SOMMAIRE BULLETIN N° 2

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Avant-Propos
Serge Jacquemond
Nous dialoguons ensemble ... avec Le Président Abdou Diouf
Portrait d’actualité
Rakoto Ratsimamanga - Alain Deschamps
Léon Pignon - Serge Jacquemon
Réflexions sur le temps présent :
Indochine - Vietnam : Héritage (2e partie) - Jean Rouget
Anecdote - Christian Lambert
Le Champa - Isabelle Pignon Poujol
Retour de Madagascar - Raymond Césaire
Une réalité qui dépasse la fiction au pays des cèdres - de Gaulle Daou
Du livre noir du colonialisme au livre blanc du colonisateur - Serge Jacquemond


Manifestations
:
Toulouse : Colloque sur le Vietnam - Françoise Chapuis
Colloque franco-vietnamien sur Dien Bien Phu - Gilbert Chavannes
Geneviève de Gallard - Alfred Costes
ENA: Hommage à Lepold Sedar Sengor - Jean Serjac
Toulon : Exposition sur le rôle des Africains dans la libération de la Provence - Pierre-André Simonet
Vu, lu, entendu

Lu chez les libraires : « God bless Africa » - Bernard Lugan Julien Rencurel
Autres livres par Marcel Dolmaire, - Guy Girod-Genet et André Gambrelle

La vie d’Arom
Activité de l’association AROM
AROM et l’AENFOM AROM

Avant propos

Voici le numéro 2 de notre bulletin. Deux, par définition, c’est déjà une série… Les encouragements reçus pour le numéro 1 donnent à espérer que la série sera longue.

Ces encouragements ont été accompagnés de quelques remarques salutaires dont il a été tenu compte. Occasion de réaffirmer que le bulletin s’efforce de ne pas être un “fourre-tout“ de textes sans cohérence (comme il a été dit …) ! A y regarder de plus près, en effet, on peut constater que la plupart des articles de cette livraison s’articulent dans la perspective des deux idées forces d’AROM : Réalité et Amitié :

- La notion de réalité devrait, en principe , coexister avec “objectivité“, voire “vérité “! Heureusement, la sensibilité de chacun l’amène à exprimer une “objectivité “ qui lui est personnelle … pourvu qu’elle soit sincère. Aussi n’est-il pas inutile de souligner que les articles signés n’engagent que leurs auteurs et non l’association elle-même : ainsi, dans ce numéro, des articles consacrés au Liban, à Madagascar, au Viet Nam, pour ne pas parler des deux portraits “d’hier et d’aujourd’hui “: le savant prince malgache et le grand commis de l’Etat en Indochine.

- La notion d’amitié, elle, est plus spontanée et les souvenirs ne sont pas de trop pour ranimer le présent : les Africains qui sont venus libérer Toulon en 1944, l’Ecole Française d’Extrême-Orient qui aide à restaurer le Musée d’art Cham, les jeunes de l’ENA célèbrant Senghor, toutes manifestations qui attestent de la collaboration amicale entre les gens de France et leurs amis d’Outre Mer … Plus significatif encore, l’hommage aux combattants de Dien Bien Phu par le Président Chirac prochainement aux Invalides, le portrait du sous-officier Ben Bellah exposé à Toulon, la plaque de commandeur de la Légion d’Honneur remise à un ancien opposant malgache autrefois condamné à mort …. Le temps passe, les amitiés reprennent !…

(Dans un domaine plus général, le chancelier allemand ne va-t-il pas être invité à assister à la commémoration du débarquement des Alliés en Normandie en juin 2004 !)

Le logotype d’AROM représente le soleil “style africain“. Dans le style “Europe-classique “ un autre soleil était le symbole de Louis XIV ... mais l’orgueilleuse devise du Roi Soleil “ Nec pluribus impar “ n’est plus de mise … Par contre, le soleil unique règne toujours, des Tuamotou aux Antilles, sans oublier Beyrouth et Dakar dans sa course.

Serge Jacquemond

 

Nous dialoguons avec .....Abdou diouf

AROM. Vous avez accepté la présidence d’honneur de notre association. Cette présidence est d’autant plus gratifiante pour AROM que vous êtes un symbole illustre de la cause que nous défendons.

Ancien élève de l’ENFOM (promotion 1958), vous avez été, après l’indépendance du Sénégal, gouverneur de la région du Sine Saloum (1961-1962) ; vous avez occupé de nombreuses fonctions dans la haute administration sénégalaise ; vous avez été secrétaire général de la Présidence de la République, ministre du Plan et de l’Industrie avant de devenir, en 1970 premier ministre ; en 1981, vous devenez Président de la République, succédant ainsi au Président Senghor. Quel parcours !

AROM. Comment avez-vous concilié votre passage dans une école formant des fonctionnaires d’autorité de l’ancien Empire français avec le service d’un Etat devenu indépendant ?

Abdou Diouf. Le contexte politique nous a aidés à faire le passage. C’était le moment de la loi-cadre, plus précisément de l’autonomie interne. Nos pays allaient, à pas comptés, vers l’indépendance. La formation que nous recevions à l’Ecole tenait compte de cette mutation à venir, tout en nous permettant de retenir les leçons d’une gestion administrative éprouvée. L’Etat indépendant du Sénégal devait se construire. Il devait être fort, comme l’avait conseillé le général de Gaulle. Le Sénégal possédait des cadres qui remplacèrent tout naturellement les administrateurs français. Nous avons intégré sans problème le dispositif existant, en appliquant la politique que le président du conseil avait déterminée devant l’assemblée nationale.

AROM. Vous avez succédé au Président Senghor à la tête de l’Etat en 1981. On vous a présenté comme son dauphin désigné. Tout le monde n’a pas compris le retrait volontaire du premier président sénégalais. Pouvez vous nous dire quelques mots sur ses motivations ?

Abdou Diouf. Je n’étais pas le dauphin désigné, lorsque en 1976, le Président Senghor a fait modifier la Constitution par l’Assemblée nationale, pour charger le premier ministre de terminer le mandat du Président de la République, en cas d’empêchement. Le Président n’avait pas cité de nom. Certes j’étais premier ministre à cette époque, mais je pouvais ne plus l’être le lendemain. Evidemment, je mentirais si je disais que le Président Senghor ne pensait pas à moi en proposant cette modification de la Constitution.

Sur les motivations de son départ, le Président Senghor était un homme organisé qui avait tout prévu. Dans ses entretiens avec Mohamed Aziza (« La poésie de l’action », paru aux éditions Stock en 1980 p 228), il lui avait déclaré : « Je prendrai ma retraite un jour. J’en ai déjà fixé la date et je suis en train de mettre en place une équipe de remplacement ». Des hommes, il en avait évalué un grand nombre en vingt ans d’exercice du pouvoir. « Il faut savoir s’en aller », disait-il.

AROM. Ayant quitté le pouvoir dans des conditions qui font honneur à la maturité politique – et surtout démocratique – des institutions sénégalaises, comment jugez-vous, d’une manière générale, la situation des partenaires africains de la zone francophone ?

Abdou Diouf. Les institutions sénégalaises sont solides et l’Etat de droit l’est aussi. C’est ce qui a permis l’alternance voulue par le peuple sénégalais. D’autres pays africains ont vécu la même expérience que nous. Je ne porterai aucun autre jugement, les contextes étant différents les uns des autres.

AROM. Vous avez été choisi, en 2002, pour succéder à Boutros Boutros-Ghali, un égyptien, à la tête de l’OIF et ce, de préférence à Henri Lopez, un candidat congolais. Il est apparu, à cette occasion, une certaine rivalité entre différentes régions de l’Afrique.

Cette rivalité existe-t-elle encore à propos du rôle que les uns et les autres peuvent jouer sur le plan international.

Abdou Diouf. Au Sommet de Beyrouth, les Chefs d’Etat et de gouvernement ont eu à choisir un nouveau Secrétaire général. Il y eut une compétition – comme c’est normal entre démocrates - avec Henri Lopez. Mais cela n’a en rien affecté les relations personnelles que j’entretiens avec lui ; je le connais depuis le temps de nos années d’étudiant. Quant à la rivalité qu’entretiendraient l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale, il n’en est rien. Dans le passé, j’ai soutenu à deux reprises, au côté du président Bongo, ses candidats à la tête de l'Agence de coopération culturelle et technique. Pour moi, il n'y a jamais eu une Afrique centrale et une Afrique de l'Ouest opposées mais une seule Afrique et une seule communauté francophone.

AROM. Comment sont organisés les rapports entre l’OIF que vous présidez et les autres organismes français qui s’occupent de la Francophonie ?... Et avec les autres organismes étrangers (Canada, Liban par exemple) ?

Abdou Diouf. L’OIF est un organisme multilatéral dans lequel les cinquante-six Etats et gouvernements qui le composent sont représentés. Des représentants personnels de Chefs d’Etat et de gouvernement constituent le Conseil permanent de la Francophonie. Ils se réunissent au moins deux fois par an. Une Conférence ministérielle de la Francophonie se réunit, elle, au moins une fois par an. Le Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement est organisé tous les deux ans. L’OIF coiffe ce que l’on appelle les opérateurs qui mettent en oeuvre, sous son contrôle, les décisions politiques des Sommets. Il s’agit de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (http://agence.francophonie.org), l’Agence universitaire de la Francophonie (http://www.auf.org), l’Association des maires francophones (http://www.aimf.asso.fr) TV5 la télévision francophone (http://www.tv5.org), l’Université Senghor d’Alexandrie (http://www.usenghor-francophonie.org).

L’OIF a bien sûr d’excellentes relations avec tous les organismes s’occupant de Francophonie et de langue française, comme l’Alliance française, la Fédération internationale des professeurs de français ou l’Office de la langue Française au Québec.

AROM. Pensez vous qu’AROM, de par sa vocation et la composition de ses membres, pourra être utile pour aider à renforcer les liens entre tous les pays francophones d’Outre Mer devenus indépendants ou départements français, à l’intérieur de ce qui aurait pu, peut être, constituer une sorte de « Commonwealth » à la Française selon l’expression de Léopold Sédar Senghor.

Abdou Diouf. La France est pendant très longtemps restée en retrait sur l’idée de structurer la Communauté francophone. Ce sont des hommes du Sud, Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori et Norodom Sihanouk qui ont voulu cette Francophonie. Les départements français d’outre mer sont partie intégrante de la République Française, et donc de la Francophonie. Il est important qu’une association comme la vôtre contribue, avec d’autres, à faire connaître la Francophonie en France et partout où elle entretient des relations d’amitié. J’ai toujours défendu l’idée que les institutions francophones ont besoin de toutes les forces vives de notre communauté et en particulier du monde associatif.n

Pays constituant l’Organisation Internationale de la Francophonie(O.I.F)  :
Membres - Présentation et structure : http://www.3el.refer.org/rubriqueFR.php3?id_rubrique=20

 

Portraits d'actualité

Albert Rakoto Ratsimamanga - Un savant prince malgache

Né à Tananarive en 1907, Albert Rakoto Ratsimamanga appartient à la très haute noblesse andriamasinavalona. Son grand père, oncle de Ranavalona III, fut ministre de cette dernière souveraine de Madagascar. Soupçonné par les Français d’avoir encouragé en secret l’insurrection des menalamba, en 1896, il fut, lors de la ferme reprise en main de Gallieni, condamné à mort par un tribunal militaire et fusillé.

Le jeune Albert, à l’issue de sa formation à l’Ecole de Médecine de Tananarive, devient médecin de l’Assistance Médicale Indigène (AMI). Il demeure à Paris de nombreuses années et obtient, par une faveur exceptionnelle, de pouvoir devenir docteur en médecine puis docteur es sciences et diplômé de l’Institut de Médecine Exotique.

Ce prince malgache du quartier latin sut nouer des relations étroites avec les milieux intellectuels et politiques français. Etudiant, il milita au sein de l’Association des étudiants d’origine malgache, puis de l’Association des malgaches de France dont il fut cofondateur. Il rêvait à l’indépendance, et, dans l’immédiat, revendiquait l’égalité des droits entre colonisateur et colonisé.

En février 1946, le docteur Rakoto Ratsimamanga fonda avec J. Rabemananjara et les députés J. Raseta et J. Ravoahangy (deux médecins de l’AMI déjà impliqués, en 1916, dans l’obscur complot de la VVS), le Mouvement démocratique de la Rénovation malgache (MDRM) dont les statuts seront adoptés, à Paris, en février.

Dès mars 1946, Raseta et Ravoahangy demandent l’abrogation de la loi d’annexion de 1896 et la reconnaissance de la Grande Ile comme un « Etat libre, ayant son gouvernement, son parlement, son armée, et ses finances au sein de l’Union française ».

Il fallut 14 ans, des désordres, beaucoup de morts et, en France, une nouvelle République, avant d’y parvenir. Le MDRM fut jugé l’instigateur et le principal responsable de la sanglante insurrection qui flamba à Madagascar de fin mars 1947 à la fin de 1948. Raseta et Ravoahangy seront condamnés à mort et Jacques Rabemananjara, alors député à l’Assemblée Nationale, aux travaux forcés à perpétuité. Ces peines seront commuées, mais les ex parlementaires passeront des années en prison ou en résidence surveillée.

Rakoto Ratsimamanga, établi de longue date en France et qui apparemment ignorait tout du soulèvement, ne fut pas impliqué.

En 1960, Madagascar devint une République indépendante, membre de la Communauté, en faveur de laquelle se prononcèrent 77% des citoyens malgaches consultés en 1958 par référendum. La République française reconnaissait solennellement l’Etat malgache et la caducité de la loi d’annexion. Ravoahangy et J. Rabemananjara furent membres du premier gouvernement du Président Tsiranana, père de l’indépendance, dans l’amitié avec la France. Ravoahangy fut, en 1968, fait commandeur de la Légion d’Honneur. En 1970, Madagascar lui fit des obsèques nationales. Le Docteur Rakoto Ratsimamanga, pour sa part, fut le premier ambassadeur de Madagascar à Paris.

Ce militant était aussi un savant. Sa thèse de doctorat en médecine sur la tache pigmentaire congénitale et l’origine des Malgaches était une nouvelle approche d’un problème compliqué. Ses études furent consacrées par un grand prix de l’Académie des Sciences. Sa thèse principale sur l’acide ascorbique et la fonction surrénale était plus classique, mais elle orienta ses recherches. Recherches fondamentales en France, tout d’abord, débouchant, plus tard sur l’Institut Malgache de Recherches appliquées, qu’il fonda à Tananarive (mise au point du vitascorbol).

Le docteur Rakoto Ratsimamanga, décédé en septembre 2001, a reçu dans son pays le suprême honneur des funérailles nationales. Un musée portera son nom. Il est, dira un auteur, entré dans le légendaire malgache. Il honore son pays. Mais aussi la France, car, souligne W. Rabemananjara, ce patriote intransigeant fut, en toutes circonstances, un homme de paix qui devait beaucoup au génie de la France et à l’amitié des Français.

Il est juste que ceux–ci s’en souviennent.

Léon Pignon Un grand commis de l’Etat en Indochine

Le Gouverneur Général Léon Pignon entre au service de l’Etat à 20 ans, en 1928, en intégrant l’Ecole Coloniale. Il n’en sortira, devenu conseiller d’Etat, qu’un demi siècle plus tard, à son décès.

Le nom de Léon Pignon restera surtout attaché au rôle qu’il a joué en Indochine, le pays qu’il avait choisi dès le début de sa carrière. Résumant son parcours, Pierre Messmer, dans sa préface au livre de souvenirs de l’Académie des Sciences d’Outre Mer , a pu écrire : « Après avoir été le rêve du jeune élève de l’Ecole Coloniale, l’Indochine fût la passion de l’administrateur avant de devenir le chemin de Croix du gouverneur ».

Le rêve du « jeune élève administrateur des Services Civils de l’Indochine » se réalise quand il s’embarque, en 1932, à bord du d’Artagnan, en compagnie de ses camarades de promotion dont il est le major. « Tous pleins d’enthousiasme et de foi, ils partaient le vent en poupe » comme l’a écrit Mme Pignon. Peu après son arrivée, le jeune fonctionnaire montre tant de talents que le Résident supérieur du Tonkin l’appelle à son Cabinet. Le voilà ensuite adjoint en province, à Sontay, où il fait connaissance d’un jeune prince de son âge visitant pour la première fois « son » peuple : Bao Dai.

La passion de l’administrateur pour le pays se confirme lorsque, après la reddition du Japon, il se retrouve à Hanoï, fin 1945, comme conseiller politique du nouveau commissaire de la République : J. Sainteny. A ses côtés, il prépare le célèbre accord du 6 mars 1946 avec Ho Chi Minh qui, s’il avait été appliqué, aurait pu sauver la paix. Inféodé à aucun parti, il note dans ses carnets : « Je n’avais aucune objection, a priori, à traiter avec les communistes ».

Mais, 9 mois plus tard, après le soulèvement du Vietminh à Hanoï du 19 décembre 1946, il lui faut réviser sa position : appelé aux côtés de l’Amiral d’Argenlieu, il juge alors « qu’il n’existe plus d’espoir de réussir dans une politique de conciliation avec le Gouvernement Ho Chi Minh ».

Dès lors, toujours pragmatique et lucide, il élabore une nouvelle politique « basée sur la notion d’indépendance et d’unité du Vietnam » (clef de voûte de toute l’Union Indochinoise) et, pour la mettre en forme, propose de faire appel à Bao Daï, l’ancien empereur d’Annam. Cette politique sera désormais celle des gouvernements successifs, malgré hésitations, faux pas et faux semblant. Préfet en mission (1947-1948), E. Bollaert commence à la mettre en place (accords de la Baie d’Along), pendant que Pignon, nommé à Phnom Penh, prépare le traité qui aboutira, sans drame, à l’Indépendance du Royaume Khmer, au sein de l’Union Française.

Nommé Haut Commissaire pour l’Indochine (et Gouverneur Général), en octobre 1948, Pignon va s’efforcer, pendant deux années, d’atteindre l’objectif fixé, malgré de multiples difficultés tant politiques que militaires. Le 19 juin 1949, il peut, enfin, remettre solennellement à Bao Daï, la lettre du président Auriol qui officialise l’accord de la France à ce changement fondamental de statut (en particulier, le statut de colonie de la Cochinchine a dû être abrogé par le Parlement), accord complété, six mois plus tard, par les textes d’application nécessaires : au 1er janvier 1950, les problèmes institutionnels et politiques sont réglés, après un véritable « parcours du combattant » mais le « chemin du Croix » du Gouverneur n’est pas terminé pour autant.

En effet, événement considérable : à la même époque, les troupes communistes de Mao Tsé Toung triomphant arrivent sur les frontières du Vietnam indépendant … La véritable guerre que mène l’armée française contre le Vietminh pour la pacification du pays change d’échelle … Désastres de Cao Bang et Lang Son !… Le Haut Commissaire et le Commandant en chef, le général Carpentier, servent de fusibles !…

Réunissant en une même main les pouvoirs civils et militaires - ce qui paraît désormais indispensable et a été préconisé par son prédécesseur, le « Roi Jean », le général de Lattre arrive à Saïgon. Il continuera, au plan civil, la politique définie et exécutée par Léon Pignon. Ce dernier part pour New York où il va représenter la France au conseil de tutelle de l’ONU, ayant rempli sa mission pour la part dont il était vraiment le responsable, dernier essai de mise en place d’un Etat vietnamien indépendant non communiste.

Réflexions sur le temps passé et présent

Vietnam : Héritage (2e partie suite du bulletin n° 1)

Des infrastructures économiques modernes, prélude à l’économie politique

S’il est un proconsulat qui a donné matière à jugements contradictoires, à louanges et à contestations, c’est bien celui de Paul Doumer, qui occupe le poste de Gouverneur Général de 1897 à 1903. Sur la page négative du constat, s’inscrivent en lettres noires, une insupportable pression fiscale qui touche les populations les plus pauvres, l’instauration des régies, celle de l’opium, celle de l’alcool, celle du sel. S’inscrivent aussi des mesures administratives jugées condamnables, le mépris du traité de protectorat de 1884, la mise à l’écart du partenaire annamite, l’établissement, dans les faits, d’un régime d’administration directe déguisé.

Sur la page positive, la liste est longue des résultats concrets qui ornent son bilan. L’époque de la conquête n’est pas très éloignée et le pays en porte encore les plaies. Les gouverneurs civils qui ont accédé à l’honneur de diriger la colonie, parmi lesquels Paul Bert et de Lanessan se distinguent, ont franchi les premières étapes de la mise en ordre de marche du territoire. Avec l’arrivée de Paul Doumer, homme d’entreprise lesté de puissants appuis politiques, on assiste à une accélération spectaculaire de la modernisation du pays et singulièrement du Tonkin.

En dehors du célèbre pont qui joint, à Hanoï les deux rives du Fleuve Rouge, découverte partagée et admirative de la technologie française et des qualités d’adaptation de la main d’œuvre locale, citons, parmi les initiatives les plus heureuses, le lancement d’une ambitieuse action de travaux hydrauliques, propre à réactiver la mobilisation villageoise dans l’entretien des digues, indispensables à la maîtrise des eaux, la mise en œuvre d’un programme d’urbanisme qui donne à Hanoï le cadre que l’on connaît encore aujourd’hui, et surtout, sous le nom qui lui sera donné de « plan Doumer », l’élaboration d’un réseau ferroviaire de communication moderne et homogène couvrant l’ensemble de l’Indochine.

Le projet comportait deux grands axes. L’axe est-ouest, Haiphong, Hanoï, Lao Kai, Yunnan Fou. S’il a mis en lumière la dextérité de nos ingénieurs et l’audace de leurs réalisations, le célèbre « Pont en dentelle » en étant l’illustration, il ne cachait pas la finalité politique et stratégique de « pénétrer » le Yunnan.

L’axe nord-sud répondait à des préoccupations plus complexes. Destiné à assurer la liaison Hanoï – Saïgon, son tracé donnait lieu à discussion. Celui qui empruntait la vallée du Mékong avait pour mérite de désenclaver le Laos et le Cambodge et d’être plus court de trois cents kilomètres. Albert Sarraut s’inscrira au nombre de ses partisans.

Celui de la voie directe qui longe la mer, beaucoup moins directe que l’on croit en raison des détours qu’exige le relief de plaines successives séparées par les avancées de la chaîne annamitique, s’est néanmoins imposé pour des raisons économiques et déjà politiques. Economiques, par la nécessité évidente de faciliter la communication entre les deux deltas, ne serait-ce que pour pallier les redoutables disettes qui sévissent dans le nord par les secours du riz cochinchinois.

Le rail s’imposait, en complément des autres modes de transport, le cabotage et la « Route mandarine », dont la dénomination poétique ne compensait pas le manque d’entretien. Politiques, pour répondre à une demande pressante de la Cour de Huê, soucieuse que la capitale de l’Annam ne soit pas tenue à l’écart de la ligne de chemin de fer annoncée. Pour une autre raison, inattendue pour l’époque et surprenante dans l’esprit de Doumer, qui fut de favoriser l’amalgame des Annamites du nord et du sud, dont les relations avaient été distendues par le jeu de l’histoire, des intérêts politiques et des comportements de vie différents.

Le premier coup de pioche qui ouvrit le chantier fut asséné en l’année 1902. .De tronçons en tronçons finalement reliés entre eux, la liaison ferroviaire Hanoï- Saïgon ne put être inaugurée qu’en 1937. Mille sept cents kilomètres de voie ferrée, l’ouvrage est impressionnant. Son financement ne fut pas une petite affaire. Finalement, l’accord donné par le parlement français à un emprunt de 200 millions de francs-or à 3,5 % d’intérêts remboursable sur 75 ans, fut entériné par la loi de finance du 26 décembre 1890.

Paul Doumer avait du revenir à Paris pour défendre personnellement un projet qui soulevait nombre de résistances, à droite et à gauche. Il est intéressant de se référer à son argumentation. Devant la chambre, il déclare : « A qui donc profiteront les 200 millions de chemin de fer que nous payerons sur les seules ressources de la Colonie, si ce n’est aux constructeurs qui sont en France, auxquels, sous la forme de ponts de fer, de rails, de matériel de toutes sortes, vont revenir les deux tiers de cette somme. En effet, les dépenses faites sur place, les dépenses relatives aux salaires et aux terrassements ne dépassent pas le tiers du total de l’emprunt ». (Charles Fourniau « Vietnam »- Les Indes savantes). Cet auteur s’interroge : « Doumer était-il, dès son départ, l’homme du Comité des Forges ? »

On aperçoit le procès qui lui sera fait. Sans entrer dans la polémique, force est de constater que l’emprunt ne sera pas garanti par le Gouvernement de la République mais par le seul Gouvernement Général, que c’est le budget de celui-ci qui en assurera la charge, que la politique fiscale si contraignante s’explique de ce fait, que c’est le pays lui même qui assumera le coût financier de ses voies de communication, sans parler du coût social des réquisitions de main d’œuvre. Il demeure que, sans la participation du capitalisme colonial et de ses établissements financiers, Doumer ne serait pas parvenu à ses fins, lesquelles ont marqué un incontestable progrès dans l’architecture économique du pays.

Et observons, en souriant, que le trasindochinois a été, politiquement, en avance sur son temps. Rappelons nous qu’avec l’Indépendance, l’Union des trois Ky, Tonkin, Annam, Cochinchine, fut, en 1945, l’une des revendications essentielles de nos adversaires viêtminh et que c’est en partie sur ce sujet que la Conférence de Fontainebleau a échoué. L’histoire est pleine d’imprévus. Elle oblige à constater que c’est le chemin de fer transindochinois, œuvre de Paul Doumer, dont l’image qu’il a laissée n’en fait pas celle d’un homme d’ouverture, qui a affirmé, avant la lettre, l’unité économique, humaine et politique des trois territoires qui forment aujourd’hui, le Viêtnam.

 

ANECDOTE

En 1996, je me retrouvais à Saïgon et me suis rendu au Musée de la Résistance. J’étais le seul visiteur, ce qui autorise à penser que ladite résistance ne soulève plus l’enthousiasme des foules. Ainsi ai-je bénéficié, pour moi seul, des explications d’un guide-conservateur. Il s’exprimait en anglais, bien que je lui aie fait connaître que j’étais français. Mais je n’ai pas insisté, le laissant à ses commentaires sur les colonialistes.

Après cette visite instructive, j’ai demandé à mon chauffeur de me conduire au musée national, le musée du Louvre, en quelque sorte ; A ma surprise, là aussi, j’étais le seul visiteur. Une jeune femme se présenta pour me faire visiter le musée où les descriptions et explications écrites étaient en français pour cette simple raison que le musée a été entièrement conçu et réalisé par des chercheurs français (j’ai d’ailleurs fait la même observation à Kaboul)- néanmoins, la jeune vietnamienne, elle aussi, s’exprimait en anglais. Je lui fis remarquer que j’étais français, que je ne comprenais pas l’anglais et, ai-je ajouté, je lui serais infiniment reconnaissant de parler français. Elle me répondit très aimablement que le français était la langue de l’ex-puissance coloniale et qu’il était interdit de l’utiliser dans l’administration, qu’elle ne pouvait donc pas parler notre langue. J’ai répondu : « et l’anglais, c’est la langue des Américains. Qu’en pensez-vous ?

« C’est vrai, me dit-elle, mais les Américains ne sont pas des colonialistes … »

Ceci étant dit, ayant tout de même quelque considération pour l’ancien colonialiste que j’étais d’évidence, la jeune vietnamienne fit appel à une collègue qui, elle, bravement, consentit à me donner des explications en français. Elle n’avait rien à craindre avec moi. En aucun cas, je n’aurais dénoncé au bureau politique du comité central du parti communique vietnamien, sa courageuse témérité.

Encore un peu, et les Vietnamiens, comme les chinois, ne jureront que par les américains et le dollar … et un jour viendra, je le crains, où le français sera en Indochine, ce que l’Espagnol est au Philippines. C’est à dire pas grand chose.

Christian Lambert

 

Le Champa

Attachée à l’Ecole Française d’Extrême Orient, Isabelle Pignon-Poujol achève actuellement une thèse sur le Champa, une civilisation indochinoise encore peu connue.

C’est le nom d’une civilisation indianisée très peu connue qui s’est développée entre le 3e et le 15 e siècle dans les plaines et sur les hauts plateaux de l’actuel centre Vietnam. L’épigraphie, les textes chinois et vietnamiens, les manuscrits chams ainsi que les récits des voyageurs occidentaux et arabes nous apprennent qu’entre la fin du 2e siècle et le 15e siècle de notre ère, il exista, dans l’actuel centre-Vietnam, un pays de grande civilisation indienne : le Champa.

Dès 192 A.D., les textes chinois parlent d’un pays appelé Lin-Yi qui pris son indépendance vis à vis de l’empire du Milieu.

Si le Champa est bien attesté au 4e siècle, nous savons encore peu de choses sur ce royaume : la population parle la langue chame, les temples sont construits en briques cuites, la religion prépondérante, à la cour, est le sivaïsme. A partir du 7e siècle, l’histoire du pays se précise grâce aux annales chinoises qui relatent une de leur expédition militaire (en 605) vers le Champa. La capitale est alors à l’emplacement de l’actuel village de Tra Kieu (à quelques kilomètres de Da Nang).

A partir du 8e siècle -et pour presque 200 ans- le Champa va atteindre les limites de sa plus grande extension puisqu’il s’étend de « la Porte d’Annam » (Hoành Son) au Nord au bassin du Donnai au Sud. Dès cette époque, il entretient des relations protocolaires, économiques et religieuses avec ses voisins (pays khmer, Java, Dai Viet entre autres), relations qui de cordiales peuvent devenir belliqueuses car l’histoire du Champa est aussi jalonnée de guerre. Sa bonne entente avec la Chine passe par l’envoi régulier d’ambassades et de tributs composés des richesses du pays montagnard (défenses d’éléphant, cornes de rhinocéros, plumes de paon, bois précieux…)

L’Inde fournit à la fois un modèle social, une conception de la royauté, des cultes et la langue sanskrite. Après une période de paix et de prospérité, le Champa doit faire face à diverses pressions, invasion khmère, début de la descente historique du Dai Viet (futur Vietnam) vers le Sud, la pression démographique l’engageant à conquérir de nouveaux territoires.

Lors de la bataille de 1471 contre le Dai Viet, le Champa perd sa capitale Vijaya et se replie dans ses provinces méridionales. Le grand royaume indianisé n’existe plus. Un nouveau Champa se réorganise autour de valeurs autochtones, abandonnant le modèle indien. Dès lors son territoire ne cesse de diminuer et en 1832, la dernière parcelle de pays cham indépendante est définitivement rattachée à la province vietnamienne du Binh Thuân.

Le Musée d’art cham de Da Nang (Tourane)

• 1892 : les premières découvertes fortuites
En 1892, Charles Lemire, résident de France, sensible à la beauté de cet art alors méconnu fait transporter au « jardin de Tourane » un grand nombre d’œuvres chames alors disséminées.

• 1908 : le projet d’un musée d’art cham voit le jour
En 1908, Henri Parmentier (architecte, archéologue de l’Ecole française d’Extrême-Orient ) rédige un rapport pour le directeur de l’Ecole dans lequel il déplore la dissémination et l’abandon des sculptures chames. En même temps, il propose quelques principes devant régir la constitution du futur musée : « Les pièces trouvées lors de fouilles qui font partie d’un édifice encore reconnaissable doivent rester sur place, sauf si leur état ou leur nature ne permet pas leur conservation sur le lieu d’origine… ». Le Quang Nam –Da Nang est l’emplacement idéal pour le futur musée, la province étant le cœur historique du Champa.

• 1919, inauguration du musée d’art cham
Le bâtiment principal du Musée a été construit en 1915 et officiellement inauguré en 1919. Il fut conçu par deux architectes français, Delaval et Auclair, sur les plans d’Henri Parmentier, selon un style simple agrémenté de motifs caractéristiques de l’architecture du Champa.

•1936, premiers travaux d’agrandissement du musée
Les fouilles d’envergures effectuées par Jean-Yves Clayes (archéologue de l’EFEO) à Tra Kieu (Quang Nam) et par la suite à Thap Mam (Nghia Binh) mettent au jour plus d’une centaine de nouvelles sculptures majeures. L’agrandissement du bâtiment est alors décidé par l’ajout de deux ailes latérales. Il est baptisé musée Henri Parmentier. En 1937, le musée reçoit 4 519 visiteurs. En 1946, au tout début de la guerre d’Indochine, la défaillance du gardiennage entraîne le pillage d’une partie du musée et de sa bibliothèque. Ce n’est qu’en 1948 que Jean Manikus, envoyé en mission par l’EFEO, peut récupérer les œuvres. Plus tard, en 1954, le Musée Henri Parmentier servit d’abri à 300 réfugiés.

• 1963, il est rebaptisé musée de Da Nang
En 1963, rebaptisé musée de Da Nang, il a alors pour conservateur Nguyên Xuân Dông. Cet ancien topographe et collaborateur de l’EFEO, avait assisté Henri Parmentier dans ses recherches de classification et contribué, en 1930, aux travaux de restauration du site de My Son. Depuis 1975, le musée relève de la Direction de la culture et de l’Information du Quang-Nam Da-Nang. Il compte environ 300 œuvres datant sans interruption du 7e au 15e siècle, formant ainsi un ensemble d’art cham unique au monde.

• 1997, publication du premier catalogue du musée d’art cham, sur l’initiative de l’Association des Amis de l’Orient (AFAO) et de l’Ecole française d’Extrême-Orient.

• 2002 – 2003, la préservation des œuvres chames en grès devient urgente :
La ville de Da Nang a entrepris, en 2002 des travaux d’agrandissement du musée avec pour objectifs : une mise en valeur des œuvres, la création d’un atelier de restauration, d’une salle audiovisuelle et d’une bibliothèque. Dans le même temps, L’EFEO, le Musée des Arts Asiatiques Guimet, le Sénat et l’AFAO soutiennent le développement de l’atelier de restauration. Une trentaine de sculptures ont pu déjà être restaurée.

 

Retour à Madagascar

Raymond Césaire ancien élève de l’ENFOM est ambassadeur de France. Après un tout début de séjour à Madagascar, il a partagé sa carrière de diplomate entre l’Afrique, l’Amérique Latine et l’administration centrale du Quai d’Orsay. Il n’était pas revenu dans la Grande Ile depuis quarante cinq ans. Il a été plutôt agréablement surpris de retrouver une situation plus encourageante que celle qu’il avait pu craindre.

Tous ceux qui avaient connu Madagascar avant l’indépendance ou dans les années qui suivirent et qui y étaient retournés après, avaient été frappés par la dégradation économique, sociale et culturelle de ce pays. Après avoir suscité l’espoir d’un développement modeste mais équilibré sous la présidence de Philibert Tsiranana (1960-1972), la Grande Ile se retrouva, à partir des années soixante dix, parmi ces pays qui, comme la Guinée ou le Congo Brazzaville, furent tiraillés entre une idéologie dangereuse, les rivalités de la guerre froide et une gestion intérieure désastreuse. Encore Madagascar avait-elle la chance, à la différence des deux autres pays, de ne pas dépendre trop largement de quelques ressources minières ou du pétrole.

Pendant une vingtaine d’années, le nationalisme exacerbé des dirigeants, leurs discours enflammés et leurs plans pharaoniques cachèrent mal leur incompétence, leur absence de scrupule pour se maintenir au pouvoir et leur haut degré de corruption. Les voyageurs ramenaient généralement de Madagascar une image pitoyable, d’infrastructures délabrées, de dégradation des services de l’Etat et, pour tout dire, de misère que traduisait la chute de la plupart des indices de développement.

Pourtant, à partir des années quatre vingt dix, soucieux de se créer une nouvelle clientèle d’affidés pour ne pas perdre le contrôle du pouvoir, et parce que c’était aussi dans l’air du temps, l’Amiral Président assouplit son système et libéralisa l’économie. Il espérait ainsi, après une période d’intérim qui ne pouvait être que désastreuse, reprendre les commandes. Il commit cependant l’erreur de mal mesurer le sentiment d’exaspération de ses concitoyens et leur volonté de changement.

Madagascar a vécu, durant les six premiers mois de 2002, une véritable révolution qui a pris de court la plupart des politiciens, là-bas comme en France, car elle s’est réalisée à la différence de ce qui se passait ailleurs, sans violences excessives.

Après la reconnaissance difficile de sa victoire pourtant sortie des urnes, deux scrutins, législatifs et municipaux sont venus conforter la position du Président Ravalomanana. Cet homme d’affaires prospère, d’une cinquantaine d’années, doit sa réputation à sa gestion efficace à la tête de la Mairie de Tananarive. Il ne fait partie ni de l’establishment politique ni de celui du grand négoce. En revanche, il possède une grande rapidité d’analyse, beaucoup de pragmatisme et un réel talent de communicateur mis au service d’une volonté très affirmée. Son élection, si elle a éclairci en principe l’horizon politique jusqu’en 2007, n’en a pas fait disparaître tous les nuages. L’opposition reste forte, notamment dans les Provinces, ce qui paraît être un bon signe pour autant qu’elle ne cherche pas exclusivement à déstabiliser le régime.

Après la transition de 2002 réalisée à l’arraché, et qui a fait prendre encore quelque retard à l’économie, Madagascar donne l’impression réconfortante de s’engager sur une nouvelle route. Tananarive, redevenue propre, se couvre à nouveau de chantiers, le BTP manque de main d’oeuvre qualifiée, les grands axes de communication sont en cours de réouverture grâce à des crédits internationaux, la pêche reste active, le textile et les petites industries des zones franches, qui ont le plus souffert des désordres du changement politique, reprennent leurs activités face à une concurrence évidemment accrue.

Avec une croissance de 10% attendue en 2004, tournée vers l’Océan indien où elle fait figure de puissance régionale, Madagascar songe davantage à se caler sur l’Asie et des pays comme la Malaisie qu’à regarder vers une Afrique en crise ou moins dynamique, dont elle ne se détourne pas pour autant. Si elle parvient à surmonter ses divisions internes et à dépasser un certain conservatisme insulaire, elle devrait profiter des avantages comparatifs que lui donnent, dans le cadre de la mondialisation, sa position régionale, l’étendue de son territoire, son unité linguistique et culturelle, la diversité de ses ressources et surtout la qualité de sa population.

Si Maurice, avec ses deux mille kilomètres carrés et son million deux cent mille habitants, a pu connaître en vingt ans un extraordinaire développement économique au point d’atteindre un PIB équivalent de celui de Madagascar, la marge de diversification et de progression de la Grande Ile, avec ses dix sept millions d’habitants et un territoire grand comme la France et le Bénélux réunis, est autrement plus importante.

Des sites remarquables comme celui de la capitale, la baie de Diègo Suarez, Sainte-Marie et Nosy Bé, Tuléar, le pays Mahafaly et de nombreuses réserves ornithologiques et animalières pourraient s’ouvrir à un tourisme de qualité, différent de celui de Maurice et tourné, en plus des loisirs, vers l’écologie et la culture. Cette activité pourrait bénéficier pleinement du calme retrouvé, d’un personnel accueillant et d’un bon rapport qualité prix si les tarifs à partir de l’Europe parvenaient à être abaissés. Un artisanat abordable et de qualité est de nature à renforcer cet attrait. L’arrivée annoncée de quelques grands opérateurs internationaux peut être interprétée comme un signe encourageant.

C’est également en tirant davantage profit de la diversité de ses ressources agricoles et minières et en misant sur les nouvelles technologies de la communication que ce mini continent qu’est Madagascar devrait sortir assez rapidement de l’ornière des pays les moins avancés. A côté des traditionnelles essences aromatiques, le pays devrait redevenir assez vite exportateur de riz et de viande. Enfin, dans le secteur minier, l’exploitation de l’ilménite (titane), devrait faire l’objet d’ici peu, dans le Sud, d’un nouvel important investissement canadien.

La France demeure, d’assez loin, le premier investisseur et le premier partenaire commercial de la Grande Ile. Deux cents filiales d’entreprises françaises y sont installées et plus de trois cents entreprises malgaches comptent une participation française. L’aide publique de la France, de l’ordre de cent millions d’euros par an, dans laquelle l’enseignement tient une place importante, devrait permettre de pallier l’effritement de notre langue, perceptible surtout chez les jeunes. Madagascar offre aussi de bonnes perspectives à une coopération décentralisée, notamment à partir de La Réunion. Enfin quelque vingt cinq mille Français, dont la moitié de binationaux sont installés dans la Grande Ile, alors que le nombre de Malgaches résidant en France est évalué à plus de quarante mille. Ces communautés, largement métissées, constituent aujourd’hui un élément particulièrement dynamique de nos échanges.

Ainsi, à l’heure où Madagascar, tout en restant fidèle à ses traditions, renoue avec sa vocation d’ouverture et d’intermédiaire entre l’Occident et l’Orient qui ont fait la richesse de son Histoire, les relations franco-malgaches, vieilles de près de deux siècles, apparaissent comme un moteur essentiel de son renouveau.

Une réalité qui dépasse la fiction au pays des cèdres - De Gaulle Daou

De Gaulle Daou est informaticien et ingénieur ESME SODRIA. Après avoir tenu des postes de responsabilité en France, il retourne en 1993 au Liban où il crée une entreprise d’informatique en même temps qu’il enseigne dans diverses universités dont Saint Joseph. Il est le créateur d’un logiciel «Berytos» permettant l’intégration des fonds documentaires et des bibliothèques du monde entier en de multiples langues.

Amitié Réalité Outre Mer. Le Liban pourrait être le pays de l'amitié ; en réalité, qu'en est-il de ce côté de la méditerranée ? Permettez-moi de vous livrer mon opinion sans mâcher mes mots.

Tout a changé, pour moi, depuis les événements survenus en 1975. La forte pression des ces événements avait entraîné la division du peuple.

Heureusement la guerre est terminée et le peuple a pu enfin retrouver son union, afin de se rencontrer et de discuter ouvertement et librement. Nous étions tous convaincus, qu'une fois ce cauchemar terminé, la mentalité allait changer, que les nouveaux dirigeants du pays, ayant bien vu les catastrophes étaient conscients des erreurs à éviter.

Nous voilà en 2004, où le monde est ravi par le progrès de la technique ; les premières images venant de la planète Mars nous confirment que l'homme est capable, lorsqu'il planifie et étudie avec précision, de progresser, de réaliser et d'interpréter, et de traiter les imprévisibles (artefacts) qui peuvent se présenter à tout moment lors de la mission, afin de bien réussir un projet complexe et délicat. Ainsi nous pouvons parler vraiment d'hommes d'actions.

Malheureusement, les dirigeants libanais sont des hommes de réaction et non d'action (coup de tonnerre dans une tasse de café) ; non seulement ils manquent de toute sorte de vision : politique, stratégique, économique, sociale, intellectuelle, et j'en passe… ; mais ils se montrent fiers d'agir en chefs de tribus. Faut-il leur rappeler que nous ne vivons pas à l'époque de Vercingétorix (et encore, celui-ci tentait-il de rallier les peuplades gauloises combattant César, afin de défendre la Gaule).

J'aurais toujours aimé demander à ceux qui nous gouvernent :

Comment préparez-vous l'avenir de vos enfants et petits enfants ? Avez-vous pensé au jugement de l'histoire, aux fardeaux lourds que ces derniers vont porter à cause de vos comportements et de vos ignorances ? Avez-vous songé…. ? Avez-vous médité…. ? Que la liste est longue… Avez-vous réfléchi une seconde que vous pouvez mourir dans deux minutes – ou bien la mort n'arrive-t-elle qu'aux autres ? Avez-vous appris que le monde évolue et que le jour "J" venu, vous serez évalués par les futures générations qui n'auront certainement pas la même attitude et la même manière de penser ? Où sont votre amour et votre dévouement pour la patrie ? Avez-vous entendu parler d'un président français le général Charles de Gaulle, ou du leader indien Mahatma Gandhi ? Ou bien sont-ce des extra-terrestres ? Pour vous dire : de grands hommes pareil, ont tout compris, et l'histoire du monde et de l'humanité est fière de les accueillir.

Depuis mon retour au Liban en 1993 après une absence de plusieurs années, j'entends les dirigeants prétendre s'informer, parler, spéculer, promettre et afficher leurs plans et leurs solutions, et nous voilà en 2004 toujours avec le même discours et les mêmes attitudes. C'est vrai que la bonne information coûte cher, mais rappelez-vous que J. F. Kennedy a dit : "La seule chose qui coûte plus cher que l'information est l'ignorance des hommes".

Je me demande toujours (sans me réclamer ni du capitalisme ni de communisme), pourquoi un président de la république, un premier ministre… (pour ne pas les nommer et la liste est longue) doit toucher un salaire pendant son mandat, une fois qu'il est non seulement exempté de toute charge, mais en plus, logé, nourri, habillé, pris en charge complètement par le peuple ? Ne parlons pas des voyages à l'extérieur du pays, lorsque les hauts fonctionnaires sont logés dans des hôtels luxueux au prix le plus élevé, au lieu d'être reçus à l'ambassade de leur pays qui est vraiment l'endroit représentant le Liban, pendant que le peuple se trouve contraint de quitter son pays à cause d'un déficit qui se creuse, des dettes qui augmentent, du chômage qui croît, des gens qui deviennent de plus en plus pauvres, et j'en passe…

Ces choses seraient acceptées lorsque, le peuple qui en paye la lourde facture aura eu ses droits et aura satisfait ses nécessités quotidiennes, telles que : l'eau potable, l'électricité, l'assurance maladie, les lycées, les écoles et les universités nationaux de qualité, l'accès facile à la culture en disposant des musées et des bibliothèques, des centres sportifs non privés…

Faut-il rappeler que nous payons l'électricité deux fois, le téléphone deux fois et surtout l'eau deux fois, sachant que le Liban est l'un des pays les plus riches en eaux dans la région.

Que la liste est longue, mais je me permets aussi de parler d'un grand dada de la majorité des libanais : l'environnement.

Depuis longtemps ma grande désespérance était de voir la nature violée, à commencer par le sable du littoral pillé, le littoral squatté par les établissements balnéaires privés, les magnifiques rochers de certains villages et en particulier les chefs d'œuvres de la nature, de Bekaata-Feytroune par exemple, broyés, les montagnes complètements mutilées, le bois et les forêts broutés, déboisés et ensuite rasés. Le béton qui coule à flot partout remplace les arbres et tue la nature, sans parler des panneaux publicitaires accumulés au long des routes comme si nous traversions tous les jours des supermarchés.

Finalement, j'aurais vraiment aimé savoir pourquoi les professeurs des universités et tous les intellectuels n'écrivent pas et ne publient pas plus d'articles et des livres, au lieu de consacrer le meilleur de leur temps (pour ne pas dire le meilleur d'eux-mêmes) aux choses transitoires. On a l'impression que leur rôle s'est limité uniquement à transmettre des connaissances.

Comment acceptez-vous d'avoir un nombre excessivement élevé d'instituts d'enseignement supérieur, se présentant comme des universités par décret du gouvernement, lorsque dans un nombre non négligeable d'entre eux, le fond de la bibliothèque ne dépasse pas 1500 ouvrages ?

Pour quoi cacher la réalité et présenter mon pays comme étant le paradis sur terr ?, Aurait-on honte de dire les choses telles quelles sont ? Comment comptons-nous avancer, progresser, vivre et préparer pour les futures générations un pays digne portant les valeurs de l'humanité ?

Parlons enfin la diaspora libanaise,

Aux libanais du monde entier, je dirai : il suffit de vous rappeler l'appel du 18 juin 1940 par le général de Gaulle aux français.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par l'ignorance et la faillite totale de nos dirigeants à tous les niveaux. Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La situation actuelle est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour le Liban. Vous les millions des libanais (puissants et riches) qui vous trouvez dans le monde, oubliez vos querelles, vos intérêts personnels, votre esprit de clocher, votre égoïsme ; pensez à vos ancêtres, à vos racines et surtout à vos enfants et aux futures générations, et pour une fois comprenez que, pour sauver votre pays, vous devez adopter une seule religion : la patrie.

 

Du livre noir du colonialisme au livre blanc du colonisateur

On connaît cette histoire : celle du Français débarquant pour la première fois à Londres à Waterloo station, puis se rendant à Trafalgar Square où il s’exclame : « Quelles drôles d’idées ont ces Anglais ! Donner à leurs bâtiments et à leurs places des noms de défaites ! »

Histoire humoristique sans doute (probablement inventée par un Anglais !) mais qui est plus profonde qu’il n’y paraît :

- d’abord, elle souligne l’impossibilité qu’ont certains – nombreux – à se mettre à la place de l’autre … C’est difficile quand on traverse la Manche ! Que dire si on traverse la Méditerranée puis le Sahara pour se retrouver dans la savane ou la forêt africaine ! Que de discours et de jugements, préfabriqués instinctivement, à base d’idéologies, étrangers à la culture et au mode de pensée fondamental des peuples dont on parle ;

- ensuite, la plaisanterie rappelle combien le poids de l’histoire est présent dans les esprits ; ceux-ci, tout naturellement, ont tendance à « lisser » le temps sans mettre leurs souvenirs d’écolier en perspective de l’évolution multiséculaire du monde. Trafalgar, Waterloo … puis Fachoda … pourquoi pas ? «Jehane, la bonne Lorraine qu’Anglois brûlèrent à Rouen» comme chantait Villon il y a cinq siècles !…

Pensons plutôt au centenaire de l’Entente cordiale qui doit être célébré avec faste et, espérons - avec bonheur - l’an prochain. Pensons aussi à l’image encore récente du Président de la République française et du chancelier allemand la main dans la main devant le mémorial de Verdun !

Oublier le passé ? Pas du tout, mais tout simplement le placer à sa juste valeur dans le contexte du moment, sans contresens. Certains ne vont-ils pas jusqu’à rappeler que les Arabes ont été présents en Espagne (Europe) pendant sept siècles pour en déduire que la Turquie est européenne de tradition ! …

Faut-il rappeler que les civilisations aztèques ou incas ont été démolies par les conquistadors de Sa Majesté très Catholique au 16e siècle, que les négociants de Nantes se sont enrichis aux XVII – XVIIIe siècle par le trafic du bois d’ébène, pour en conclure (en induisant une corrélation plus ou moins explicite) que « sur le grand livre de l’histoire universelle, la colonisation porte en son sein une faute originelle indélébile, une sorte de péché laïque »1 … Un péché originel qui ne pourrait être lavé que par la repentance, terme devenu à la mode (on n’ose pas écrire « tendance ») comme « citoyen » ou « racisme ».

L’Afrique – pour parler d’elle – a été jusqu’il y a peu le continent oublié des économistes axés sur le PNB, des politiques préoccupés des espaces stratégiques, des universitaires et philosophes traumatisés par les effets du « commerce triangulaire » transatlantique (oublieux du bilatéral via l’Océan Indien) , mais l’explosion de nouvelles tragédies noires ont commencé à alerter le public désireux de comprendre.

Le succès rencontré par « Les Rendez vous de l’Histoire » consacrés cette année à l’Afrique, dans les jardins de la douce France à Blois, du 16 au 19 octobre, a été significatif à cet égard. On y a abordé des sujets graves : les frontières, l’apartheid, la polygamie, le pillage des ressources minières du Congo (ex Zaïre), la colonisation, regardé de vieux et nouveaux films et beaucoup parlé.

Parmi les succès de librairie récents se détache « Le livre noir du colonialisme » de Marc Ferro2. Son sous-titre est révélateur : « De l’extermination à la repentance ». Comme le souligne avec à propos l’universitaire Martine Cuttier, la critique qui en a été faite par Le Monde et Le Figaro met l’accent sur le premier terme ou sur le second … Sensibilité politique oblige. Mais l’ambiguïté demeure. Y a t-il un rapport entre l’action et le comportement de Cortez et celui de Savorgnan de Brazza pour ne citer que deux exemples ?… Il y a là une tentation d’amalgame entre un passé – qui semblait acceptable, voire normal selon les mœurs de l’époque et un présent évidemment inacceptable selon nos critères d’aujourd’hui, lentement mûris au fil du temps.

Esclavage, conquêtes au sabre, pillages éhontés des richesses… Y a-t-il vraiment similitude avec les modes d’occupation par des tribus blanches d’Europe des terres des tribus noires d’Afrique au 20e siècle ?

La période – 1930, 1960 – pendant laquelle s’est épanouie la pax romana est décrite, pour ainsi dire, en contrepoint, dans le livre « La France d’Outre Mer ». Les auteurs- administrateurs et magistrats – livrent leurs témoignages d’hommes de terrain, avec autant d’objectivité que possible. C’est leur livre blanc qu’ils laisseront aux historiens du futur.

Il est bon d’entendre ainsi le son de cloches des principaux intéressés ; les témoins africains qui ont connu les années 1950 et vivent les années 2000 ; le président Abdou Diouf au Sénégal, l’ancien ministre - français maintenant – Kofi Yamgnagne au Togo, J. P. Ngoupandé, ancien premier ministre en Centre Afrique, dont le livre « L’Afrique sans la France » est remarquable d’objectivité. Ces témoignages de personnalités noires sont à leur tour étayés par des écrivains blancs qui osent le « parler vrai ». J. P. Dozon dans « Frère et sujet » souligne la complexité d’un monde franco africain qui ne se réduit pas aux turpitudes coloniales comme le résume Paul Masson. Dans un registre plus orienté sans doute, mais réaliste, Bernard Lugan après un premier livre « Afrique, bilan de la décolonisation »4 publie « God bless Africa »4 (voir critique de ce livre page 27) qui, statistiques à l’appui, décrit 10 ans plus tard dans quelle triste situation se trouve le continent actuellement.

Tout récemment, le journaliste du Monde, spécialiste de l’Afrique, Stephen Smith, vient de sortir sous le titre « Négrologie » une série d’observations, de témoignages et de réflexions à même de justifier le sous-titre de l’ouvrage : « pourquoi l’Afrique meurt ? ».

Est ce la fin de la bibliothèque coloniale, pour reprendre une expression de Michel Levallois, Président de la Cade ? Bien sûr que non, mais il faut bien se rendre compte que l’afro-optimisme des amis de l’Afrique (et surtout des Africains eux-mêmes), anti-thèse de l’afro-pessimisme des experts froids et des technocrates, « en prend un coup » pour parler vulgairement.

Mais heureusement, comme le dit la sagesse des nations : il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

La prise de conscience – longue à venir – de la communauté internationale va peut-être finir par porter ses fruits au moins dans deux domaines :

- politique : pallier les insuffisances de l’Etat, là où il n’y a plus d’Etat ; l’ONU réinvente peu à peu, sans le dire ouvertement, la notion de tutelle (Timor Oriental, Zaïre, Liberia) ;
- humanitaire : par exemple la création récente du FSTI (en français : Fonds de Solidarité Thérapeutique International) pour lutter contre la plus grave des catastrophes qui menacent l’Afrique : le SIDA.

Soyons pour conclure, solidaires du « Celte noir » Kofi Yamgnagne qui rêve d’une société idéale faite de l’organisation et de la méthode à la française et du sens social à l’africaine.

Serge Jacquemond

 

Manifestations

A Toulouse, des acteurs de la coopération franco-vietnamienne

Françoise Chappuis, chargée de mission au Musée Guimet est directrice de l’Association Française des Amis de l’Orient (très proche du Musée) dont le président est lui-même directeur de l’Ecole Française d’Extrême-Orient.

A Toulouse, les 13 et 14 octobre 2003, au Centre des Congrès Pierre Baudis, se sont tenues les 5emes assises des acteurs de la Coopération franco-vietnamienne, organisées par le Ministère des Affaires Etrangères, La Région Midi-Pyrenées, la ville de Touloue et l’Ambassade de France au Vietnam.

Cinq cents participants français et vietnamiens y ont assisté. Du côté français, se comptaient les représentants de Conseils régionaux, de Conseils généraux, de municipalités, auxquels s’étaient joints les délégués d’organismes administratifs (Santé et Education) ainsi que de nombreuses ONG. Du côté vietnamien, s’étaient déplacés plusieurs représentants des communes populaires, bénéficiaires de l’aide. Universitaires et chercheurs des deux pays complétaient l’auditoire.

L’ambassade de France avait réalisé un remarquable travail préparatoire sur les paramètres sociaux et économiques les mieux actualisés couvrant l’ensemble des provinces du Vietnam.

Deux catalogues recensaient, pour le premier, la liste des acteurs français fournisseurs d’aide dans les secteurs les plus divers, programmes ponctuels ou de plus longue durée, modestes ou de plus ample ambition ; pour le second, les lieux d’application des dits programmes, dont on voit que, pratiquement, toutes les provinces sont concernées et que l’aide française s’exerce de la frontière de Chine à la Pointe de Camau.

Citons quelques exemples :

- A Hanoï, rénovation de maisons anciennes, dans le célèbre périmètre des 36 rues. Partenaire : la ville de Toulouse.
- A Ho Chi Minh Ville, mise en place d’une salle de cardiologie à l’Hôpital central et formation de deux cardiologues. Partenaire : l’Hôpital Boucicaut à Paris.
- A Hué, étude du fonctionnement écologique, économique et social de la lagune de la ville. Partenaire, le Conseil régional du Nord-Pas de Calais.
- Dans les provinces de Nghe-An et Hatinh, organisation de stages de perfectionnement en français, assorties de visites croisées au Vietnam et en Bretagne, de jeunes élèves. Partenaire : l’Association « Côtes d’Armor – Vietnam ».

Au total, ce sont 535 projets, dont plusieurs en cours de réalisation, qui ont été présentés.

A l’issue de la réunion, force est de constater que la coopération franco-vietnamienne est une réalité active et dynamique ; A relever son caractère très décentralisé, qui en assure, certainement, la réussite. Les liens d’amitié et de confiance qui se sont noués être les intervenants des deux pays, attachés au succès du même projet, comptent pour beaucoup.

 

Colloque franco-vietnamien sur Dien Bien Phu

Organisé par l'Université de Paris 1 Panthéon- Sorbonne - CNRS et par le Centre d'études d'histoire de la Défense (C.E.H.D.), un colloque intitulé « 1954-2004: la Bataille de Dien Bien Phu entre histoire et mémoire » s'est déroulé les 21 et 22 novembre 2003 dans les amphithéâtres de l'Ecole Militaire, devant une assistance de 150 à 200 personnes(1).

A quatre mois du cinquantenaire de la bataille qui, dans une petite plaine encaissée du nord Vietnam, non loin de la frontière du Laos, opposa pendant 57 jours le corps expéditionnaire français et l'armée populaire vietnamienne, ce colloque avait pour but d'instaurer, sans commémoration ni célébration, mais en suivant si possible une démarche scientifique, un dialogue entre militaires et universitaires français et vietnamiens. Les aspects opérationnels, stratégiques, politiques et diplomatiques de la guerre d'Indochine devaient donc pouvoir être évoqués avec le regard froid et détaché de l'historien.

Il y eut un rappel intéressant du déroulement des opérations, de l'aide en armement et en finances de l'U.R.S.S., de la Chine et des États-unis, de la recherche des responsabilités entre civils et militaires, le gouvernement de l'époque s'efforçant de « livrer le fardeau » aux USA et l'opinion française se détachant de ce « dernier et lointain avatar de la 2" guerre mondiale ».

En fait, les différents exposés et témoignages qui se succédèrent pendant ces deux jours firent apparaître la différence essentielle entre mémoire intellectuelle et mémoire affective.

Pouvait-il en être autrement compte tenu de la participation au colloque des acteurs survivants et de leurs héritiers des deux pays les uns encore remplis de leurs émotions et les autres de idéologie ?

La confrontation de leurs points de vue n 'en fut pas moins fort utile. Il ne faut pas se cacher qu'en France il y eut longtemps comme un trou dans les mémoires car à la guerre d'Indochine succéda la guerre d'Algérie que l'armée Française voulait gagner. Par ailleurs l'image américaine agressive de la guerre du Vietnam tendit à effacer la nôtre, et surtout l'immense armée des morts, des disparus dont tant n'ont pas été rendus - sans parler des populations abandonnées et des « boat-people » - fit peser une chape de silence sure la conscience collective.

Mais, le sacrifice des anciens ne doit pas être inutile. « Un peuple qui perd la mémoire est un peuple condamné à mourir de froid » rappela le cinéaste-écrivain Schoendorffer. « L'armée française doit regarder dans son rétroviseur et tirer les enseignements de ce conflit » ajouta le Général Schmitt, ancien chef d'état-major des Armées.

Il importe donc aujourd'hui de continuer à rechercher et à recueillir tous les témoignages relatifs à ce passé douloureux, ne serait-ce que pour corriger les manuels de l'enseignement secondaire traitant ce sujet avec partialité, et pour mieux préparer les jeunes générations à s'en inspirer dans un climat de réconciliation entre les peuples. C'est aussi le vœu du Général Trinh, maître de conférence à l'Institut d'histoire militaire d'Hanoï qui a souhaité le développement « sans complexes » des relations entre le Vietnam et la France.

Ce souhait pourrait être réalisé à l'occasion d'un voyage du Président de la République Française au Vietnam programmé en octobre 2004.

Auparavant, il se rendra le 7 mai aux Invalides pour rendre un hommage national aux combattants de Dien Bien Phu.

UNE FEMME A DIEN BIEN PHU

Par Geneviève de Galard

Bientôt cinquante ans ! Le 6 mai 1954, le camp retranché de Dien Bien Phu tombe après des mois de combat sous un déluge de feux. Les troupes françaises ont résisté jusqu’au bout, dans des conditions atroces : les antennes chiruricales sont submergées ; les blessés et les mourants, souvent affreusement mutilés, ne peuvent plus être évacués vers Hanoï. Atterrissages et décollages devenus impossibles, il ne reste que la ressource des parachutages, de plus en plus difficiles en raison des conditions météorologiques et du feu sans répit de l’artillerie vietminh. Mais ils tombent nombreux hors des lignes françaises. Munitions, médicaments et vivres font souvent défaut. Geneviève de Galard, infirmière convoyeuse de l’air, a déjà effectué plusieurs évcuations de blessés, lorsque, le 28 mars 1954, son Dakota sanitaire se pose, mais, accidenté, ne pourra repartir. Ce sera le dernier atterrissage.

Désormais, seule femme dans le camp, au milieu de quinze mille hommes, elle va, sans repos, pendant plusieurs semaines, soigner, secourir et réconforter, prodiguant à chacun son attention, sa douceur et ses soins. Tous ceux au-devant desquels elle peut aller, oublient un peu le cauchemar qu’ils vivent, les antennes chirurgicales envahies par la boue, l’entassement des blessés, ceux capables de tnir debout repartant au combat dès que pansés. Animée par une foi profonde et son désir de servir, de se dévouer et de soulager les souffrances, elle partage la détrese de ces soldats, raisant preuve d’une sérénité et d’un courage admirables, dans l’enfer de chaque jour.

Après sa libération, Geneviève de Galard refuse, malgré les sollicitations, toute publicité, confortée dans son refus par ce que lui écrivent quelques capitaines du 11e de choc, dont Hélie de Saint Marc. Cependant, elle ne peut se dérober à l’invitation du Congrès des Etats-Unis et du président Eisenhower. Reçue en triomphe, l’héroïne et ange de Dien Bien Phu, comme titrent les journaux américains, noublie pas d’évoquer ses camarades tués, blessés et prisonniers dont elle rappelle le calvaire, le courage et l’abnégation.

Après ces années de silence, le moment est venu, estime-t-elle, de témoigner pour que ne tombent pas dans l’oubli le sacrifice et l’héroïsme des combattants et que soient connus les idéaux qui les animaient. Elle le fait avec sobriété et pudeur et une étonnante mémoire des hommes et des moments qu’ils ont vécus.

Malgré les souvenirs douloureux, elle a conservé un regard ébloui pour les magnifiques paysages d’Indochine et n’oublie pas son peupls si attachant et resté si proche de notre coeur.n

Alfred Costes

 

 

A l’ENA : Hommage à Leopold Sedar Senghor

On connaît la célèbre formule du Président Edgar Faure : « L’indépendance dans l’interdépendance ! »… Les élèves de l’ENA viennent avec panache de mettre un autre concept à l’honneur : « Le changement dans la continuité ».

C’est en effet dans l’antique Ecole coloniale du 2 avenue de l’Observatoire, inaugurée en 1896, que les élèves de la promotion actuelle de l’ENA ont tenu à rendre hommage le 11 décembre 2003 au patron de leur promotion : Leopold Sedar Senghor !…

- Continuité dans la personnalité du grand poète, de l’homme politique qui, a su si bien personnaliser l’idéal de « l’assimilation dans la différence » du professeur à la double culture qui enseignait le wolof et la culture africaine dans ce même bâtiment aux élèves de « Colo » d’après guerre :

• côté « assimilation », le normalien, l’académicien, le député à l’Assemblée nationale ;
• côté différence, le président de l’Etat indépendant du Sénégal, le chantre de la « négritude ».

- Continuité aussi parmi les invités de marque : 2 anciens de l’ENFOM dont le destin n’a pas été médiocre : le Français, Pierre Messmer (promo 1934), ancien Premier Ministre, le Sénégalais Abdou Diouf (promo 1958), ancien président de la République de son pays … et quelques autres anciens administrateurs de la FOM devenus préfets en métropole.

- Changement : Après l’Ecole Coloniale, après l’Ecole de la France d’Outre Mer, est venu le temps des mutations. Les bâtiments de style mauresque abritent successivement, en 1959 l’Institut des Hautes Etudes d’Outre Mer, puis, à partir de 1966, l’Institut International d’Administration publique (IIAP) qui, l’un et l’autre, contribuent à la formation des hauts fonctionnaires des anciennes colonies d’abord, puis des pays étrangers ensuite. Ainsi pendant ses 35 ans d’activité l’IIAP a formé plus de 8000 auditeurs ressortissants de plus de 80 pays différents…

Et maintenant, depuis 2002, c’est la « fabrique » des hauts fonctionnaires français, l’ENA qui reprend, au 2 Avenue de l’Observatoire, la charge de diffuser les grands principes de droit public et de l’administration française à des futurs préfets ou ambassadeurs étrangers.

Dans l’antique amphithéâtre «Disclère» devenu «Parodi», autour du Ministre P.A. Witzer et du directeur de l’ENA, A. Durrelemann, les jeunes énarques de la promotion Senghor ont eu à cœur le 11 décembre dernier de réciter, après les discours officiels, des poèmes du grand poète disparu.

Mais un poète ne disparaît jamais. On en parlera encore, au mois de mars, à Addis Abéba, au cours d’une semaine qui lui sera consacrée par l’Organisation Internationale de la Francophonie dont le secrétaire général, comme on sait, est le même Abdou Diouf, président d’honneur d’AROM. On y lira peut-être des extraits d’ « Ethiopiques » ...

 

Toulon : Exposition sur le rôle des Africains dans la libération de la Provence

Pierre André Simonet, compagnon de la libération, alors sous-lieutenant, a participé comme observateur aérien de la 1ère Division de la France Libre a la libération de Toulon après avoir baroudé en Syrie, à Bir Hakeim et en Italie. Devenu administrateur de la France d’Outre Mer en 1947, il exerce au Vietnam et au Cameroun avant que de devenir économistes au Fonds Monétaire International notamment comme représentant du FMI en Haïti. Retiré à Toulon, sa visite à l’exposition ne l’a pas laissé indifférent.

Cette exposition organisée au Musée d’Art de Toulon en janvier/février 2004 est particulièrement intéressante en ce qu’elle fait ressortir la participation des « soldats de l’Empire » … empire d’alors d’Afrique du Nord et d’Afrique noire), à la libération du Sud de la France par l’armée du Général de Lattre de Tassigny – (alors commandant en chef de l’armée B).

L’exposition a été réalisée par l’amicale du groupe Marat - un groupe de résistance actif de la région de Marseille - sous l’impulsion de l’historien Grégoire-Georges Picot. Elle est remarquable tant par la qualité de l’argument militaire que par les choix des photos et des commentaires par son authenticité hors du « politiquement correct ». Elle s’attache à montrer le rôle déterminant que tirailleurs blancs ou noirs d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso, du Cameroun, du Tchad, ont joué dans la libération de la France – Plus d’un soldat sur deux était africain.

Le chant de l’Armée d’Afrique que rappelle certains panneaux reste encore présent dans l’oreille de ceux qui l’ont entendu, rythmé dans les défilés par les nouba :

« C’est nous les Africains
Qui venons de loin
Nous venons des colonies
Pour sauver le pays
Nous avons tout quitté … etc »

Caractéristique aussi parmi bien d’autres deux photos : celle de Leopold Sedar Senghor engagé dès la déclaration de guerre en 1939 dans un régiment d’infanterie coloniale à Paris, celle d’Ahmed Ben Bella sous officier à la deuxième division de montagne marocaine cité à deux reprises à l’ordre de l’Armée.

Et que dire de l’accueil des Toulonnais tout étonnés de se voir libérés par des « indigènes » comme on disait alors.

Le témoignage du 3e classe Mohammed Salah est significatif : « Ils étaient étonnés de vois des gens bronzés ! Ils se demandaient qui nous étions ; alors ils hésitaient à sortir des caves, à sortir des abris, des endroits où ils se cachaient … mais quand on leur disait : « vous êtes libres ; on est venu pour vous libérer, nous les Marocains ; d’autres disaient nous les Algériens ou les Tunisiens, ou les Sénégalais ; nous, on voyait dans leurs yeux briller la confiance, ce mot de liberté … Ca nous frappait, ça nous encourageait ».

Confiance, encouragement ! Deux mots symboliques que met en honneur, au delà de son intérêt historique l’exposition de Toulon …. Deux mots qui résonnent dans la philosophie d’AROM : Amitié, confiance entre les générations de France et d’Outre Mer.

 

Lu, vu, entendu

Entendu à la radio ...

A Radio France International, le 26 novembre 2003, dans la chronique «Afrique-Midi», le livre «La France d’Outre Mer - 1930 1960 » a été présenté par Jean Clauzel. Ce dernier précise qu’il s’agit essentiellement de témoignages des administateurs et des magistrats, acteurs de la « période coloniale », bouleversée dans ses profondeurs par la guerre 1940 - 45 qui va conduire, 15 ans plus tard, aux indépendances des pays colonisés. Deux caractères de cette administration sont soulignés : la loyauté des exécutants, le sentiment profond d’être investi d’une mission civilisatrice. Les témoins espèrent les témoignages à venir de leurs anciens administrés pour contribuer à l’information objective des historiens qui se penchent sur le passé colonial.

 

Vu à la télévision

Arte a diffusé le mardi 17 février à 20h45 un film intéressant, mi-fiction, mi-documentaire, intitulé « L’asile impossible : la citadelle Europe ».

En fait, le sujet c’est la narration du voyage de deux jeunes et sympathiques béninois qui quittent leur ville de Cotonou pour tenter de gagner l’Europe (l’Espagne ou la France, on ne sait ?) par voie de terre, à travers le Sahara.

Un documentaire qui nous montre un itinéraire plein d’images : le train d’abord jusqu’à la frontière du Niger, puis la route asphaltée jusqu’à Niamey et plus tard Agadès, la « porte du désert ».

De là, le voyage se complique pour les malheureux béninois qui, avec un groupe de Ghanéens, se trouvent aux prises avec tous les trafiquants, passeurs et chauffeurs touareg qui épuisent leur économie, les abandonnent sur la piste, avant de consentir à les amener à Djanet puis à Tamanrasset.

Beaux paysages du grand désert que n’apprécient certes pas les pauvres noirs, transis, mourrant de froid et de faim, placés entre le dilemme de dépenser toutes leurs maigres économies ou d’être arrêtés par les patrouilles de la police algérienne qui veille à défendre – si loin au Sud – les frontières de l’Europe. Finalement, les voilà arrêtés, en prison pour un mois à Beni Abbès, près de la frontière du Maroc dans l’attente d’être expulsé par un camion surchargé qui les jettera au premier poste malien du désert où ils retrouverons des centaines de compagnons d’infortune.

Ils ont plus qu’à rentrer chez eux, sans argent. Triste équipée stérile de quatre mois.

Le film continue en montrant des Africains qui ont pu atteindre les grillages qui entourent Melila, la préside espagnole. S’ils arrivent, malgré les patrouilles à franchir les grillages avec leurs échelles de bouts de bois, ils auront quelque chance de devenir « émigrés sans papiers » en Espagne.

Le destin de ces pauvres Africains noirs confrontés à la cupidité et au mépris des habitants et à la sévérité des autorités des pays qu’ils traversent est poignant … mais le film n’explique pas pourquoi ils veulent partir à tout prix et quels sont les véritables enjeux économiques et politiques qui se cachent derrière les drames individuels. La raison indiquée en liminaire du film : « quitter l’Afrique qui ne leur laisse aucun espoir » est un peu courte.n

Jean Serjac

Vu au cinéma

La sortie sur les écrans, le 11 février, du film de Rithy Panh S 21 la machine de mort Khmer rouge

a été saluée comme un événement par toute la presse, à tel point que l'on pouvait se demander s'il était vraiment utile de la signaler dans cette rubrique.

Je me suis cependant décidé à lui consacrer quelques lignes, estimant qu'AROM ne pouvait pas ignorer un film qui évoque la période la plus tragique de l'histoire d'une de nos anciennes colonies.

Rappelons que S 21 démonte le fonctionnement d'un centre de détention situé au cœur de Phnom Penh où 17.000 personnes ont été emprisonnées, interrogées, torturées et finalement exécutées entre 1975 et 1979.

L'objectif du réalisateur était de comprendre et de montrer comment le parti communiste du Kampuchea démocratique avait organisé et mis en œuvre sa politique d'extermination systématique. C'est dans cette perspective qu'il a cherché à reconstituer le fonctionnement de la machine de mort "exemplaire" que constituait S 21.

Il a été aidé dans ce travail de mémoire par deux des trois rescapés du camp encore vivants, et notamment le peintre Vann Nath, qui a échappé à la mort en peignant des portraits de Pol Pot jusqu'à ce qu'il réussisse à s'enfuir à l'arrivée de l'armée vietnamienne. Le témoignage de Vann Nath -que l'on voit longuement à l'écran peindre son arrivée au camp- et sa confrontation avec ses persécuteurs, constituent quelques-uns des moments forts du film.

Mais son originalité tient surtout à la participation des "employés" du camp à cette reconstitution. Rithy Panh a retrouvé une douzaine de ces hommes : Him Houy, l'un des principaux responsables, des gardiens, des membres du groupe d'interrogatoire, un médecin, un photographe, des dactylos…et pendant le tournage, qui a duré trois ans, les a amené à décrire leur travail dans les moindres détails. Le réalisateur a ainsi filmé au plus près ces hommes répétant les taches qu'ils exécutaient quotidiennement : enchaîner les prisonniers, les interroger, les punir, enregistrer leurs aveux (extorqués…) etc.

Le résultat est impressionnant : le film comporte peu d'images d'horreur mais la reconstitution, avec une précision hallucinante, par les responsables eux-mêmes , de ces gestes presque routiniers qui ont conduit des milliers d'hommes et de femmes à la mort, fait froid dans le dos.

Il reste que le film s'ouvre sur des interrogations laissées sans réponses : Comment expliquer le comportement de ces tortionnaires (ils se présentent eux-mêmes comme des victimes du système) ? Comment se fait-il que les responsables n'aient pas encore été jugés ?

Rithy Panh, le réalisateur, est né à Phnom Penh en 1964. A partir de 1975 il a subi, comme la plupart des Cambodgiens, les camps de travail, d'où il s'est échappé en 1979. pour se réfugier en Thaïlande puis s'installer en France. Il a suivi l'enseignement de l'IDHEC à partir de 1985.

Il est l'auteur de nombreux documentaires et de deux beaux longs métrages : Les gens de la rizière (1993/94) et Un soir après la guerre (1996/97).

Festival des trois continents

Le Festival des trois continents s'est déroulé à Nantes, comme chaque année, en novembre/décembre. Ce Festival - qui fêtait sa 25° édition - est le haut lieu de la confrontation des films en provenance d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du sud, donc de pays dont beaucoup peuvent être considérés comme ces "pays du Sud" auxquels nous sommes particulièrement attachés.

Tout au long de ses vingt cinq années d'existence, ce festival a été à l'origine de la révélation de nombreux films devenus par la suite des classiques, et ce sera peut-être encore le cas cette année si le cubain Sept jours sept nuits ou le pakistanais Kamosh Pani ou encore le taiwanais Au revoir Dragon Inn trouvent le chemin du public.

Fait remarquable : il n'y avait aucun film africain dans la sélection du Festival cette année.

L'absence, notamment, des cinémas Burkinabé ou Sénégalais est attristante et inquiétante : souhaitons que nos amis de l'Afrique francophone retrouvent bientôt l'inspiration et les moyens de s'exprimer.

George Sanner

 

Lu dans la presse

PRESSE NATIONALE

Le Monde (numéro du 18/12/03)

Réforme du code de la famille au Maroc.

Tewfic Hakem, envoyé spécial du Monde à Rabat, expose les grandes lignes d’un projet de loi qui va bouleverser la condition des femmes au Maroc. La famille est placée sous la responsabilité conjointe des deux époux et non plus sous celle, exclusive, du père. La règle de « l’obéissance de l’épouse à son mari » est abandonnée. L’âge du mariage pour la femme est porté de 15 à 18 ans. La polygamie est soumise à des conditions qui tendront à la faire disparaître. Le divorce est facilité. La répudiation devient impossible sans l’autorisation préalable du juge, au lieu de dépendre du pouvoir discrétionnaire du mari. En énonçant les onze points de cette réforme, le roi Mohammed VI a pris soin de citer, chaque fois, un verset du Coran paraissant aller dans le sens du nouveau code. Ce qu’il y a de bien avec les sourates, c’est que chacun peut leur faire dire ce qu’il veut.

Le Monde (numéro du 8/12/2003)

Exposition de Toulon

Hommage de Toulon à ses libérateurs africains. Catherine Bédarida rend compte de l’exposition « Nos libérateur., août 1944 » (voir page 22).

Le Monde (numéro du 24/01/2004)

Une « interview » de Khieu Samphan.

S’agissant des déclarations d’un des pires individus de la clique khmère rouge, on hésite à employer le mot « interview », avec ce qu’il implique de considération de la part de l’intervieweur. Saluons néanmoins le travail de Jean-Claude Pomonti, correspondant du Monde en Asie du Sud-Est , qui publie les propos tenus devant quelques membres de la presse internationale par l’ancien « chef de l’État du Kampuchea démocratique », à l’époque (1975-1979) où 2 millions de Cambodgiens furent massacrés. Aujourd’hui âgé de 72 ans, ce personnage coule des jours paisibles dans son pays, près de Païlin, en compagnie de ses enfants et petits-enfants. Avec quand même la crainte d’un procès si l’actuel gouvernement cambodgien et la communauté internationale se décident enfin à faire passer la Justice avant le « réalisme » politique (ne pas gêner la Chine complice des Khmers rouges). Khieu Samphan « plaide le génocide par ignorance », résume Pomonti. Cela donne un curieux mélange de jésuitisme et de langue de bois au nom de la « justice sociale ». Il paraît que Khieu Samphan va publier prochainement un livre en France. Espérons que l’ouvrage ne rapportera pas trop de droits d’auteur à cet ancien docteur en sciences économiques de l’université de Paris, où il fréquenta divers cercles marxistes.

Match (numéro du 12 février 2004)

Jacques Vergès, l’avocat du diable

Parmi les amis de Khieu Samphan au Quartier Latin, il y avait Jacques Vergès, le futur avocat, déjà militant « anticolonialiste ». Cyril Payen et Grégoire Deniau racontent les retrouvailles des deux hommes en janvier, dans la maison sur pilotis habitée par l’ancien bras droit de Pol Pot. C’est décidé, Vergès, 79 ans, accepte d’assurer la défense de Khieu Samphan si celui-ci passe effectivement en jugement. Fidèle à sa tactique consistant à transformer l’accusé en accusateur, il fera du procès des Khmers rouges celui de la politique « impérialiste » menée au Cambodge par les Etats-Unis. C’est son droit. Mais on est tout de même gêné de le voir parader cigare (cubain) à la bouche, trinquant (« Mouton Cadet 1997, de contrebande ») avec son client, avant d’entonner avec lui une nostalgique « Marseillaise ». Match a bien fait d’ajouter à ce spectacle indécent une photo de charnier découvert après l’effondrement du « Kampuchea démocratique »

Le Monde. Numéro du 6 février 2004

Avec les « marsouins » en Côte d’Ivoire.

José-Alain Fralon, envoyé spécial à Kouassikro, fait partager aux lecteurs la vie de la 1re compagnie du Régiment de marche du Tchad (celui de Leclerc, avec sa troupe de tirailleurs africains) déployée là-bas entre rebelles et « loyalistes » dans le cadre de l’opération « Licorne ». On suit notamment le lieutenant Laurent de Saint Blanquat dans ses visites « protocolaires » aux chefs de villages. « La France est notre mère, elle doit s’occuper de nous, c’est Dieu qui l’a voulu ainsi », déclare un habitant. Discours qui rappellera des choses aux anciens administrateurs civils. L’intention de ce reportage est sympathique et louable. Dommage que son auteur présente les « marsouins » comme des « fusiliers marins ». Il faudrait que les Troupes de marine (ex-troupes coloniales) expliquent une fois pour toute à la presse qu’elles appartiennent à l’armée de Terre et pas à la Marine nationale.

Le Figaro. Numéro 02/01/2004)

Le rêve de nos ailleurs perdus

Le journaliste de Saint Victor écrit sous le titre « le rêve de nos ailleurs perdus » un article très ambigus dans lequel il explique notamment : « Contrairement aux Anglais qui ont trop accordé une grande importance à leur administration coloniale, la France a eu tendance à en négliger le recrutement ». Plus loin est cité P. Leroy Beaulieu (en 1870 !) « C’est avec des éléments viciés que se sont fondées beaucoup de colonies aujourd’hui florissantes, comme les récoltes poussent sur le fumier » !...

AROM a protesté (voir page 31).

La Croix. Numéro du 12/02/2004

Visite de Kabila à Bruxelles

En visite à Bruxelles, le 10 février, Joseph Kabila, président de la République Démocratique du Congo (ex Zaïre) déclare dans un discours devant le Sénat belge. « L’histoire du Congo c’est aussi celle des Belges qui crurent au rêve du roi Leopold II de bâtir au centre de l’Afrique un Etat. Nous voulons rendre hommage à la mémoire de tous ces pionniers. J’appelle de mes vœux à un rapport de type nouveau, un partenariat positif ».

En signe de rapprochement entre ces deux pays, le roi Albert II devrait se rendre à Kinshasa en 2005,.

Le Monde - économie du 24 janvier

La Côte d’Ivoire a la recherche de financements extérieurs

A la suite de la réconciliation entre la France et le Président Gbagbo intervenue lors de la visite à Paris le 5 février de ce dernier, l’impératif est la relance de l’économie du pays. La situation est grave car depuis l’insurrection de septembre 2002 les sources de financement extérieures se sont asséchées. «La discipline budgétaire s’est relâchée sous la pression des dépenses liées à la guerre» comme l’a relevé la Banque Mondiale et les recettes de l’Etat ont été gravement affectées. la Côte d’Ivoire devra passer sous les fourches caudines du FMI.

Jean de la Guérivière

 

PRESSE INTERNATIONALE

The Economist. Numéro du 6/12/2003

Le pétrole au Tchad

Le consortium ESSO-Tchad dont dépend le nouvel oléoduc verse 4 millions de dollars en compensation des propriétés traversées dont 1000 dollars pour chaque manguier abattu … Tout le monde croit le pays plus riche qu’il ne l’est et les politiciens consacrent des fortunes à d’absurdes projets de prestige ; Aucune dépense, aussi extravagante soit-elle n’est interrompue lorsque le cours du pétrole chute et c’est ainsi que les « pétro-Etats » finissent surendettés.

Pour éviter un désastre possible, sous la pression de la Banque mondiale, a été mis en place une procédure de contrôle indépendante chargée de vérifier comment et pourquoi le gouvernement dispensera l’argent du pétrole.

Pendant 25 ans, en effet, il est prévu que la recette attendue augmentera de 50% le budget du Tchad.n

Guy Girod-Genet

 

Lu chez le libraire

God Bless Africa par Bernard Lugan. 330 pages. 2003. Editions Carnot.

Quand il s'agit de l'Afrique, Bernard Lugan pourfend l' « historiquement correct » avec la compétence d'un spécialiste mais aussi, la passion inquiète de l'amoureux d'un continent noir sinistré.

Son plaidoyer « contre la mort programmée de l'Afrique » est éloquent, nourri de chiffres instructifs, illustré d'excellentes cartes. Et courageux. Car il faut de l'audace pour s'opposer au « paradigme de la victimisation » entretenu par les Africains et une « intelligentsia » française encline à battre sa coulpe sur la poitrine du grand père colonisateur.

Or, argumente Lugan :

- Les horreurs de la traite des nègres ne furent pas l'apanage des Européens, qui, du reste, décidèrent seuls d'y mettre fin. En sont autant coupables les potentats africains dont les razzias alimentaient le marché de l'Amérique, les Arabes fournissant celui du Proche-Orient.

- Si les études sérieuses évaluent de 12 à 15 millions le nombre de victimes qu'en quatre siècles les négriers européens arrachèrent à l'Afrique, il n'est que le dixième de celui avancé sans preuve par ceux qui accusent les Blancs d'avoir « vidé de ses forces vives » un continuent, dont avant le siècle dernier, on ne pouvait chiffrer la population. La petite île de Gorée, où tant d'éminentes personnalités vont, sous l’œil des caméras, se recueillir devant la « maison des esclaves », n'a joué qu'un rôle infime dans ce détestable trafic.

- La colonisation n'a pas été la « gigantesque opération de pillage » dénoncée par les jeunes Etats africains pour amener l'ex colonisateur rependant à payer par son aide le prix des exactions passées. Pour notre auteur, décidément fort « incorrect », c'est la décolonisation qui fut un désastre pour l’Afrique. « Elle a livré des Etats artificiels à des nomenklaturas prédatrices qui ont détourné à leur profit personnel les ressources nationales, puis les aides internationales et contraint ces Etats à avancer au pas de charge sur le chemin d'un système démocratique traumatisant imposé par l'idéologie occidentale ».

L'administrateur Roger Pascal, dans « L'opium du Tiers-Monde » affirmait avec jubilation que « la colonisation était révolutionnaire ». Lugan, l'historien, le déplore et reproche au colonisateur d'avoir bouleversé les rapports de forces traditionnels entre dominants et dominés et tracé des frontières arbitraires sur les ruines des empires africains. Mais reconnaît que « sous l'autorité coloniale, avec une administration honnête et efficace, des agents dévoués et passionnés, des réseaux médicaux, des infrastructures, des écoles, les Africains vivaient en paix, mangeaient à leur faim, étaient soignés ». Selon lui, « porteuse d'ordre et respectueuses des principes du droit », la colonisation fut un « age d'or » pour l'Afrique malgré « quelques pages sombres qui furent l'exception ».

- Cet « age d'or » n'a guère duré. Lugan, retraçant les étapes d'une décolonisation, dans nos territoires sud-sahariens pacifiques, prétend que la Conférence de Brazzaville, opposée à toute idée d'indépendance ou d'autonomie, reflétait bien le point de vue des Africains. Ils aspiraient, à l'époque, moins à l'indépendance, qu'à plus de liberté, d'égalité et de participation à la gestion de leur territoire. Mais la Constitution de 1946, créant l'Union Française, leur a refusé l'égalité des droits politiques dans la crainte que leur vote ne fasse de la métropole « une colonie de ses colonies ». la gauche française, renonçant à son utopique volonté assimilatrice, s'est mise à « chevaucher la bataille des indépendances » qu'en 1960 de Gaulle mènera avec brio à son terme. L'Afrique allait « fermer sa parenthèse coloniale et renouer avec sa longue durée historique ». Pour le meilleur ou pour le pire. A lire Lugan, ce fut pour le pire.

- Après sa dénonciation des « mythes » propagés en Europe sur les horreurs de la traite et de la colonisation, Lugan attaque ceux du « négrocentrisme » chers à la communauté nécessairement noire. La population de l'Egypte, mère des civilisations, ne l'était pas. La civilisation grecque, mère de l'Europe, n'a pas d'origine africaine. Les piroguiers maliens n'ont pas découvert l’Amérique. Quant au mythe afro-américain du retour à l'Afrique, c'est avec une minutie un peu perverse que Lugan relate les échecs subis au Libéria ou au Sierra-Leone par ses malheureux zélateurs.

Et se flatte de rétablir la véritable histoire du continent noir. D'un exposé conduit au pas de charge, de l'apparition, il y a plus de 30000 ans, des KhoiSan » (bushmen) aux crises d'aujourd'hui, on retiendra que :

- « l'homme africain n'existe pas ». le continent est habité de peuples différents par leur mode de vie, leur culture, leur couleur classés en quatre grands groupes dont la mise en place, commencée il y a quelques 20000 ans, n'était pas encore figée à l'arrivée des Européens.

- Ceux-ci, dans le sillage des caravelles portugaises, ouvrirent des « comptoirs » sur le rivage, y amenant le cour économique et politique de l'Afrique qui battait jusque là sur la route des caravanes, sous contrôle des royaumes islamisés aux traditions guerrières.

- A la fin du XIXe siècle, la poussée des Européens a aboli ces puissantes féodalités. Les colonisateurs ont inversé, en faveur des « côtiers » la majorité électorale ont accéléré l'évolution et placé à la tête d'Etats issus de découpages coloniaux arbitraires d'anciens cadres locaux du pouvoir colonial. La transposition d'institutions politiques occidentales inadaptées à la culture et aux traditions africaines a généré un « chaos indescriptible ».

- Pendant la « guerre froide », la vigilance des « parrains » occidentaux et soviétiques a maintenu les régimes de leurs alliés africains. Mais, après la chute de l'URSS, les grandes puissances ont abandonné l'Afrique à ses démons. Le « diktat démocratique » a débouché sur une accumulation de crises, souvent sanglantes. L'ingérence humanitaire, « néo colonialisme de la pitié inventé par un tiers-mondisme moribond relayé par l'industrie de l'agro alimentaire et imposé par un matraquage médiatique » les a plutôt amplifiées.

- Les ethnies ont été restent « le pivot de l'histoire de l'Afrique ». Mais cette vérité est niée par les zélateurs afro-américains d'une mythique unité originelle du peuple noir et par les intellectuels et politiciens africains champions du « panafricanisme ». Elle l'est aussi par les historiens du « paradigme de la victimisation » qui accusent les colonisateurs d'avoir créé les ethnies pour diviser et régner. Lugan, en 40 pages et plusieurs cartes fort éclairantes, s'emploie à rétablir les faits.

A cette Afrique si malade on ne propose que de mauvaises médecines : les Européens, honteux de leurs prétendues turpitudes passées, se sont condamnées à la « porter à bout de bras ». Les Africains, font de cette victimisation leur « fond de commerce ». Mais l'aide au développement n'a nulle part permis le « décollage ». Celle des Etats-Unis, que le poids électoral de 30 millions d'afro-américains contraint à un geste reste, pour l'Afrique noire, marginale. Les Africains, dans le cadre du NEPAD, essaient d'attirer les capitaux étrangers par un engagement de réformes structurelles et de « bonne gouvernance ». Avec peu de succès. Ces solutions économiques, ne résoudront pas des problèmes qui sont politiques, culturels et historiques. Les Africains ne sont pas inférieurs mais autres et il faut tenir compte de leurs spécificités, revenir, au moins provisoirement, à un ordre territorial et social à base ethnique sans le « diktat démocratique » du « one man, one vote » destructeur des équilibres traditionnels. Les Africains doivent, en conformité avec leur histoire, revenir à un système où la représentation va aux groupes, non aux individus, cesser de croire que l' économique peut tout résoudre, se méfier des formules magiques des professionnels du développement. Et veilleur à ce que l'ingérence humanitaire ne bloque pas les recompositions régionales qu'impose la rectification des frontières coloniales. Les Européens doivent admettre que, francophones ou anglophones, chrétiens ou musulmans, les habitants de l'Afrique sont avant tout des Africains. Se garder donc de la francophonie militante qui creuse le fossé entre peuple et « nomenklatura » francophone et vide l'Afrique de ses diplômés. « Quarante années après les indépendances, si elle ne veut pas mourir, l'Afrique subsaharienne doit redevenir elle-même ».

Notre société de consommation se flatte de briser bien des tabous. Mais en produit d'autres notamment, en matière historique, ceux qui, selon Lugan, reflètent un certain « mac carthysme de gauche ». Il s'emploie à les dénoncer. Ses jugements combleront les uns, indigneront les autres. Ils incitent à la discussion. Une excellente raison pour lire « God bless Africa ».

Julien Rencurel

Elles étaient avec nous Outre Mer

Deux anciens administrateurs de la F.O.M.se sont demandés si, pour comprendre aujourd’hui avant d’agir demain, il ne faudrait pas commencer par lire le récit de celles qui furent leurs compagnes.

Vingt-quatre d’entre elles ont raconté leur vie Outre-mer de 1945 à 1960 environ, dans deux tomes de 12 nouvelles chacun réunis par J. M. Payen et par P. Brechignac sous le titre :

« Nous étions avec eux Outre Mer ».

Elles sont parties accompagner ou rejoindre leur homme à 20 ou 25 ans, ignorant presque toutes tout de l’Afrique ou de Madagascar, et encore plus le sacro-saint principe de précaution cher à notre époque. Si elles l’avaient connu, elles s’en seraient moquées car elles étaient amoureuses, car elles étaient prêtes à tout, même quand elles avaient peur, et parce qu’elles venaient de vivre la guerre. Toutes n’étaient pourtant pas française d’origine.

Vous lirez leurs aventures à commencer par les voyages éprouvants dans des transports de troupes où l’on séparait les jeunes mariés, vers ces pays et à cette époque où tout était dur, difficile, bricolé, où rien ne marchait bien, où l’on manquait de tout, où l’on ne savait pas mieux soigner les blancs que les noirs.Les jeunes femmes d’aujourd’hui découvriront les grossesses de ces femmes, car elles étaient parties pour fonder des familles, et pas seulement pour rejoindre un copain.

Les accouchements étaient acrobatiques pour toutes et finissaient quelquefois mal, avec ou sans un mari retenu au loin par une Administration souvent bêtement bureaucratique qui n’avait jamais imaginé administrativement que des femmes autres que des concubines locales puissent exister, et alors que personne ne contestait la primauté du service public.

Rien ne les a arrêtées, aidées partout par des des hommes et des femmes civils divers, des militaires, des médecins.Elles ont aussi découvert des Africains, des Africaines, des Malgaches dévoués, compétents, et d’une humanité compatissante.

Vous découvrirez par elles ce qu’était la vie de tous les jours de ces « Colonialistes » qui tentaient d’apporter le « Progrès » voulu par leurs Anciens, eux-mêmes poussés par les chantres du « Devoir d’ingérence » du XIXème siècle.

Marcel Dolmaire

S’adresser au secrétariat pour obtenir ce livre non commercialisé.

Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois de Henri Lopes. Gallimard. 2003. 113 pages

Ce livre est une mosaïque de souvenirs personnels, du petit métis, qui n’est de la couleur de personne d’autre, du politique qui évoque les erreurs et les doutes dont son parcours a été ponctué, de l’intellectuel engagé dans les évolutions de la société dans laquelle il vit, et aussi de l’écrivain, qui confie aux dernière pages les raisons pour lesquelles il se consacre à l’écriture : «J’écris pour dépasser ma négritude et élever ma prière à mes ancêtres les Gaulois ; Gaulois de toutes les races s’entend, de toutes les langues, de toutes les cultures. Car c’est pour moi que Montaigne s’est fait amérindien, Montesquieu persan et Rimbaud nègre. C’est pour m’aider à déchiffrer l’Afrique que Shakespeare a fait jouer ses tragédies, que Maupassant m’a légué ses nouvelles ...»

Guy Girod-Genet

L’Afrique sans la France de Jean Paul N’Goupande Albin Michel. 393 pages. 2002.

Ancien Premier Ministre de la République Centrafricaine, ancien Ambassadeur à Paris et à Abidjan, l’auteur connaît bien la France et les Pays francophones de l’Afrique Cerntrale et de l’Ouest auxquels son livre, très bien écrit et agréable à lire, est pour l’essentiel consacré.

Il en dresse un bien sombre tableau mais contrairement à l’opinion généralement répandue parmi ses frères, il n’en rend pas responsable l’ancien colonisateur, mais les Africains eux-mêmes qui, par leur incurie et une corruption généralisée, ont détruit ce que la France leur avait légué à l’indépendance : des structures administratives solides, des infrastructures, et des économies certes insuffisamment développées, mais autosuffisantes en matière alimentaire ; leurs pays se trouvent aujourd’hui, quarante années plus tard, pour la plupart, plus pauvres, complètement désorganisés, avec une population souvent affamée, toujours désabusée et ayant perdu toute confiance en l’avenir ...

«Afro-pessimisme» ? Certains le qualifieront ainsi, mais je préfère quant à moi «afro-réaliste» car il ne se contente pas d’un constat terrifiant, il propose des solutions concrètes et exhorte ses frères à restaurer des valeurs simples comme le sens de la responsabilité individuelle et collective, le souci de la bonne gestion et le rejet du cancer de la corruption. C’est beaucoup plus constructif que l’afro-optimisme des politiques qui s’apparente le plus souvent, à l’autosuggestion.

André Gambrelle


La vie d'AROM

 

Activités de l’association

Depuis novembre 2003, date de la première parution de son bulletin, notre association peut constater qu’à la veille de son premier anniversaire, au-delà des mots, des projets, des concepts,.elle commence à devenir une « réalité ».

Réalité interne tout d’abord : chaque semaine qui passe amène quelques nouveaux adhérents de diverses origines, y compris étrangères. C’est très encourageant mais on est bien obligé de constater que ces derniers sont, pour la plupart, d’un « certain age » comme on dit. Les jeunes sont plus longs - c’est assez normal – à s’engager.

Réalité externe aussi : Les contacts avec les autorités intéressées par notre action se resserrent d’une manière que l’on peut qualifier, pour certaines, de très fructueuse. Très honorifique aussi la marque de confiance que nous a accordée le Président Abdou Diouf en acceptant la présidence d’honneur d’AROM.

De même, la liste des institutions et associations amies s’élargit quelque peu :

- L’Association des auditeurs de l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale) avec Jean Philippe Bernard.
- Le Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense (CEHD) avec Gilbert Chavannes.

 

ORGANISATION INTERNE

- Secrétariat

Grâce à l’accord passé avec ARRI, AROM a pu assurer la réalisation de ses deux bulletins et la gestion de son fichier d’adhérents ; mais les perspectives nouvelles vont l’amener à renforcer son secrétariat. Ce sera une des questions importantes à examiner par le prochain conseil d’administration du 9 mars avant l’assemblée générale de fin mars début avril.

- Délégués provinciaux

Dores et déjà, quelques provinciaux dynamiques ont accepté d’être le relais d’AROM dans leurs zones géographiques d’activité ; Paul Blanc pour le Sud, Marc Botti pour le Sud-Est, Daniel Mariani pour la Corse, Maurice Puechavy pour le Centre, Pierre Troude pour l’Ouest … mais il reste encore quelques Terres de France - pour ne pas parler de celles d’Outre Mer - à « couvrir » sans pour autant envisager qu’une toile de quelque « universelle aragne-AROM » puisse s’étendre indéfiniment et pesamment !…

- Site internet

Toile moderne, en tout cas, sans plus attendre, un site internet a été ouvert sous l’intitulé : www.arom-asso.com

Le site permettra :

- la publication complète de tous les bulletins d’AROM avec les photos associées
- la mise en place de « nouvelles brèves » qu’AROM souhaite faire passer via internet
- un forum sur des sujets que AROM propose, permettant ainsi de recueillir via internet les témoignages de personnes distantes
- les liens avec les sites internet d’autres associations – en particulier, ARRI - manifestations, éditeurs, journaux, etc.

Le site fonctionnera sous la responsabilité de Marc Dequecker, assisté de Naki Sambu, un jeune Zaïrois compétent et enthousiaste pour les nouvelles technologies.

- Annuaire – Nouvelles personnelles – Courrier des lecteurs

Par internet, téléphone, fax ou vulgaire papier, les membres d’AROM sont invités à faire connaître au secrétariat les nouvelles personnelles (professionnelles ou familiales) susceptibles d’intéresser leurs amis et relations ; nouvelles que publieront désormais régulièrement les bulletins. Par la même occasion, ils sont invités à faire connaître leurs opinions sur le Bulletin afin de pouvoir alimenter une nouvelle rubrique type « Courrier des lecteurs ».

Le prochain annuaire de tous les membres sera disponible pour la prochaine assemblée générale.

ACTIVITES EXTERIEURES

Le programme du 1er semestre 2004 sera précisé lors du prochain conseil d’administration. Sont à l’ordre du jour :

- manifestations : conférence-débat à l’Ecole Militaire sur le thème : « Administrateurs et militaires Outre Mer avant et après les indépendances ». Celle-ci aura lieu le lundi 7 juin 2004 l’après midi. Le programme définitif sera dressé à tous les membres.

- Visites : les visites envisagées auprès des administrateurs belges à Bruxelles et au Musée des souvenirs Indochinois de Dinan sont toujours à l’ordre du jour. Les modalités seront confirmées ultérieurement.

Les gens d’AROM

Philippe Antoine a été élu membre de l’Académie des Sciences d’Outre Mer ;
Jacques Butin est décédé le 29 octobre 2003 ;
Jean de la Guérivière a été élu membre suppléant à l’Académie des Sciences d’Outre Mer ;
Paul Masson a été élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur ;
Isabelle Pignon Poujol a été nommée attachée à l’Ecole Française d’Extrême-Orient.

L’amicale des Anciens Elèves du Lycée Van Vollenhoven de Dakar l’AAELVV a fait effectuer une nouvelle édition du livre du Gouverneur général mort au Front en 1918 : «Une âme de chef». on peut se procurer cet ouvrage, devenu un classique, au secrétariat d’AROM au prix de 25 euros.

 

AROM et l’AENFOM

La plupart des anciens administrateurs et magistrats « coloniaux », membres d’AROM, sont aussi membres de l’AENFOM. Ainsi les rapports sont-ils étroits entre les deux associations : les uns et les autres voyant dans la nouvelle venue un élargissement, une prolongation et une actualisation de la France d’Outre Mer. Les membres de l’AENFOM constituent les derniers témoins de ce que fut l’administration et l’exercice de la justice dans l’ancien Empire et des conditions dans lesquelles furent réalisées les indépendances des années 1960 et de la coopération qui suivit.La dernière promotion de l’Ecole de la France d’Outre Mer est celle de 1958, c’est dire l’âge des plus « jeunes anciens » et combien les effectifs de l’association peuvent diminuer de mois en mois. Aussi a-t-il paru nécessaire à cette dernière, pendant qu’il en était encore temps, de procéder au « devoir de mémoire ».

En novembre 1999, sur la proposition de Jean Clauzel, l’assemblée générale de l’AENFOM a décidé à l’unanimité de réunir les témoignages des administrateurs, magistrats et inspecteurs du travail, acteurs de la colonisation pour que ceux-ci puissent être utilisés par les chercheurs et historiens qui voudront, dans l’avenir, étudier l’action menée par la France Outre Mer. Un groupe de recherche constitué par 11 volontaires a travaillé pendant quatre années pour arriver à la publication, fin 2003, par Karthala, du livre « La France d’Outre Mer, 1930 – 1960 » (1). Le financement des travaux fut assuré par l’association, les « auteurs » renonçant pour leur part à tout droit d’auteur, en se contentant de la satisfaction de voir leur livre utile et apprécié. La perspective de la réalisation d’une deuxième édition, 6 mois après la présentation de la première au colloque de Blois (relaté dans le premier bulletin d’AROM) est considéré comme un bon succès pour un ouvrage de cette nature. Une deuxième édition est prévue.

Par ailleurs, dès 1982, l’association mit en chantier la réalisation d’un dictionnaire bibliographique de tous les anciens élèves …

Les carrières des 4500 élèves qui se sont succédés à l’Ecole ont pu être ainsi recensées. Après les travaux de synthèse et de mise en forme définitive animés par le secrétaire général de l’association, Jacques Serres, le dictionnaire put enfin paraître, édité fin 2003 par l’Imprimerie Nationale : 2 volumes de plus de 1000 pages chacun.
Le titre 1 présente une histoire détaillée de l’Ecole qui forma la grande majorité des fonctionnaires de commandement et les magistrats coloniaux pendant 70 ans. Il fournit ainsi des tableaux impressionnants des anciens élèves morts pour la France ou décédés en cours de leur séjour en service Outre Mer par maladies ou accidents :

La plupart des anciens administrateurs et magistrats « coloniaux », membres d’AROM, sont aussi membres de l’AENFOM. Ainsi les rapports sont-ils étroits entre les deux associations : les uns et les autres voyant dans la nouvelle venue un élargissement, une prolongation et une actualisation de la France d’Outre Mer. Les membres de l’AENFOM constituent les derniers témoins de ce que fut l’administration et l’exercice de la justice dans l’ancien Empire et des conditions dans lesquelles furent réalisées les indépendances des années 1960 et de la coopération qui suivit.

plus de 600 !

Tous ces travaux de mémoire viennent décidément à leur heure …à l’heure ou l’ENA prend la relève au 2 avenue de l’Observatoire !