont le siége est à Dakar se compose de femmes et d'hommes d'horizons divers qui veulent réagir contre les préjugés qui font de l'Afrique un continent en perdition, condamné au sous-développement, aux maladies, aux famines et aux guerres.

Depuis 1996 ils s'efforcent de faire partager leurs convictions que l'Afrique ne peut être réduite à des images sommaires qui ignorent l'extrême diversité des pays et des situations de ce continent immense et sous-estiment ou ignorent l'effervescente vitalité des populations africaines

La CADE entend sensibiliser le public sur les dérives qui réduit l'Afrique susaharienne à des informations fragmentaires et superficielles souvent empreintes d'un pessimisme systématique. Elle leur propose de porter un autre regard et de tenir un autre disocurs sur les réalités de ce continent en profonde mutation, en les replacant dans une perspective à long terme et d'une réappropriation par les Africains de leur destin.

L'activité de la CADE se manifeste dans des débats-rencontres mensuels, par une lettre diffusée aux membres de son réseau et par la participation à des manifestations organisées par des partenaires.

Plusieurs membres d'AROM participent à la CADE et à ses débats où les Africains viennent nombreux, dans le grand amphithéatre de l'ENA qui était autrefois celui de l'Ecole Coloniale...profonde mutation là aussi...

Le site de la CADE : http://www.afrique-demain.org/

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