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Bulletin 3

BULLETIN N° 3

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Avant-Propos
Serge Jacquemond
Nous dialoguons ensemble

Avec l’ambassadeur du Congo Henri Lopes
Portrait d’hier et d’aujoud’hui

Jean Paul N’Goupandé - Guy Girod Genet
Réflexions sur le temps présent

Retour de Guadeloupe - Guy Maillard
Paris, Hanoï, Pékin - Réflexions sur Dien Bien Phu - Jean Christophe Romer
La santé en pays tropical ; l’éradication de la tripanosomiase - Maurice Puechavy
L’état des institutions francophones - Jean Guion
Rencontres

Etonnants voyageurs à Bamako - Denyse de Saivre
Les troupes de marine en Sologne - Gal Gilbert Chavannes
Vision d’Afrique à Montpellier - Paul Blanc
Civils et Militaires Outre Mer. Colloque du 7 juin - Gal Gilbert Chavannes
Vu, lu, entendu

Vu à la télévision :
Vu au Cinéma : In memoriam Jean Rouch - George Sanner
Deux frères - Jean Serjac

Lu dans la presse nationale - Jean de la Guérivière
étrangère - Guy Girod Genet

Lu chez les libraires :
«Dernières Moussons» de Jean Rouget - Jean Serjac
«Amère Méditerranée» de Jean de la Guérivière - Christian Lambert
«Négrologie» de Stephen Smith - J. Bourdillon et C. Lambert

La vie d’Arom
Activités de l’association.
In memoriam : Jean Rouget
AROM et CEHDN - Jean Christophe Romer

Avant-propos

Printemps 2004, printemps des anniversaires : Arromanche 1944 : début de la libération des démocraties occidentales ; Dien Bien Phu 1954 : début d’une marche vers les indépendances du Tiers-Monde !...
Début en tout cas d’un autre siècle, le vingt-et-unième qui nous regarde.
AROM regarde en tout cas vers le Tiers-Monde qui était alors français, avec une attention toute particulière sur l’influence culturelle francophone qui subsiste par le monde entier ainsi que le décrit Jean Guion.

Les historiens ont fait leur « boulot », le temps a fait le sien ; les esprits – du moins ceux qui le veulent – peuvent y voir plus clair. Ce n’est pas injurier la mémoire que de l’utiliser pour mieux envisager l’avenir.
- Indochine : le livre de Jean Rouget (Dernières Moussons) permet de mieux comprendre Dien Bien Phu et il est bon qu’à Paris, à Hanoï, à Pékin, les adversaires d’autrefois se réunissent, comme l’explique le professeur Romer.
- Afrique blanche ou noire, qu’importe ! « Amère Méditerranée » ,titre Jean de la Guérivière pour le Nord. Pour le Sud, il n’est sans doute plus temps d’aller porter « la science au pays des Bantous » mais un peu d’ordre dans les pays déchirés. Il n’est pas inintéressant d’en savoir plus, à cet égard, sur les «atouts» actuels – mais oui ! – de l’héritage colonial et militaire.
La table ronde organisée par le Centre d’Etudes d’Histoire et de la Défense, AROM et ARRI le 7 juin sur le thème Civils et Militaires Outre Mer », le Congrès du 24 mai des anciens des Troupes de Marine à Vierzon, apportent quelques précisions sur l’héritage.

« Héritage colonial » ! Le mythe a encore la vie dure, les réactions d’un grand cinéaste (Jean-Jacques Annaud) ou les piques ici et là dans la grande presse (Le Figaro, La Croix, Le Monde Diplomatique) le montrent.
A vrai dire, la théorie des méfaits du colonialisme semble être aussi un peu « flétrie » depuis quelques temps comme le montrent les livres récents sur l’Afrique dont ce numéro se fait l’écho.
Mais, plus important encore que ce que disent écrivains, historiens ou penseurs d’Occident, ce que pensent et disent les intéressés eux-mêmes : les Africains. A cet égard, les prises de position rapportées par le bulletin de deux anciens ministres congolais et du Centre Afrique Henri Lopes et Jean Paul Ngoupandé, toujours actifs et vivifiants, méritent toute l’attention.

Mérite l’attention aussi le point de vue des jeunes de la future élite d’Afrique en ce moment à Montpellier, à la recherche de moyens qui permettront une renaissance de l’Afrique « en convertissant une utopie en une réalité » comme le rapporte l’ambassadeur Paul Blanc.

Serge Jacquemond

Nous dialoguons avec l'ambassadeur du Congo Henri Lopes

AROM : Monsieur l'Ambassadeur, vous avez été plusieurs fois ministre de la république du Congo, puis directeur général adjoint de l’UNESCO, actuellement vous représentez votre pays à Paris.
Dans votre dernier livre « Ma grand mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois » vous employez une expression très amusante : "Je suis fier d'être un S.I.F (Sans Identité Fixe). Pouvez-vous pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, nous préciser en quoi consiste la carte d'identité de quelqu'un qui n'a pas d'identité fixe ? ".

Henri LOPES : Si on concevait une carte d'identité telle qu'il en existe encore dans certains pays où l'on continue à indiquer la "race" du titulaire, je ferais apposer la mention "Métis". Or le métis se situe au croisement des races, c'est-à-dire dans plusieurs et en même temps hors de chacune ; c'est un être coincé, ou électron libre, entre les races. Quant à mon dernier livre, il veut affirmer que les identités, dont on fait grand état ces temps-ci, sont comme la langue d’Esope, « la pire et la meilleure des choses ». Il faut bien sûr affirmer sa personnalité, son identité à condition que celle-ci ne sombre pas dans "l'exclusivisme". Lorsque l'identité a pour ligne directrice l'exclusion de ceux qui ne sont pas "purs", on en arrive à des dérives extrêmement dangereuses qui vont du racisme à certaines formes de nazisme. On trouverait de nombreux exemples de ce que j'évoque dans l'Europe des Balkans, ou même aussi dans le mouvement Basque. En Afrique ; nous ne sommes pas à l’abri de cette forme d’exclusion. Cela varie de pays à d'autres, de cultures à d'autres. En tout état de cause, il convenait de formuler une mise en garde. C'était, à la limite, beaucoup plus facile pour un métis comme moi qui suis obligé d'assumer ces identités multiples, à moins de vouloir tricher.

Dans mon livre, je propose trois identités que je classe en identités originelles. D’abord, celle qui me rattache à « mes ancêtres les Bantous », celle qu'on ne choisit pas et celle qu'il faut cultiver, notamment lorsqu'on a été colonisé. Cependant, j'indique qu'il faut veiller à la dépasser, sinon on en arrive à être quelqu'un qui a bénéficié de l'ouverture d'esprit de la démocratie pour faire valoir son identité et qui finalement rejette et regarde avec mépris ou avec méfiance ceux qui sont d'une autre identité. Je propose de dépasser mon identité originelle par mon identité internationale qui me rattache à « mes ancêtres les Gaulois ». J'entends par le mot "Gaulois", le monde international. Dans cet ouvrage, j'insiste surtout sur ma famille littéraire, ma famille philosophique, ma famille culturelle.
Enfin j'ajoute à cela l'identité personnelle qui, elle, est à la fois biologique, personnelle à chaque individu et extrêmement importante pour quelqu'un qui écrit, pour un artiste, pour un créateur. Cette identité personnelle dépasse les deux autres citées auparavant.

AROM : Vous avez poursuivi des études en France. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ces études qui vous ont permis de forger l'identité que vous nous indiquez ? Quand vous êtes retourné au Congo, juste au moment de l’Indépendance, vous racontez comment, jeune fonctionnaire enthousiaste, vous vouliez expliquer à tous vos compatriotes que leur avenir se trouvait dans la généralisation de leurs idiomes locaux à la place du français des colonisateurs. Ce sont les paysans de la brousse qui, avec leur sagesse de base, vous ont fait ressortir combien votre attitude était irréaliste.

Henri LOPES : J'ai tendance maintenant à oublier les études que j'ai faites en Afrique car elles se situent uniquement au niveau du Primaire. J'appartiens à la génération qui est venue dès le secondaire faire ses études en France parce qu'il n'y avait pas de lycée en Afrique Equatoriale Française à cette époque-là. Cela a correspondu aussi au moment où, après la guerre, la France a voulu former des cadres dans les colonies, des cadres qui ne seraient plus seulement des auxiliaires mais constitueraient une élite. Les premiers boursiers d'A.E.F. datent de 1947. Moi je suis parti en 49. C'étaient des étudiants choisis, sur toute l'AEF, à partir d'un concours extrêmement sévère. Et puis du jour au lendemain, on a été pris en charge par l'Etat. Arrivés en France nous recevions une bourse très substantielle, bien supérieure au SMIC de l'époque et en plus s'y ajoutaient des frais qu'on appelait de « trousseau ».
De plus, il y avait des camps de vacances, tout cela faisait que l'on avait brusquement l'impression de se retrouver dans une nouvelle famille. Mais tous les deux ou trois ans nous avions la possibilité de rentrer dans nos pays.

AROM : Deviez-vous justifier de votre travail par les résultats de vos examens ?

Henri LOPES : II y avait deux formes de sanctions que personnellement je trouvais assez laxistes. Par exemple, vous aviez le droit d'aller tous les deux ans en vacances chez vous en Afrique mais si vous ratiez vos examens, le voyage était reporté à trois ans. Mais, surtout, si vous redoubliez, vous conserviez votre bourse pour une année de plus. A mon avis, les sanctions auraient pu être un peu plus sévères. La véritable sélection se faisait au départ, lors d’un concours extrêmement sévère. J’ai donc fait mes études secondaires et supérieures en France, au cours desquelles j'ai d’une part pris conscience de ma qualité d'Africain, et d'autre part suis devenu aux idées d'Indépendance que véhiculaient tant des condisciples d'autres colonies (Indochine, Maghreb, …) que de certains milieux de la Métropole. Ces idées n'existaient pas dans ma tête en Afrique ; elles provenaient de l'atmosphère de liberté que nous trouvions ici.
A mon arrivée à Marseille j'avais été stupéfait de voir des Européens, des Blancs, exercer des travaux manuels. Cela n'entrait pas dans l'ordre de l'univers où j'étais né en Afrique : là-bas, le Blanc était patron, ne se salissait jamais les mains ; le Noir était boy, manœuvre, et ne pouvait diriger (on disait "commander"), à moins d'être "capita", contremaître. Deuxième surprise : alors qu'en Afrique coloniale il y avait des quartiers séparés, je me suis retrouvé à l'Internat de Nantes, avec, et à côté, de jeunes Français, qui ne me rejette pas, qui ne m'insulte pas, qui ne me dise pas que je sens mauvais, avec lesquels je jourai au football. Très rapidement, je me suis intégré. C’est donc, au fond, la Métropole qui a mis dans nos esprits les idées «subversives» qui nous ont conduits à l'Indépendance.

AROM : « Subversives », du moins à une certaine époque, mais dépassées maintenant … Estimez-vous à ce sujet que les Belges et les Français ont suivis une politique de décolonisation semblable de part et d’autre du Congo ?

Henri LOPES : Politique bien différente, que j’ai vécue personnellement dans ma chair. En effet, je suis né à Kinshasa de père sujet Belge et si je suis retourné à Brazzaville c'est de par ma mère dont le père était Français. Ainsi j'ai connu les deux colonisations, et mes parents ayant divorcé, j’ai vécu avec ma mère. J'ai un frère qui lui est totalement de l'autre côté ; nos parcours ont été différents et je dois dire que l’exemple de l'Indépendance du côté de Brazzaville a été un élément qui a fait évoluer l'autre côté. A cette époque-là on passait d'une rive à l'autre beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui. Les week-ends étaient l’occasion d’échanges entre les populations des deux rives. Ainsi il y avait une "contamination" des idées. Les amis de ma génération que je voyais au Congo belge étaient émerveillés du fait que je puisse aller dans un lycée puis à l'université, avec des Français, alors que de l'autre côté, c'était quelque chose d'absolument inaccessible. Vous connaissez les bilans qui ont été faits à l'Indépendance ? Il y avait trois universitaires au Congo Belge pour une population énorme, alors que de notre côté, nous n'étions pas nombreux en population, mais déjà de l'ordre d'une trentaine à suivre des études supérieures.

AROM : Nous envisageons à AROM, de nous rendre à Bruxelles pour rencontrer une association qui rassemble des témoignages d'administrateurs belges. Est-ce que éventuellement vous accepteriez de participer à un débat que l'on pourrait ouvrir sur le thème de la "Colonisation à la française – colonisation à la belge".

Henri LOPES : Oui, bien sûr. C'est une question que l'on doit pouvoir examiner d'une manière apaisée avec beaucoup de hauteur, aujourd'hui.

AROM : Estimez-vous que les idées d'Indépendance ont été cultivées beaucoup plus fortement au Quartier Latin à Paris que sur place.

Henri LOPES : C'est une constante en effet, mais l’idée d’égalité s’est développée aussi en Afrique. Balandier raconte très bien comment un militaire congolais, Matsoua, combattant de la guerre 14-18 découvre qu’il n’est plus un indigène en France, mais un citoyen français sans en avoir la carte. Toute son action va consister à demander que ce même statut dont il bénéficie en France soit étendu à tous les indigènes de l’AEF.

Sur place, il y avait le « Français de France » qui était quelqu’un dans la ligne de la Révolution française et qui n’était pas du tout atteint par les idées racistes ; mais il y avait aussi le « Français des Colonies » (je ne dirai pas celui des administrations), celui dont Céline parle dans « Le voyage au bout de la nuit ». La distinction était beaucoup plus forte en AEF qu’en AOF à cause de l’influence des compagnies concessionnaires à Brazzaville (auxquelles s’est heurté Brazza).

AROM : Quel est votre avis sur l'évolution des pays depuis les Indépendances, qu'ils soient d'AOF ou d'AEF et n'avez-vous pas le sentiment qu'accéder à l'Indépendance aura été finalement plus facile que de bâtir un Etat ?

Henri LOPES : Pour nous, l'accession à l'Indépendance de l'Afrique Noire a été plus facile, parce que d'abord nous n'avons pas eu à engager de lutte armée ; nous avons bénéficié de l’attitude du Général de Gaulle qui était au fond animé d'un souci du consensus. J'irais même jusqu'à dire que l'Indépendance a été proposée aux dirigeants africains un peu à leur corps défendant. C'était les étudiants qui étaient les plus agités, les populations avaient peur d'une telle aventure. Je me souviens de ma grand-mère me disant toujours "Tu veux être indépendant mais nous ne savons pas même fabriquer une aiguille". Et c'était la réalité. Alors l'Indépendance nous n'avions pas totalement mesuré les dimensions de l'entreprise. En outre, je crois que nous y étions très mal préparés. J'énonce là des idées qui n'appartiennent pas au «politiquement correct». Par la suite, la soif du pouvoir de certains dirigeants a fait dévier le vers des excès ce qui devait être une marche vers la liberté totale. A la limite, je me demande si les pays qui sont arrivés à l'Indépendance le plus tard, n'étaient pas mieux préparés que ceux qui l’ont obtenue plus tôt.
Le cas extrême c'est celui Haïti, arrivant à l'Indépendance à un moment où il n'y avait même pas de structures administratives. J'ai été effaré d'apprendre quand j'étais à l'UNESCO, par exemple, que les enseignants du ministère de l'éducation nationale d'Haïti étaient révocables ad nutum et que le changement d’un ministre suffisait pour qu'ils perdent leur poste.
Nous avons vécu cela en Afrique de manière assez intéressante ; j'ai remarqué que les ministères qui existaient à l'époque coloniale (Finances, Santé, Education), étaient beaucoup mieux structurés que ceux qu'il a fallu créer tout de suite après (par exemple les Affaires Etrangères) où il n'y avait pas de tradition, de rigueur ni de connaissance du métier.
Etant ministre des Finances j'ai eu à travailler avec des gens remarquables dont certains me disaient "ah ! patron, ce sont les Blancs qui nous ont appris telles et telles choses ». C'étaient des gens qui connaissaient leur métier. Il leur manquait quelquefois de l'imagination, le sens de l'innovation, mais c'étaient des éléments sûrs et consciencieux, sur lesquels on pouvait compter. Que l'Indépendance ait été difficile, c'est maintenant que nous commençons à nous en rendre compte, et là-dessus j'ai des idées de plus en plus personnelles. J’en viens même à me demander dans quelle mesure nous ne devrions pas organiser aujourd'hui la « colonisation de nos pays par nous-mêmes ». Je veux dire par là que la colonisation annonçait des idées qui étaient absolument remarquables : l'abolition de l'esclavage, l'accès à l'éducation, à la santé, etc… Cela a été fait partiellement, mais il y a eu exploitation. Aujourd'hui nous sommes souverains ; pourquoi ne pas coopérer avec ceux qui nous connaissent mieux parce qu'ils sont les descendants de nos colonisateurs dont nous avons adopté la langue ? Pourquoi ne pas travailler avec eux pour une véritable coopération pour « coloniser » (au sens antique du terme), le pays. Je crois que c'est tout le sens de la coopération. Je suis inquiet de voir qu'en France les nouvelles générations, au nom de la démocratie, ont une mauvaise conscience mal placée par rapport à la colonisation ; ils voudraient oublier l'Afrique. En fait, ils voudraient niveler nos relations au niveau de celui de tout le Tiers-Monde et banaliser la relation avec l'Afrique francophone. Je trouve que c'est dommage, et pour vous et pour nous. Et je pense qu'en ce sens, la francophonie est une voie qui permet de maintenir cette relation privilégiée. En gros, nous n'avons fait qu'un petit pas depuis l'Indépendance et nous avons un long chemin encore à faire. Le destin de l'Afrique dépasse la seule Afrique.

AROM : Le 1er numéro de notre bulletin, sous un titre volontairement provocateur : "De Bouvines à Marcoussis", rappelait que l'idée de Nation était apparue en France en 1214, il y a 8 siècles, et qu’il était par conséquent irréaliste que cette idée de Nation puisse apparaître en quatre vingt ans seulement en Côte d’Ivoire. Quel est votre avis ?

Henri LOPES : En fait le contexte international en cinquante ou soixante ans a précipité les choses.
Certains en avaient conscience du côté européen (les administrateurs en particulier). On pensait que les institutions qu'on léguait étaient pérennes et on ne pensait pas qu’elles allaient se dégrader si vite.

Cela été le cas du Congo mais il y a des pays non marxistes qui ont connu des situations pires que celle du Congo marxiste. Prenez les cas du Centrafrique, du Zaïre. A contrario un dirigeant demeuré marxiste a donné un exemple d'intégrité, de courage, de justice, de démocratie qui enthousiasme le monde entier : c'est Nelson Mandela. On peut se poser la question : est-ce que l'Afrique, la culture africaine, ne risque pas d'être balayée dans la mondialisation ? Il y a différentes facettes de la culture africaine. Si on prend la musique et la danse, je n'ai aucune inquiétude, elles s'imposent ! Pour l'Afrique c'est le rythme, et Léopold Senghor a été de ce point de vue un fin analyste ; en ce qui concerne tous les arts de la création, la littérature, la peinture, la sculpture africaines ne sont pas non plus à mon avis menacés par la mondialisation. Il n'y a pas d'idée de domination chez les créateurs. En revanche, il peut y avoir une érosion des mœurs, des coutumes, ce que certains appellent les "valeurs".

Je rappellerai Hegel qui cite le combat entre Romulus et Remus. Finalement, ce meurtre a permis de fonder la cité romaine car Rémus, c’était la campagne, et Romulus, la ville qui va être créée. Au fond, nous les Africains, nous n’avons pas encore tué Rémus ; ou plus exactement, nous ne l’avons pas encore maîtrisé.

AROM : Pour changer sa culture il faut du temps. Je crois que l'erreur des occidentaux est de croire que la démocratie peut s’implanter rapidement. Ce n'est pas forcément le régime qui convient le mieux à des gens qui ont une toute autre culture.

Henri LOPES : Cela vient du fait que la culture englobe beaucoup de choses, y compris la science. Et c'est vrai que d'une génération à l'autre on peut facilement accéder à la culture la plus avancée. Vous n'avez pas besoin de sortir d'une famille de polytechniciens pour devenir un grand ingénieur, un grand médecin etc…ça se forme très vite. Mais former un citoyen imprégné d'une culture moderne et démocratique, dans tout ce qu'elle a de sensibilité, d'émotion, d'imaginaire, de valeurs traditionnelles, c'est cela qui est le plus difficile. On le ressent dans notre pays, dans le domaine du Droit. Nous avons un Droit comme par exemple le Code de la Famille au Congo qui est aussi avancé que le Code Napoléonien. En revanche, l'existence de ce code n'empêche pas que dans la pratique ce soit le Droit Coutumier qui l'emporte notamment dans deux domaines, l'héritage et la dot. Ressurgit toujours la force de la coutume qui, elle-même, est confortée par un certain nombre de croyances qui ne sont plus à mon avis de ce siècle.

AROM : Nous avous évoqué votre rôle de Directeur général adjoint de l'UNESCO. Quelle place voyez-vous pour l'Afrique dans une mondialisation qui s'attache surtout à traiter des problèmes économiques et financiers ? Ne craignez-vous pas que, dans cette frénésie de consommation, l'Afrique et sa culture ne se trouvent balayées ?

Henri LOPES : Oui mais je crois qu'on y reviendra. A l'heure actuelle il y a une sensibilité qui a gagné le monde, c'est la sensibilité écologiste qui sous l'aspect politique est excessive mais qui est un paramètre important dans l'évolution du monde. Je crois qu'on s'apercevra de plus en plus de l'importance de la culture et de la nécessité d'y accorder toute l'attention. Les faits, les événements qui se passent en Irak viennent de rappeler à la plus grande puissance du monde le danger de négliger la dimension culturelle.
Cette dimension culturelle du métier militaire est aussi quelque chose d'important mais assez récente. La démocratie, la paix et l'éthique sont des atouts qui sont encore réduits dans le monde. Les armées françaises, du début du 20e siècle, n'avaient pas le même comportement qu'elles ont aujourd'hui. Je crois que jusqu'au 20e siècle, les armées avaient encore un comportement se rapprochant des temps « homériques ».

AROM : Quel est votre avis sur les chances d'évolution de l'Afrique ? Le livre récent "Négrologie" de Stephen Smith a fait beaucoup de bruit. Un forum sur le site Internet d’AROM a été ouvert à ce sujet. Y a-t-il des raisons d’espérer ?

Henri LOPES : Le livre de Stephen Smith est très mal reçu en Afrique. C'est vrai qu'il ne accorde une large place aux insuffisances, aux échecs, aux dérives, aux guerres et autres catastrophes, … Je pense cependant que nous devrions le lire avec beaucoup de calme et beaucoup de hauteur d'esprit comme étant un diagnostic médical. Les diagnostics médicaux peuvent être effrayants mais il ne faut pas se cacher un certain nombre de réalités, et de ce point de vue je pense que le livre de Stephen Smith peut être extrêmement utile. Il montre des choses que nous n'osons pas dire ou que nous ne voulons pas dire. Il faut avoir la force de recevoir la critique, non pas comme une agression mais comme un révélateur, un miroir dont nous avons besoin. Il n'est pas honteux d'être atteint de la tuberculose et de décider d'en guérir. Il est dramatique de se cacher sa maladie quand les remèdes existent. J’ai noté quelques citations de Smith et sa conclusion.
« Faut-il dire que les Africains sont des incapables, pauvres d'esprit, des êtres inférieurs ? Sûrement pas. Seulement leur civilisation matérielle, leur organisation sociale et leur culture politique constituent des freins au développement. L'Afrique ne tourne pas parce qu'elle reste bloquée par des obstacles socioculturels qu'elle sacralise comme ses grigris identitaires. Le succès de ses immigrés en est la meilleure preuve ; a contrario ceux qui parviennent à s'échapper de l'Afrique réussissent en règle générale fort bien dès lors qu'ils s'arrachent à leur identité africaine".
Si on a la patience et le courage d'aller jusqu'au bout on s'aperçoit que ces remarques sont extrêmement bénéfiques. Dieu sait si un homme comme Smith n'est pas un raciste, il a fait plus que la preuve de son amitié pour l'Afrique.

AROM : Si cela vous paraît utile, quels conseils accepteriez-vous de donner à notre association naissante ?

Henri LOPES : Je ne me sens pas en mesure de donner un conseil, mais je voudrais plutôt vous encourager à persévérer parce que je pense que les générations en France, qui connaissaient le mieux l'Afrique, qui aimaient l'Afrique, sont en train de s'amoindrir. Donc il est important de conserver ce lien.
Comme j'ai l'habitude de le dire, le français est devenu une langue africaine et nous avons ce patrimoine en commun. Ainsi, je pense que la coopération entre la France et l'Afrique n'en est vraiment qu'à ses débuts.

AROM : Vous aviez parlé en anglais de la francophonie lors d'une conférence aux Etats-Unis. Est-ce parce que vous n’auriez pas eu d'auditoire en parlant français ?

Henri LOPES : J’ai fait mon intervention en anglais à l’invite de l’organisateur, un Africain francophone.

J’ai trouvé qu'il aurait été absolument insensé de refuser de faire savoir ce qu'était la francophonie et de faire réfléchir un public anglophone là-dessus.
C’est de plus un encouragement à favoriser dans les milieux universitaires américains, l'intérêt qu'ils montrent à la francophonie. Le nombre de chaires ou de départements de francophonie dans les universités américaines est supérieur en chiffres absolus et en pourcentages au nombre de départements de francophonie dans les universités françaises !

Je suis de ceux qui croient beaucoup à la coopération France-Afrique, ce n'est même pas une question de croyance, de foi, c'est une question de nécessité. Nous avons besoin de dialoguer avec tout le monde, mais nous ne pourrons jamais discuter avec le monde entier n'est-ce pas ? Et je crois que nous aussi nous pouvons être utiles à la formation de la conscience de la culture africaine. Nous sommes une partie de vous comme vous êtes une partie de nous.

Portrait d’hier et d’aujoud’hui :

Jean Paul N’Goupandé - Guy Girod-Genet

Guy Girod Genet, ingénieur IPG, ancien PDG de la holding de Sociétés de Conseil d’Informatique de Caisse des Dépôts Développement (C3D) connaît bien l’Afrique où il a dirigé des antennes locales de la SINORG. Il est animateur à ARRI du programme de conférences établi avec la Cade sur les problèmes actuels des pays africains.

Jean-Paul Ngoupandé est né il y a 56 ans, dans un village de la République Centrafricaine, au milieu de la forêt primaire, à une centaine de kilomètres de Bangui. Il est allé à l’école du village, puis a poursuivi sa scolarité au lycée Boganda (du nom de l’abbé, premier président à l’indépendance de l’Oubangui Chari) dans la capitale, jusqu’au bac philo.

Il a alors obtenu une bourse pour poursuivre des études supérieures à Paris où il a préparé le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure. Diplôme en poche, il est rentré dans son pays avec pour objectif d’y faire une carrière dans l’enseignement supérieur. Professeur de philosophie à l’Université de Bangui, il accéda des années plus tard au poste de Doyen de la Faculté de lettres.

L’universitaire est aussi un écrivain. Après plusieurs livres édités par Karthala, ses deux derniers ouvrages sortent chez Albin Michel : « L’Afrique sans la France » en 2002 (voir bulletin n°2) puis « L’Afrique et l’Islam » en 2003.

Il entre en politique en devenant Ministre de l’éducation nationale, mais démissionne un an après.

Il fonde alors un parti prônant l’inanité des luttes inter-etniques et le rassemblement de tous les Centrafricains au bénéfice du développement du pays.

Appelé aux fonctions de Premier Ministre par le Président Patassé, il démissionne au bout de huit mois pour se consacrer entièrement à son parti. Quand le successeur de Patassé, le général Bozizé arrive au pouvoir, il lui propose un poste de conseiller spécial auprès de lui. Six mois plus tard Ngoupandé le quitte à son tour, d’accord parties, pour reprendre son Parti qui devrait le présenter à la présidence de la République lors des élections de 2004.

Cet ancien Premier Ministre est décidément atypique …A Paris, il se déplace en bus et en métro car il est « fauché » ! ce qui ne l’empêche pas d’accepter de donner une conférence à ARRI le 26 mai sur le thème « Les atouts de l’Afrique et les défis qu’elle doit relever ».

Africain lucide il y confirme ce qu’il a déjà confié au « Monde » :
- Nous gagnerons en crédibilité à partir du moment où nous serons capables de nous regarder en face, pour reconnaître enfin que tout ce qui nous arrive est d’abord notre faute.

- Nous serons plus crédibles pour dire à tous ceux qui considèrent l’Afrique comme un continent perdu qu’ils ont tort.

- Un appui franc et massif accordé aux pays prouvant leur volonté de s’en sortir par le sérieux, la rigueur et le travail, servirait de contre-exemple aux gestionnaires corrompus ou incompétents


Réflexions sur le temps passé et présent

Retour de Guadeloupe - Guy Maillard

S’il était né 50 ans plus tôt, Guy Maillard aurait été sans doute gouverneur de la Colonie de la Guadeloupe... Mais les temps ont changé. En 1978, il est préfet de ce département, après y avoir fourbi ses armes, 10 ans plus tôt comme sous-préfet ... et 10 ans encore auparavant, mais comme administrateur de la France d’Outre Mer en Mauritanie.

Je viens de passer trois mois à la Guadeloupe que j’ai retrouvée semblable à elle-même, c’est à dire en proie à des problèmes trop connus : une situation économique précaire marquée par un chômage endémique, un tourisme qui paraît stagner, une situation sociale tendue, et, malgré tout, une consommation apparemment florissante, encouragée par un équipement commercial largement dimensionné, tout à fait comparable à celui de la Métropole. Paradoxe antillais qu’expliquent les transferts de la solidarité nationale ; à cet égard, il n’y a pas de changement …

Peu de temps avant mon arrivée, un referendum avait eu lieu, le 7 décembre 2003, en Martinique et en Guadeloupe. Cette consultation, souhaitée par les exécutifs locaux, portait sur les institutions locales et proposait de fusionner dans une assemblée unique le Conseil Général et le Conseil Régional, les anciens départements donnant naissance à une collectivité territoriale nouvelle décentralisée, dont les pouvoirs restaient à définir.
La Martinique a répondu « non » à la question posée mais à une faible majorité (50,48%) avec un taux de participation également faible (44%).
La Guadeloupe a été beaucoup plus nette dans sa réponse : avec un taux de participation de 50,33%, elle a répondu « non » à 73%. Le non l’emporte dans toutes les communes, à la seule exception des Iles du Nord, Saint Martin et Saint Barthélemy, où la question posée avait un autre sens.
Comment peut-on interpréter une telle réponse dépourvue d’ambiguïté, au moins en ce qui concerne la Guadeloupe, alors qu’un très grand nombre d’élus avaient pris position pour le « oui », soutenus par la quasi-totalité des partis locaux ?

Le « non » paraît signifier le refus des électeurs devant tout « bricolage » statutaire qui aurait abouti à faire disparaître le Département, institution cinquantenaire qui, aux yeux des populations, garantit l’égalité de traitement avec les populations de la Métropole. Cette réponse contredit les slogans qui ont cours dans une certaine opinion éclairée » antillaise où la propagande « indépendantiste » trouve un accueil assez favorable, même si rares sont ceux qui vont jusqu’au bout du raisonnement.
Mais le rejet des électeurs reflète aussi une forme de désaveu des élites politiques du département, désaveu que les résultats du scrutin régional du mois de mars ont confirmé.

Que va-t-il se passer à présent ? Peu de choses, probablement, car les étiquettes électorales ne signalent pas des différences de programmes évidentes du moins en ce qui concerne les réponses proposées aux difficultés économiques et sociales du moment. Peut-être peut-on espérer une plus grande rigueur dans le « management » des exécutifs locaux, si on en croit les thèmes développés au cours de la campagne électorale, et une meilleure coordination entre ces deux exécutifs, régional et départemental, qui sont désormais entre les mains du même parti.

Quant au débat sur l’évolution statutaire, il n’est sans doute pas près de s’éteindre, tant il reflète une interrogation familière de l’âme antillaise telle que l’histoire l’a façonnée. Mais un coup de frein a été donné sans nul doute à d’éventuelles nouvelles entreprises « déstabilisatrices ».

Paris, Hanoï, Pékin. Réflexions sur Dien Bien Phu - Jean Christophe Romer

Jean Christophe Romer est professeur d’histoire politique à l’Université de Strasbourg III. Il est également le directeur du Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense. A ce titre, il a participé avec la délégation française invitée aux manifestations organisées à Hanoï puis à Pékin à l’occasion du 50e anniversaire.

La bataille de Dien Bien Phu a eu des répercussions diplomatiques, politiques et militaires telles que la commémoration de son cinquantième anniversaire était amplement justifiée, au Vietnam, bien sûr, mais en France aussi. De plus, la bataille et ses conséquences internationales constituent pour le chercheur en histoire un objet d’étude particulièrement riche. C’est dans cette double perspective que l’Université de Paris I a organisé, en partenariat avec le Centre d’études d’histoire de la Défense (CEHD/ SGA-ministère de la Défense), une série de colloques, soutenus par le ministère des Affaires étrangères et l’Agence universitaire francophone. La première de ces manifestations s’est déroulée en novembre 2003 à Paris, la suivante, a eu lieu à Hanoi en avril 2004 à l’invitation de l’Université des sciences sociales et elle a été suivie immédiatement par une table ronde qui s’est déroulée à l’Université de Pékin.

L’objet de ces trois colloques était bien de « faire de l’histoire », distinguant entre la fonction histoire et la fonction mémoire de ce type de manifestation. Certes, dans tous les cas, et notamment à Paris, il a été fait appel à de nombreux témoins et acteurs – ce n’est pas un hasard si le colloque de Paris s’intitulait « Dien Bien Phu entre histoire et mémoire » - mais l’objet de ces manifestations visait d’abord à écrire, ensemble, une histoire partagée. Même si cette histoire n’est pas la même à Paris, à Hanoi et à Pékin, et qu’il ne saurait être question d’écrire une seule et même histoire, les échanges d’idées entre chercheurs français, vietnamiens et chinois ont été marqués par une franchise apaisée et ont donc été particulièrement fructueux pour toutes les parties.
Le colloque de Paris, a été caractérisé par le fait que, pour la première fois, une manifestation publique rassemblait des Français et des Vietnamiens – historiens, diplomates, militaires et anciens combattants - pour parler dans la sérénité de Dien Bien Phu. S’ il reste peu à apprendre sur la bataille elle même dont les faits militaires sont connus, l’essentiel tient en ce qui a été amorcé lors de ce premier colloque et qui a permis d’approfondir la réflexion sur la place et le rôle de cet événement dans l’espace et dans le temps. Engagée à Paris, cette réflexion s’est poursuivie à Hanoi et à Pékin.

Le colloque de Hanoi avait une double caractéristique. La première est d’avoir été essentiellement axé sur Dien Bien Phu ce qui, étant organisé par les Vietnamiens, était assez logique dans la mesure où cette bataille constitue l’un des événements fondateurs et légitimant du Vietnam contemporain. Par contre, on ressentait une certaine réticence des Vietnamiens à aborder le contexte général de cette année 1954 dans la mesure où, notamment, la conférence de Genève ne peut être revendiquées par Hanoi comme une victoire diplomatique à la hauteur de leur victoire sur le terrain. L’autre caractéristique du colloque d’Hanoi est d’avoir été organisé, après une séance plénière, en deux ateliers, l’un sur la bataille elle même, l’autre sur ses implications dans l’espace et dans le temps. Cette organisation a incontestablement permis d’approfondir les débats qui s’étaient déjà engagés à Paris, les historiens vietnamiens n’ayant évacué aucun sujet de discussion même ceux qui, a priori auraient pu être considérés comme désagréables (conférence de Genève) ou tabous (situation des prisonniers de guerre). Si les points de vues sur certaines questions peuvent encore diverger entre Paris et Hanoi, un dialogue particulièrement fructueux et enrichissant n’en a pas moins été instauré.

La troisième étape de ce processus s’est déroulée à Pékin. Séminaire fermé plus que grand colloque, l’Université de Pékin était visiblement chargée de transmettre un message à destination de chacun des pays participants. Si les historiens vietnamiens ont reconnu le rôle primordial des conseillers chinois à Dien Bien Phu ils n’en affirment pas moins que c’est à Ho Chi Minh et au général Giap qu’il revient d’avoir mené leurs troupes à la victoire. A l’opposé, les Chinois reconnaissent bien volontiers la vaillance exceptionnelle des soldats vietnamiens qui sont bien les vainqueurs de la bataille, mais ils insistent en même temps sur l’importance des ordres donnés depuis Pékin pour élaborer la stratégie mise en œuvre. Cette question pourrait bien constituer, à court terme, l’un des principaux enjeux des débats entre historiens.

Tirant le bilan de ces trois manifestations on a pu constater que, abordé avec le recul du temps et la rigueur scientifique, il ne saurait exister de sujet tabou : un débat franc, ouvert et respectueux de l’Autre apporte toujours une pierre à l’édifice de la connaissance et de l’intelligence. Cette question de la guerre d’Indochine peut d’ailleurs être étudiée de manière d’autant plus lucide et sereine que, comme le rappelaient plusieurs intervenants, vietnamiens notamment, il ne s’agissait pas là d’une guerre entre deux peuples – qui se sont toujours respectés – mais entre deux idéologies : le colonialisme et le communisme. De son côté, un intervenant français rappelait fort opportunément que, de sa défaite en Indochine, la France a su faire une victoire en choisissant d’abandonner la voie du colonialisme pour se lancer dans celle de la construction européenne.

La santé en pays tropical. L’éradication de la tripanosomiase - Maurice Puechavy

Administrateur de la FOM, Maurice Puechavy accomplit toute sa carrière en Afrique tropicale pour la terminer comme directeur du Crédit Agricole de la Creuse. Ici et là, il y a trouvé les traces laissées, dans la lutte contre la maladie, par son compatriote, l’infatigable docteur Jamot.

Il n’est de semaine que les médias n’évoquent la détérioration des services de santé dans les pays tropicaux et particulièrement dans les territoires administrés pendant 3/4 de siècle (1890/1960) par les puissance dites coloniales. Cinquante ans après l’indépendance, il semble utile de corriger la manière critique et repentante qui caractérise certains commentaires.
Certes tout ne fut pas parfait dans ces époques maintenant lointaines, mais le bilan global apparaissait, en 1960, largement positif. La France, en particulier, avait constamment développé les soins de proximité en mettant en place un réseau de dispensaires, confiés à des médecins africains, solidement formés à Dakar ou Brazzaville et contrôlés de près par les chefs de circonscription ou les médecins militaires, dont l’activité et le dévouement ne faillirent jamais.

Par ailleurs quelques-uns de ces officiers de santé consacrèrent leur temps Outre Mer à la lutte contre les grandes endémies. Parmi eux Eugène Jamot.

Ce grand médecin, né en Creuse en 1879, diplômé de l’Ecole du Pharo à Marseille, découvrit l’Afrique en 1911 ; en 1914, médecin capitaine, il accompagne la colonne Sangha-Cameroun et y découvre les Africains terrassés par la maladie du sommeil. Il mène la première campagne anti-sommeilleuse en Oubangui-Chari en 1917 et établit sa méthode contre la maladie en 1920.

Hopitaux engorgés et dysfonctionnels
Extrait du Monde diplomatique de février 2004

Diverses raisons historiques expliquent cette absence damatique d’une médecine à la fois de proximité et de qualité :
La première est l’héritage colonial, avec, pour l’essentiel, une médecine militaire centrée sur la lutte contre les grandes endémies (et qui fut efficace en ce domaine), ne formant qu’un personnel auxiliaire sous-qualifié agisant de façon expéditive.
La seconde renvoie aux débuts des indépendances, où l’on s’est focalisé sur les hôpitaux des capitales.
La troisième renvoie à l’absence de priorité nationale accordée à la santé.

De 1920 à 1936, il se bat contre la maladie du sommeil, passant par la mission permanente de prophylaxie.

Depuis Ayos, au Cameroun, et son centre de formation des « Jamotins », Jamot constitue ses équipes : un médecin, le personnel sanitaire et les porteurs, en moyenne 40 personnes. Tournée à pied de 20 km/jour. Population rassemblée et des dizaines de milliers de personnes examinées en quelques jours. Chaque tournée dure de 2 à 3 mois. L’Equipe des « fonctionnaires » voisine avec celle des « microscopistes ». le médecin examine les malades dépistés et « l’infirmier de traitement » fait la première injection, blanchissant le malade et interrompant la chaÎne qui se dévide sans fin.
Sa stratégie : prospecter, dépister et suivre ; et surtout former des équipes recrutées sur place et déléguer toujours. L’autonomie assure la mobilité des équipes et leur efficacité.

Dans les années 30, il passe en Afrique de l’Ouest. Il est alors reconnu comme le vainqueur de la Trypanosomiase et publie son testament scientifique. En 1936, il reprend son métier de médecin de campagne à Jardent (Creuse) où il décède en 1937.

En 1931, il écrivait : « Au Cameroun, le fléau bat partout en retraite … l’agent de la maladie est devenu une rareté … la morbidité et la mortalité ont diminué de façon impressionnante … la natalité a augmenté et l’équilibre démographique se rétablit doucement … la maladie du sommeil n’est plus un facteur de dépopulation ».
Il est exact que si en 1939, sur 40 millions de personnes examinées, on dépistait 400.000 trypanosomés. Ce chiffre tombe à 27.000 cas en 1941, 10.000 en 1950 et 700 en 1970. Depuis 1994 (200.000 cas) sa recrudescence inquiète. Que sont donc devenues les leçons d’humanité et d’humanisme professés par Jamot ?

Le Docteur Jamot a bien mérité de l’humanité. « Il est de la race des hommes qui ne meurent jamais, car pour s’assurer qu’il restera toujours vivant, les peuples gravent son visage et son nom dans la pierre » Il en est ainsi au Cameroun, à Yaoundé et à Saint Sulpice les Champs dans la Creuse.

Le 24 avril 2004, une forte délégation de médecins français et camerounais est venue rendre hommage à « l’apôtre du Cameroun, sauveteur des Noirs de la Trypanosomiase ».
Chef de circonscription de Bafilo (Togo) en 1957, je puis témoigner de la reconnaissance des Kotocolis, trente ans après, aux équipes de Jamot, dans le moment où la maladie du sommeil avait entraîné la mort de plusieurs milliers d’habitants et avait été stoppée net.

« Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au dessus des hommes, il faut être avec eux ». Montesquieu.

L’association Santé Navale et Outre Mer (ASNOM)

Les anciens du corps de santé des Troupes coloniales adhérent pour la plupart à l’association Santé navale et d’Outre Mer. Créée en 1890 l’école des services de santé de la marine et des colonies de Bordeaux a formé jusqu’en 1968 quelque cinq mille médecins et pharmaciens qui ont servi sous l’ancre de marine.
Ceux qui avaient servi en Indochine se sont regroupés au sein d’une association de l’hôpital Graal, de Saïgon.

 

L’état des institutions francophones - Jean Guion

Jean Guion successivement journaliste, consultant juridique, cadre d’importants organismes de formation ou d’activité culturelle, a également exercé une activité politique située dans la mouvance de Jacques Chaban-Delmas et de Leopold Sedar Senghor avec lesquels il collabora pendant plusieurs années. Il préside, aux côtés de Pierre Messmer, président d’honneur, l’Alliance Francophone qu’il a fondée en 1992.

Présenter l’état des institutions francophones implique deux mouvements.
Le premier, sur lequel il est utile de s’attarder, consiste en un travail de description organique.
Le second invite à la critique : (en dehors des raisons liées à leur genèse). Quels résultats obtiennent les institutions francophones, comment pourraient-elles être plus efficaces encore ?

Les institutions francophones et leurs missions

La Francophonie n’est ni géographique, ni sectorielle, ni fondée sur un critère de puissance ou des dispositifs communs de sécurité, ni encore religieuse ou partisane : elle est une association de pays et d’hommes qui, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, partagent l’usage du français et les valeurs que cette langue véhicule. Les institutions qui animent la Francophonie sont donc multiples, tant dans leur composition que dans leur mission. Néanmoins, il est possible de retracer la structure des institutions principales.

En amont de toute l’organisation institutionnelle se trouve la cinquantaine d’Etats et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui se retrouvent lors des Sommets de la Francophonie – auxquels participent 6 pays qui n’en sont pas membres – pour élaborer et mettre en commun des politiques de coopération dans les secteurs les plus divers, de la justice à l’économie, de la culture ou du développement technologique à la formation. Ce sommet est doublé d’une Conférence Ministérielle et d’un Conseil Permanent. L’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, représentant des parlements des Etats et Communautés francophones, constitue l’assemblée consultative de l’Organisation ; elle conduit également des actions de coopération interparlementaire.

L’opérateur le plus immédiat et le plus important de ces politiques multilatérales est sans conteste l’Agence de la Francophonie. Elle siège à Paris et dispose de trois bureaux régionaux à Lomé, Libreville et Hanoï ; elle développe et suit les actions de coopération multilatérale arrêtées lors des Sommets, selon une programmation biennale.
Sont directement associées à ses actions sous forme de partenariats, l’Agence Universitaire de la Francophonie, TV5, l’Université Senghor d’Alexandrie et l’Association Internationale des Maires francophones.

L’Agence Universitaire de la Francophonie rassemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que des réseaux scientifiques dans différents domaines : celui des langues, des technologies de l’information, du droit et de la formation.

TV5 est un vecteur télévisuel en langue française qui diffuse vers près de 150 millions de foyers des programmes d’information et de loisirs. Ce vecteur se double d’un site internet qui propose aux internautes, outre les informations sur les programmes télévisuels, l’accès direct à l’information ainsi qu’à des outils pédagogiques pour l’apprentissage du français.

L’Université Senghor d’Alexandrie est une Université internationale en langue française au service du développement africain ; elle forme et perfectionne dans le cadre de troisièmes cycles des cadres et des formateurs dans des domaines orientés vers le développement, comme la santé, la gestion du patrimoine culturel et d’autres. Le Centre René-Jean Dupuy pour le Droit et le Développement complète cette action à travers l’organisation de séminaires, de colloques et d’activités de recherche diverses.
L’Association Internationale des Maires francophones rassemble des villes de plusieurs pays et continents pour définir des actions de concertation et de coopération dans le domaine du développement urbain et la démocratie locale.

Au centre de ces institutions, le Secrétaire Général de la Francophonie incarne et coordonne, sur le plan politique, les institutions de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
A ce titre, il est le porte parole politique et le représentant officiel de la Francophonie au niveau international et préside le Conseil Permanent et le Conseil de coopération, qui réunit l’Agence Internationale de la Francophonie, les partenaires directs et l’Assemblée consultative. Placé auprès du Secrétaire Général de la Francophonie, le Haut Conseil de la Francophonie assure une fonction de réflexion, d’observation et de documentation.

A côté de cette structure se tisse un réseau de mouvements associatifs particulièrement dense et actif qui donne à la Francophonie sa vivacité et son impact : associations d’écrivains, de journalistes, de radio-diffuseurs, d’universitaires, de juristes, de parlementaires, de professeurs de français et d’auteurs. L’Agence de la Francophonie développe avec celles-ci des relations d’information, de consultation et de concertation.

Parmi ces associations, l’Association Francophone joue un rôle important. Elle a pour objet de rassembler tous ceux qui partagent une certaine idée de l’humanité, ont à coeur d’agir par tous les moyens pour la promotion et le rayonnement de la Francophonie dans le monde. Son comité de parrainage et son conseil d’administration groupent des personnalités françaises et étrangères éminentes. Rassemblant près de 2000 adhérents répartis dans 75 pays, l’Alliance fancophone dispose de 10 bureaux à l’étranger.

Appréciations et propositions

Les institutions francophones sont de bonnes institutions, qui relètent assez correctement la diversité et l’esprit de composition qui préside à l’action de la Francophonie.
Fidèle à notre image de politiquement incorrect, je souhaiterais toutefois attirer l’attention sur quelques idées qui pourraient peut-être contribuer à ce que ces structures francophones ne deviennent pas des « machins » de plus.

La première idée touche à la finalité même de la francophonie.
Plus encore que l’usage du français, ce qui est essentiel ce sont les valeurs que cet usage sous-tend : diversité, respect mutuel et rencontre des cultures, certes, mais aussi Droits de l’Homme et Démocratie.
Pour que les discours francophones ne s’ajoutent pas aux autres, anglophones, hispanophones, lusophones, arabophones ou sinophones, la Francophonie doit mettre en avant, de façon concrète, ces valeurs, et les placer au-dessus de toutes autres.
Il pourrait être ainsi envisagé, à l’encontre des pays membres qui portent atteinte à ces valeurs, non pas de véritables sanctions, mais des formes de « mises au ban » ponctuelle et mesurée, de certaines institutions.

La seconde idée a trait à la technocratie qui sans cesse guette les grosses structures. Pour que la vitalité des actions francophones ne soient pas freinées par les aspects bureaucratiques et organisationnels inhérents à toute grande structure, il me semble primordial que les associations francophones, qui sont souvent les mieux implantées et les plus au fait des besoins réels des populations, soient pleinement associées et puissent faire part de leurs expériences au stade même des définitions de programme.
Il convient également d’améliorer les synergies et de faire cesser certaines querelles de chapelle en définissant des actions à entreprendre, ou à conforter, en concertation avec ceux qui en développent de similaires, ou en ont développé.

Enfin, pour que les mécanismes des Institutions Francophones soient porteurs de fruits pour l’avenir de notre Communauté, il faudrait tout simplement insuffler dans celles-ci un peu plus de démocratie et surtout un peu plus des trois valeurs fondamentales véhiculées par notre langue que sont la Liberté, l’Egalité et la Fraternité !

• Liberté réelle, même très contrôlée, de circulation au sein de l’espace francophone, comme c’est d’ailleurs le cas au sein du Commonwealth, et pour que cette liberté devienne effective, il faudrait que le projet de l’ALLIANCE FANCOPHONE de « passeport francophone » devienne rapidement une réalité !
Une liberté de circuler sans avoir à subir, de la demande de visa à l’arrivée aux postes frontières, tracas et humiliations.

• Egalité, en instaurant enfin une véritable démocratie au sein de la francophonie, comme celle que l’on exige à juste titre, de ses états membres, en faisant élire, par exemple, le Secrétaire général de l’OIF, après une véritable campagne et un débat d’idées internes entre les candidats à ce poste. Cette démocratie interne permettrait de renforcer le rôle et le pouvoir politiques du secrétaire général ainsi que sa légitimité et, par la même occasion, ceux de l’organisation.
Cette élection, même si elle devait être mâtinée d’une certaine forme de consensus, permettrait également de « décoloniser » la francophonie de ses grands parrains et de lui rendre ainsi une certaine souveraineté !
On objectera probablement à cette proposition que même le poste de secrétaire général des Nations Unies est attribué par consensus …
On vient dramatiquement de constater ce que cela donnait avec la crise irakienne …

• Fraternité et solidarité face aux épreuves nombreuses et diverses que subissent ceux qui partagent certes notre langue, mais qui sont si loin de partager nos niveaux de vie…
Une fraternité qui nous fasse prendre conscience, un exemple parmi des centaines, que le terrifiant « SRAS-pneumonie atypique » a tué en 9 mois dans le monde 5 fois moins que la méningite en Afrique de l’Ouest en 3 mois …
Alors que le vaccin contre cette méningite existe et qu’il coûte environ 4 euros. !!!

• La solidarité, c’est aussi l’économie !
Et pour conforter le rôle politique de la Communauté francophone, pourquoi ne pas envisager la mise en place d’une Banque francophone en charge du financement des projets culturels dont le fonctionnement pourrait être associé au secteur privé sous réserve, bien entendu, d’éviter la « marchandisation » de la culture ?

Ce qui manquait le plus aux Institutions francophones c’était un engagement politique … Le « virage » a enfin été pris et confirmé au Sommet de Beyrouth au Liban fin 2002.
Cet engagement politique doit intervenir sur tous les plans, selon un principe de subsidiarité dont les paliers doivent être progressivement définis.
C’est l’essence même du politique, qui se donne comme tâche la gestion de la Cité.

Elle doit d’abord le faire au sein de son propre espace.

Elle doit ensuite intervenir sur la scène internationale, en tant que communauté importante d’Etats et de peuples, mais également en tant que plate-forme de valeurs.

Voici quelques réflexions et propositions qui, j’en suis sûr, feront débats.
C’est un des rôles de l’Alliance francophone que d’agiter des idées avec réalisme et modestie, mais aussi avec la force de son indépendance et de sa représentativité.

Rencontres

Etonnants voyageurs à Bamako - Denyse de Sevre

Sociologue et journaliste, ancienne rédactrice en chef de la revue «Recherche, pédagogie et culture», Denyse de Saivre est une des spécialistes à la CADE (Coordination pour l’Afrique de Demain) des questions africaines dans le domaine culturel.

Cette année 2004, le festival des écrivains « Etonnants voyageurs » a quitté sa ville natale de Saint Malo pour tenir sa quatrième édition à Bamako. On les retrouvera toutefois du 29 au 31 mai 2004 à Saint-Malo.

Du 23 février au 1er mars, les « festivaliers », écrivains blancs ou noirs, par essence vagabonds, explorateurs, parfois bohèmes, souvent atypiques, toujours intéressants, attirés vers des horizons plus ou moins lointains dans le temps, ou insolites dans l’espace, ont pu découvrir ou se ressourcer dans la capitale du Mali, puis quelques jours aussi dans la brousse, dans l’Afrique profonde …

Un catalogue très complet des écrivains francophones a été établi à cette occasion, enrichi d’éditoriaux des coauteurs du festival : le Malien Moussa Konaté, le Français Michel le Bris, des représentants de la culture de France et du Mali et aussi du Président du Conseil Général d’Ile et Vilaine. Ce dernier a célébré en effet à cette occasion le 20e anniversaire des opérations de coopération engagées entre Bamako – tout particulièrement la région de Mopti - et Saint Malo.

Les débats ont été, aux dires des présents très enrichissants, vifs même parfois ; près de Mopti l’écrivain véhément Yambo Ouologuen, auteur de « Devoirs de violence » et de « Lettre de la France nègre », a créé l’incident en apostrophant tant les présidents maliens qui se sont succédés depuis l’indépendance que la France colonisatrice et Senghor réunis !…

Plus ordonné a été l’exposé d’un témoin atypique et ouvert sur les réalités du pays : Roland Colin, président de l’IRFED, auteur d’un livre « Kenedougou, au crépuscule de l’Afrique coloniale » qui a été heureux de pouvoir discuter en bambara avec ses interlocuteurs.

Mais le festival a été aussi l’occasion pour les voyageurs écrivains - étonnés ou non – de s’arrêter dans les villes de province programmées pour des animations littéraires et pédagogiques : rencontres dans les écoles, les centres culturels, les bibliothèques …

Beaucoup de membres de la CADE ou d’AROM auront eu certainement une pensée émue en évoquant leurs souvenirs passés dans les villes visitées dans lesquelles ils avaient autrefois servi : Kayes, Kita, Koulikoro, Segou, Sikasso, Mopti, Tombouctou, Gao … et même Kidal, ce poste perdu en plein pays touareg entre Gao et Tamanrasset… le poste à l’indépendance comptait quelques centaines d’habitants sédentaires. Il reçoit aujourd’hui pour les festivaliers, la qualification de « ville » ! On n’arrête pas le progrès ….

Denyse de Saivre

Les troupes de Marine se retrouvent en Sologne - Général Gilbert Chavannes

Au coeur historique de la France, dans le cadre forestier de la Sologne, près de Vierzon, quelque 250 «marsouins» et «bigors» se sont réunis en congrès annuel, du 24 au 27 mai, à l’instigation du général le Pichon, président de la Fédération des Anciens d’Outre-Mer et Anciens Combattants des Troupes de Marine.

On sait que, présents, projetés en intervenant sur tous les continents, 18.000 hommes répartis en 32 formations servent dans l’Arme des Troupes de Marine.

A l’issue de ce congrès, selon une motion qu’ils ont adressé aux plus hautes autorités de l’Etat, les congressistes partagent le choix du gouvernement de la date du 5 décembre pour commémorer la guerre d’Algérie; (Une autre date aurait été une offense à tous ceux qui ont payé de leur vie ou ont souffert des graves évènements consécutifs au cessez-le-feu). Ils se félicitent de la « décristallisation » de la retraite du combattant et des pensions de retraite et d’invalidité qui rétablit dans leur dignité et dans leurs droits leurs «frères d’armes» des pays de l’ex-Union française. (Ils demandent cependant que la retraite du combattant soit complètement décristallisée). ils apprécient la nature et l’ampleur des commémorations nationales de 2004. Celle de la fin des combats de Dien Bien Phu rend un hommage mérité à ceux qui ont payé de leur sang ou de leur liberté cet épisode douloureux de notre histoire nationale. Ils sont heureux que les Troupes de Marine soient reconnues comme un atout indispensable pour la place de la France dans le monde, pour la coopération et l’aide aux jeunes des Dom Tom en difficulté d’insertion sociale et professionnelle et saluent la création de l’Ecole Militaire de Spécialisation de l’Outre Mer et de l’Etranger (EMSOME) pour constituer un pôle d’expertise et de formation sur l’Outre Mer.

Cependant, compte tenu des menaces des dérives des ressources consacrées à la Défense, ils se montrent inquiets pour l’avenir des Armées dont les possibilités pourraient être ainsi amoindries.

Le prochain congrès aura lieu en Guyane en 2005.

Vision d’Afrique à Montpellier - Paul Blanc

Les Africains de Montpellier organisent chaque année depuis huit ans, à l’initiative de leur collectif et en liaison avec les autorités départementales et municipales, des centres universitaires et de recherche et des éditeurs ou libraires, une semaine d’animation appelée « Vision d’Afrique » et consacrée à un thème particulier. Cette année, pendant la semaine du 1er au 8 avril, le thème choisi était : « Renaissance de l’Afrique », parce que, écrivent les organisateurs, « celle-ci devient un enjeu essentiel en convertissant une utopie en une réalité habitable », « le paradigme dominant qui doit imprégner les manières de voir et de faire et se traduire donc par des projets concrets et des plans précis ».

Place de la comédie, lieu de rencontre des Montpelliérains anciens et nouveauxInaugurée par une cérémonie à l’ancienne Maison des Tiers Mondes rebaptisée Maison des Relations Internationales pour marquer l’esprit d’ouverture qui l’anime, la semaine s’est déroulée selon un programme dense qui comportait huit conférences-débats dont deux sous forme des « cafés-actualité », une rencontre discussion, un après-midi des enfants, une soirée spectacle avec des ballets et un salon du livre et des arts africains.

Les titres des conférences-débats allaient de l’archéologie et l’histoire avec « l’Afrique, berceau de l’humanité et des sciences » et « l’Egypte antique, berceau d’une civilisation noire », « La traite négrière européenne, vérité et mensonges » et le culte des ancêtres en Afrique noire » jusqu’à l’actualité économique et juridique et la prospective dans « la sécurité des investissements », « Quelle stratégie de développement agroalimentaire ? », « Le fleuve Niger face aux changements climatiques et aux aménagements humains », « Réflexions pour l’établissement de l’état de droit » et « Les fondements de la renaissance africaine dans l’œuvre de Cheikh Anta Diop ». Un hommage a été rendu à Ahmadou Kourouma, chantre de la libre expression.

J’ai animé un des « cafés-actualité » voué à une réflexion collective sur les espérances que pourraient inspirer à l’Afrique les expériences du dernier demi-siècle. Pendant près de trois heures, nous avons le public et moi, en remontant parfois assez loin dans l’histoire, cherché avec un souci de lucidité et de réalisme ce qui pourrait fonder une nouvelle confiance dans l’avenir. Le débat se poursuivra avec le même souci du concret dans le cadre du collectif Afrique … et peut-être d’AROM.

Car notre association a suscité un intérêt très vif chez mes interlocuteurs africains. Nous avions d’ailleurs préparé ensemble la séance du 5 avril par une sorte de déjeuner-débat chez une ancienne coopérante au Tchad, grande amie de l’Afrique, le docteur Claude Fontville, où nous avions abordé avec un peu de présomption mais beaucoup de liberté d’esprit les grands problèmes de l’Afrique actuelle. Informés des objectifs et de l’activité d’AROM, mes interlocuteurs avaient constaté avec une évidente satisfaction que notre association répondait à point nommé à un de leurs besoins et comblait un manque. De notre côté, nous ne pouvons que nous réjouir de cette réaction et de cette perspective en commun avec des jeunes Africains.

Civils et militaires Outre Mer. Colloque du 7 juin 2004 - Général Gilbert Chavannes

Une soixantaine de personnalités se sont réunies en table ronde le 7 juin à l’Ecole Militaire, à l’invitation du CEHD, d’ARRI et d’AROM, pour traiter des relations entre responsables civils et militaires outre-mer avant et après les indépendances.

Première partie : Le temps de la France d’Outre Mer

Le professeur Romer, directeur du Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense (CEHD) prénsente les premiers participants à la réunion qui exposent quelques unes des caractéristiques de l’administration Ourte Mer de l’époque d’avant les indépendances :
Serge Jacquemond, ancien administrateur au services civils d’Indochine, actuellement président d’AROM, et Jean Clauzel, ancien administrateur colonial devenu préfet de région.

• Serge Jacquemond souligna la vie autrefois menée en symbiose par les administrateurs et les militaires, priorité étant donnée aux premiers en temps de paix et aux seconds en temps de guerre. Depuis la conquête, les militaires gardaient cependant le contrôle des zones frontalières sensibles, comme au Tchad, au Soudan au Niger et en Mauritanie, ou encore au Tonkin face à la Chine. Ils reprirent les rênes quand, après les révoltes de Madagascar, du Cameroun vint le temps de la guerre en Indochine.
Cette interchangeabilité se réalisa d’autant plus facilement que, généralement, une collaboration étroite s’instaurait entre les uns et les autres. La solidarité et l’intérêt pour les métiers exercés hors de la métropole dominèrent pendant toute cette période malgré des approches et des motivations différentes.
• Jean Clauzel décrivit la vie sur le terrain des administrateurs formés à l’ENFOM, en notant lui aussi l’imbrication entre les administrateurs civils et militaires et en insistant sur la diversité des situations suivant les secteurs géographiques. L’administrateur partageait son temps entre le poste et la « tournée », assumant tour à tour tous les rôles des services civils métropolitains. D’où l’importance du journal de poste où les événements étaient notés quotidiennement, mais aussi et surtout des tournées qui pouvaient durer plus de 15 jours avec parfois pour seul objet de « voir et être vu, écouter et être entendu » selon l’expression du gouverneur général Van Vollenhoven.
L’administration exercée par vocation restait hiérarchisée et disciplinée mais en fait était légère et décentralisée. Ainsi au Mali, grand comme 2 fois la France avec 3.500.000 habitants n’étaient détachés que 57 administrateurs. Il y avait consentement de la part de la population ce qui favorisait « la paix nazaréenne » et accompagna, après 1946, la marche des pays ainsi administrés vers l’indépendance.

Deuxième partie : Approches contemporaines

Le Général Chavannes, vice président d’AROM, donne ensuite la parole aux intervenants suivant en soulignant combien les expériences du passé entre civils et militaires sont mises à profit pour ces nouveaux acteurs des interventions de la France hors de l’hexagone : le général Marchand, actuel président de « Frères d’Armes » et l’ambassadeur Raymond Césaire.
• Soulignant l’expérience unique et enrichissante de ce passé, le général Marchand détailla alors les grands principes des nouvelles stratégies avec actions complémentaires entre civils et militaires, aide humanitaire à la population, politique de contacts et la connaissance autant qu’accoutumance au milieux physiques différents.
Dans un contexte mondial, multinational ou régional, les crises cependant remplacent les guerres et imposent une nouvelle approche stratégique de la Défense avec pour objectif la sécurité. L’ensemble des pays occidentaux et des organisations internationales : OTAN, UE, Etats-Unis, France, adaptent leurs forces à la projection et à l’intervention.
Compte tenu des responsabilités internationales et des accords bilatéraux conclu par la France, les forces armées, désormais professionnelles, donc moins nombreuses mais mieux équipées et plus mobiles, complètent leurs capacités en vue d’actions civilo-militaires, de contrôle des foules et de négociations

• Malgré eux, les militaires sont rattrapés par leur passé.
Militaires et diplomates restent bien les acteurs privilégiés des crises estime l’ambassadeur Césaire qui met l’accent sur le fait que la France, comme la communauté internationale, dans un contexte en constante évolution, doit faire face à une multitude de crises … Elle est tenue de s’y intéresser, ne serait-ce qu’en raison de son statut de grande puissance et sa qualité de membre permanent de Conseil de sécurité. Avec l’apparition du terrorisme, la nature des conflits a changé. Avant la crise, l’ambassade reste au centre du dispositif. Le recueil du renseignement reste l’essentiel du travail du diplomate comme du militaire, mais il importe de pouvoir en confronter les analyses parfois différentes. En cas de crise violente, les facteurs militaires l’emportent sur les arguments diplomatiques dans la prise des décisions forcément plus rapides. Pour en sortir, les militaires ont un rôle déterminant pour la remise en ordre logistique, l’organisation et la sécurisation des négociations. Diplomates et militaires sont amenés de plus en plus à travailler ensemble tant au nom de la conception de la Défense que dans ses incidences et ses prolongements internationaux.

Les conclusions de l’Amiral Lanxade

Après avoir rendu hommage aux Troupes de Marine, à leur culture de l’intervention et leur aptitude à assumer sur le terrain de manière autonome des responsabilités importantes, l’amiral Lanxade, ancien chef d’état-major des armées rappelle qu’après la guerre du Golfe, à l’issue des Conseils des Ministres, des Conseils de guerre restreints réunirent autour du président de la République à l’Elysée le premier ministre, les ministres de la Défense et des Affaires Etrangères et le CEMA. Le ministre des Affaires Etrangères ayant exposé la situation, le CEMA reçoit directement du président ses instructions pour la conduite des opérations. Ce système de décision, l’un des plus efficaces pour la gestion des crises à chaud, pourrait être utilement complété, au Quai d’Orsay, par un « centre de situation » interministériel où, en permanence, serait examinée la situation du monde avant et après les crises.
Nous vivons actuellement dans une période de grande tension avec la montée du terrorisme et de l’islamisme mais aussi le risque de prolifération des armes nucléaires et un écart croissant de développement entre pays du nord et du sud, ces derniers n’ayant souvent plus d’intérêt stratégique et ne constituant pas des marchés intéressants.


Il conviendrait donc pour contribuer à réduire les causes de crise de nouer un partenariat dans lequel (la France n’ayant pas les moyens d’agir seule) l’Union Européenne devrait avoir un rôle important à jouer.
L’ambiance de cette table ronde fut, comme toujours lorsque sont traités de souvenirs et de problèmes de l’ Outre-mer, empreinte de nostalgie , de respect et d’amitié.

ANECDOTE

Seul à Koufra

Entre 1947 et 1950 sur les traces du général Leclerc, j’ai commandé le poste de Koufra, au fin fond de la Libye. Le sort de ce pays, d’où venaient d’être chassés les Italiens, n’était pas encore réglé à l’époque.
Alors, que fait un jeune lieutenant français, isolé dans un immense désert, à plus de 1000 km de ses chefs à Largeau (Faya) et plus de 1000 km du consulat de France à Benghazi ?
Eh bien, il s’adapte au milieu, reconnaît les oasis, multiplie, comme tout bon administrateur civil, les contacts et se lie d’amitié avec la population : les 6000 Arabes de Koufra.
Si bien qu’avant le passage de la commission de l’ONU chargée de déterminer le statut de la Libye, j’envoyais fièrement par radio à mes supérieurs un compte-rendu pour annoncer que, grâce à mon action, une grande partie des chefs de village de Koufra était prêts à se rallier au Tchad.

La réponse du Gouverneur général de l’AEF Cornut-Gentile arriva tout aussi rapidement : « Ne jouez pas votre petit Lawrence, maintenez le statu quo ».
Peu après, je reçus l’Etoile Noire du Bénin !… Pour me consoler ?

Gilbert Chavannes


Lu, vu, entendu

Vu à la télévision

L’anniversaire de la chute de Dien Bien Phu le 8 mai 1954 a été l’occasion de rappels historiques sur les différentes chaînes. On retiendra en particulier l’évocation et l’histoire du conflit indochinois en 3 épisodes sur France 3, composés surtout de documents d’archives du côté français et du côté du Vietminh. Instructif et objectif.

Dans le domaine des voyages on a remarqué aussi un long épisode de France 3 qui a permis au public intéressé par le sujet de mieux connaître l’atmosphère actuelle des pays d’Afrique parcourus depuis Nouakchott jusqu’à Agades en passant par Bamako, Mopti, Tombouctou...

... Une introduction en quelque sorte à une autre série que va nous fournir la chaîne «Voyages». Première escale en Guyane, déjà, le 24 mai.

Vu au cinéma

In mémoriam : Jean Rouch

Jean Rouch est mort le 19 février dans un accident de la route, près de Konni, au nord du Niger, ce pays qu’il avait tant de fois parcouru.
Né en 1917, il avait commencé sa carrière africaine en 1941, d’abord comme ingénieur des Ponts et Chaussées, puis comme ethnologue. Rapidement l’idée lui viendra d’accompagner ses rapports de documents filmés. Nanti, pour commencer, d’une caméra achetée aux puces et des conseils d’Edmond Séchan (l’opérateur de Lamorisse) il tourne court-métrage sur court-métrage :»Au pays des mages noirs», (avec Jean Sauvy), « La chasse à l’hippopotame », « Hombori » (avec Marcel Griaule), et d’autres qui seront rassemblés pour former un long-métrage sous le titre de « Les fils de l’eau ».
En 1955 ce sera le coup d’éclat des « Maîtres-fous », documentaire hallucinant sur les pratiques rituelles des Haoukas, qui sera primé à Venise.
Il récidivera 1958 avec « Moi, un Noir », son premier long-métrage, dans lequel il filmera avec une étonnante liberté de ton un groupe de nigériens émigrés à Abidjan. En concurrence avec des œuvres de Chabrol, Marker et Franju, le film obtiendra le prix Louis Delluc. Jean-Luc Godard dira de « Moi, un Noir » qu’il était « un pavé dans la mare du cinéma français ». L’année suivante ce sera l’expérience de La pyramide humaine, tourné dans une classe d’Abidjan où Blancs et Noirs se côtoient mais ne se fréquentent pas.
Rouch est désormais reconnu à la fois comme ethnologue et comme cinéaste : il quitte le domaine africain pour réaliser en France, avec Edgar Morin, en 1961, « Chronique d’un été », prototype du « cinéma vérité », plusieurs courts-métrages, et un sketch sur Paris.
Mais l’Afrique restera toujours au cœur de son œuvre avec, entre autres, « La chasse au lion à l’arc » (1965), Jaguar, et l’irrésistible « Cocorico Monsieur Poulet » (1977), dans lesquels il rendra hommage à l’humour et à la vision du monde des Africains qui le fascinaient.»
Entre temps, dans « Petit à petit » – où un « homme d’affaires » africain écrit à ses associés ses impressions de voyage à Paris, l se sera amusé à soumettre la France au regard de l’Afrique, inversant ainsi le jeu habituel.

Cinéaste inclassable, il revendiquait, comme maître Flaherty, (« Nanouk l’esquimau » l’avait passionné quand il était enfant) dont il partageait le respect pour les gens qu’il filmait et aussi la conviction que le cinéaste est une sorte de prophète qui dégage le réel de sa gangue. Il a été l’un des pionniers du « tournage léger », préconisé par la « Nouvelle vague » (à laquelle on peut, sans conteste, le rattacher) et à utiliser des techniques devenues courantes : caméra à l’épaule, dialogues décalés, etc. Mais son cinéma vérité, son cinéma spontané et sans apprêt était aussi un cinéma poésie.

Les films de Jean Rouch n’ont malheureusement jamais eu une diffusion considérable et ils étaient pratiquement invisibles depuis un certain temps sinon dans les institutions spécialisées : au Jeu de Paume (en 1996) ou à la cinémathèque française (en 1999). La disparition du cinéaste ethnologue a amené le Musée de l‘Homme à organiser une rétrospective de ses œuvres (mai/juin). On peut également voir quelques-uns de ses films actuellement (cet article est daté du 12 mai) à Paris au Cinéma des cinéastes et à l’Entrepôt, et sans doute dans quelques bons cinémas d’art et essai de province.
« Moi,un Noir » a été projeté ces jours derniers dans la salle que j’anime à Versailles. Les spectateurs ont été surpris par l’actualité du propos et la modernité de la forme de ce film dont les copies sont malheureusement en bien mauvais état. n Georges Sanner

Deux frères de Jean-Jacques Annaud

Jean-Jacques Annaud est un metteur en scène de talent. Ses films : « La guerre du feu, L’amant, L’ours, chacun dans leur genre, n’auront pas laissé les spectateurs indifférents ni oublieux de certaines images « fortes » selon un terme à la mode maintenant.
Il en est de même pour son nouveau film produit par Pathé actuellement à l’écran « Deux frères ». Sous ce titre plutôt « affadi » est présentée l’histoire de deux petits tigres d’une même portée, vivant dans la brousse et parmi les temples et les ruines du Cambodge des années 1920. leurs parcours, leurs ébats, leur capture sont magnifiquement filmés. « Vaut le voyage ! » comme disent les guides.

Les péripéties qui suivent la capture des deux félins carnivores rendus sympathiques par les images sont plus banales … mais pourquoi, pourquoi donc Jean Jacques Annaud a-t-il éprouvé le besoin d’inventer des scènes où l’administrateur colonial du lieu est présenté d’une manière aussi antipathique, pour ne pas dire grotesque ? Grotesques en effet, certaines scènes qui auraient fait la gloire des gags comiques de Laurel et Hardy autrefois (la nappe de la salle à manger de la résidence qui glisse par terre). Le portrait du prince – du roi du Cambodge que salue jusqu’à terre le représentant de la France n’est pas moins ridicule … mais au moins s’agissant d’un pays du Tiers Monde, aucun drapeau, aucun insigne du royaume Khmer n’apparaît à l’écran. Le drapeau aux trois couleurs français est par contre suffisamment filmé pour bien indiquer combien le colonialisme est méprisable ! Pourquoi cette option ? *.
Conclusion : Allez voir les tigres dans la nature, oubliez le protectorat dans son artificieuse présentation ....

Jean Serjac

* AROM a posé la question à Jean Jacques Annaud. Réponse au prochain numéro … s’il y a réponse

Lu dans la presse

La presse française

Est-ce « le temps retrouvé des colonies », comme l’affirme Le Figaro magazine du 9 avril 2004 sur sa page de couverture ?

Dans le supplément hebdomadaire du quotidien, largement consacré à l’ancien Outre-Mer, Etienne de Montety et Jean-Christophe Buisson font ce constat : « L’époque semble révolue où la repentance publique tenait lieu de bilan à propos de la colonisation française. Mieux : ceux-là mêmes qui coupèrent les liens avec la métropole au temps du tiers-mondisme triomphant invitent aujourd’hui les Français à venir respirer ce petit vent de nostalgie qui souffle sur les bords du Mékong. Hôtels, mode vestimentaire, décoration, le ‘‘colonial’’ est devenu furieusement tendance ». Et les auteurs d’évoquer Deux frères, le nouveau film de Jean-Jacques Annaud : « Au-delà de l’histoire magnifiquement filmée des deux tigres confrontés à l’irruption de l’homme dans la forêt tropicale, c’est le Cambodge des années 20 que le réalisateur de l’Amant restitue avec méticulosité. »

Dans le même numéro, Max Gallo, commentant l’Empire, son dernier roman, insiste sur la nécessité de « faire surgir le passé national sans le caricaturer », et il poursuit : « Le temps est venu d’en parler. C’est compliqué parce qu’il y a des mémoires encore vives. Je dirai que nous subissons de plein fouet le retour du boomerang de cette conquête coloniale par la présence d’immigrés de pays en grande partie francophones. »
Dans un remarquable numéro sur l’Indochine française, La Nouvelle Revue d’Histoire de mai-juin s’interroge sur « le choc de la colonisation ». Dominique Venner, directeur de ce bimestriel visant à faire revivre le passé hors du prisme du « politiquement correct », écrit à propos des différentes phases du colonialisme et de l’anticolonialisme : « Après coup, quand viendra l’énorme vague de fond du reflux européen, il sera facile de juger le passé avec sévérité et de se livrer aux délices de l’auto-culpabilisation. L’anticolonialisme dressera le tableau le plus noir du passé, provoquant des ripostes qui flatteront les réussites en masquant les ombres. Polémiques stériles. En Indochine et ailleurs, l’aventure coloniale de la France n’a évidemment été qu’un moment particulier de grand mouvement d’expansion qui jeta les Européens sur toutes les routes du monde, véritable mouvement tellurique, au même titre que les grandes invasions, les changements climatiques ou les effets des révolutions techniques. »

Le cinquantième anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu a évidemment été le dernier temps fort de ce retour de mémoire. Certains journaux sont longuement revenus sur les faits passés, donnant notamment la parole au général Giap. « Véritable icône nationale poussée sur le devant de la scène le temps des commémorations, le vieux stratège est depuis longtemps tenu à l’écart des affaires politiques », souligne, Alain Barluet qui l’a rencontré à Hanoi pour un entretien publié dans Le Figaro du 7 mai. « Dans cette guerre d’indépendance, y déclare le vainqueur de Dien Bien Phu, il faut rappeler qu’une partie importante du peuple français était avec nous et soutenait notre lutte. Nous n’oublions pas le passé. Mais regardons vers l’avenir. Les temps ont changé. Les relations entre nos deux peuples et nos deux gouvernements deviennent de jour en jour meilleures à tous les points de vue. Je souhaite que ces relations se développent toujours davantage. »

D’autre titres ont préféré enquêter sur le Vietnam d’aujourd’hui. Ainsi Le Monde du 6 mai a-t-il publié un reportage sur « la métamorphose de Dien Bien Phu, devenue une ville dynamique qui cultive la mémoire ». Jean-Claude Pomonti constate : « L’ancien camp retranché n’est plus une bataille mais une ville. Celle-ci a été promue le 1er janvier chef-lieu d’une province du même nom et dont la population est d’un demi-million d’habitants. » Cela malgré l’avis défavorable de Giap, rencontré à Hanoi par Jean-Claude Pomonti auquel il déclara avoir souhaité pour sa part que le site fût entièrement préservé : « Il fallait entourer ce site et n’autoriser de constructions qu’à l’extérieur. »

C’est le Vietnam contemporain, parfois indifférent aux souhaits de la génération précédente, que décrit aussi L’Express du 26 avril. Yves Stravridès, l’envoyé spécial de l’hebdomadaire, a recueilli les surprenantes confidences des « nouveaux Vietnamiens », ceux adeptes de la libre concurrence plutôt que du collectivisme. Par exemple Mme Xuan Phong, auteur d’un roman (Bao Dai) paru en France chez Plon en 2001. Ancienne élève du Couvent des Oiseaux de Dalat, passée au Vietminh, déçue par le communisme après sa victoire, exilée à Paris pendant quelques temps, revenue au pays après la relative « ouverture ». Aujourd’hui, elle tient une galerie de peinture à Ho Chi Minh-ville et elle dirige aussi une société « spécialisée dans le tourisme de luxe ». Parmi ses clients : des golfeurs qui viennent jouer sur les greens de Dalat, jadis si chers à l’empereur Bao Dai. Son plus joli coup : avoir fait de Poulo Condor, l’ancienne île au bagne, une destination pour riches visiteurs avec un aéroport flambant neuf. La vieille piste pour hélicoptères a été réaménagée pour recevoir des avions à 26 places. « En 2002, ce paysage, avec son parc naturel, ses forêts, sa faune, ses mangroves, ses criques, ses coraux, sa pointe aux Requins et ses geôles, a été retenu comme l’un des dix sites majeurs du tourisme national ». Comme Dien Bien Phu !

Dans son numéro du 6 mai, La Croix, pour sa part a choisi de s’intéresser aux oubliés de Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot et Garonne), dans un ancien camp militaire où sont arrivés, en avril 1956, 1160 réfugiés d’Indochine, dont 740 enfants. Il s’agissait de couples mixtes ou de veuves de Français (soldats ou petits fonctionnaires) qui avaient fui le communisme au Nord-Vietnam et ne parvenaient pas à se reclasser au Sud. Un camp d’hébergement « provisoire », dont certains ne sont jamais sortis : « les veuves qui n’ont jamais eu les moyens de s’installer ailleurs, les enfants qui n’ont pas trouvé de travail, les malades, les handicapés », explique Solenn de Royer, l’envoyée spécial du journal. Au total, quelque 200 personnes restent hébergées là-bas et dans le camp similaire de Noyan (Allier). La commune, malgré sa bonne volonté, n’a pas les moyens de rénover les logements, l’Etat est défaillant. « L’association Mémoire d’Indochine se bat depuis 2002 pour que les familles de rapatriés d’Indochine soient reconnues et traitées de la même manière que les harkis d’Algérie », souligne Solenn de Royer. Parmi les « ayants droit », Emile Lejeune, 84 ans, « militaire du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient, fils d’un magistrat français et d’une princesse vietnamienne, fait prisonnier par le Vietminh en 1946 et resté sept ans en captivité ». Que de singuliers destins dans le train-train de la bureaucratie française !

Les suites insolites de notre passé colonial ne se retrouvent pas seulement dans les articles suscités par le cinquantième anniversaire de Dien Bien Phu. Avec un reportage en Tunisie publié par Le Monde du 26 février, on était plongé en pleine modernité. Il s’agit d’une retombée inattendue de la francophonie : ces centres d’appels téléphoniques délocalisés outre-Méditerranée, pour y répondre en français et sans accent aux clients de grandes entreprises qui ont des conseils à demander ou des réclamations à présenter. « Chaque matin, raconte Robert Belleret, l’envoyé spécial du quotidien, au cœur de La Charguia, une banale zone industrielle de la banlieue de Tunis, Aïcha se transforme en Aline Martin, standardiste à la Général Electric Capital Bank opérant depuis une tour de la Défense dans les Hauts-de-Seine. Aïcha n’a pourtant jamais mis les pieds en France et encore moins rencontré les conseillers commerciaux vers lesquels elle aiguille ses lointains correspondants. Alors, à Tunis, pour se mettre dans l’ambiance, elle regarde régulièrement les informations sur France 2 et essaie d’avoir une idée de la météo parisienne. Au bout du fil, le correspondant croit parler à un interlocuteur de l’Hexagone, mais il est en réalité en communication avec un ou une standardiste installé au Maghreb, où la main-d’œuvre est meilleur marché ». Nous voilà prévenus.

Autre information inattendue, révélée le 16 mai dans Le Monde 2, le nouveau supplément hebdomadaire du quotidien : les Américains s’intéressent beaucoup au film La Bataille d’Alger tourné sur les lieux mêmes en 1965 par l’italien Gillo Pontecorvo, en bons termes avec les autorités de l’Algérie socialiste et révolutionnaire : « Le 27 août 2003, un groupe de réflexion du Pentagone, le directoire des opérations spéciales et conflits de basse intensité, organisait une projection du film à l’intention d’une quarantaine d’officiers et experts pour les alerter sur les similitudes entre la guerre d’Algérie et l’occupation américaine en Irak ». Samuel Blumenfeld, auteur de l’article, s’est même procuré le carton d’invitation. On pouvait y lire : « Comment gagner une bataille contre le terrorisme mais perdre celle des idées ? » Le communiste Pontecorvo, dont le film, à sa sortie, avait été retiré de l’affiche en France en raison des protestations de diverses associations d’anciens combattants, ne s’attendait certainement pas à rendre cet ultime service au Pentagone…

Jean de la Guérivière

Presse internationale

Les marché gré à gré de la «réconciliation»

Côte d’Ivoire : Oubliés les manifestations anti-françaises, le saccage de l’ambassade de France et les drapeaux brûlés ... «Tout et au beau fixe» a affirmé le président Laurent Gbagbo au sortir de son entretien avec Jacques Chirac le 5 février dernier, avant de préciser «qu’il repart de Paris heureux et comblé».
(...) Mais les questions qui sont au centre de la crise politique et militaire que traverse le pays depuis septembre 2002, ne sont toujours pas résolues. le code de la nationalité, le code foncier et le code électoral n’ont pas encore été réaménagés conformément aux résolutions de Marcoussis.
(...) La question du désarmement des protagonistes est aussi loin d’être acquise. Il faudrait avant toute chose régler le problème du chômage qui, avant le conflit, frappait 2 millions de jeunes ivoiriens. Sas cela, n’ayant que leur fusil comme moyen de production, les rebelles des «Forces nouvelles» comme les jeunes enrôlés dans les «Forces patriotiques», hésiteront avant de se laisser désarmer.
Autant de sujets sur lesquels la communauté européenne attend des actes de Laurent Gbagbo et plus seulement des déclarations.
(...) Paris et Abidjan donnent ces derniers mois un aperçu de ce que la représentation diplomatique française en Côte d’Ivoire appelle le partenariat adulte entre deux pays.

Des développements enclenchés au moindre coût
The Economist Grande Bretagne (22 mai 2004)

L’importance de l’Afrique pour la sécurité globale s’est spectaculairement accrue au cours des années récentes. le potentiel de développement de l’Afrique occidentale a bénéficié de la découverte d’importants gisements de pétrole off shore, mais leur développement se heurte à la violence et à l’instabilité ;

Une nouvelle source de fonds a été créée, le « projet Millenium », mais la part de l’Afrique y est très insuffisante. Un plan bien plus intelligent serait que l’Amérique et ses alliés apprécient enfin qu’il y ait plusieurs pays africains bine gouvernés où des investissements suffisants enclencheraient des développements régionaux.

En Afrique, les possibilités de bonne gouvernance sont très supérieures à celles de l’Afghanistan et de l’Irak. 16 gouvernements ont signé un accord d’évaluations mutuelles, le NEPAD (nouveau programme pour le développement de l’Afrique).
En Afrique occidentale, le Ghana et le Sénégal se distinguent par leur bonne gestion (...) et le Bénin, le Mali et le Nigeria sont aussi globalement bien gouvernés.
En Afrique de l’Est et Méridionale, Jeffrey Sachs sélectionne le Kenya et la Tanzanie.


Guy Girod Genet

Lu chez le libraire

Indochine, les derniéres mousson - Lavauzelle 174 pages. 2004. par Jean Rouget

Le sous-titre de ce livre est explicite : « un regard sur les rapports France-Vietnam » qui a remplacé celui primitivement retenu par l’auteur : « Le cheval à bascule » ;
Arrivé à Saigon en 1941, au temps où l’Amiral Decaux était à la barre de « l’Indochine Vichyste » « avec le sentiment de pénétrer dans un monde insaisissable chargé d’angoisses inavouées » le jeune administrateur des Services Civils de l’Indochine, Jean Rouget connaît, trois ans plus tard, l’internement par les Japonais puis le retour avorté de la puissance française.

Au soir de sa vie, il a pris le temps de réfléchir. Ses réflexions où se mêlent de nombreux rappels historiques synthétisés avec bonheur et analysés avec finesse de la politique (ou plutôt, des politiques) « à bascule » de la France vis à vis des états asiatiques placés sous sa coupe donnent à réfléchir à leur tour au lecteur averti ou non des choses de là-bas.


La liaison entre l’histoire ancienne et les événements présents se font tout naturellement à la lecture du livre. Ainsi, en 1883, lors de l’élaboration des premiers accords avec l’empereur d’Annam le mot « Bac hô » ! protectorat ! était « tabou » et 60 ans plus tard un autre mot tabou est à son tour intervenu dans la politique : « Doc Lap » ! Indépendance ! Le passé visité avec un œil neuf, le présent raconte avec verve, portraits des hommes du pouvoir des bourgeois et des coolies des villes, des paysans des rizières, se mêlent en une vision panoramique et prospective … Ces « dernières moissons » sont d’actualité.

Jean Serjac

Amére méditerrannée, le Maghreb et nous, par Jean de la Guérivière Editions du Seuil 2004 435 pages

Il s’agit là d’un ouvrage remarquable d’un historien de grand talent. Je ne suis pas critique littéraire mais l’objectivité me suffit pour dire que « Amère Méditerranée – Le Maghreb et nous » est un livre qui témoigne d’une grande érudition et d’un souci constant de vérité ?
Passant, en de fréquents allers et retours des origines historiques du Maghreb à l’époque toute contemporaine puisque le livre traite d’événements survenus à la fin de 2003, Jean de la Guérivière qui fut correspondant du « Monde » à Alger de 1982 à 1985 nous enseigne mieux qu’un semestre de cours à la Sorbonne ou à l’ancienne ENFOM ce qu’a été l’histoire de l’Afrique du Nord. Il écrit les pages positives de la colonisation qui en quelques décennies a fait passer le Maghreb du Moyen Age à la modernité, il fait revivre la figure de Lyautey, mais aussi les pages les plus sombres comme l’abandon des Harkis au FLN qui en massacra quelque 70.000 dans les pires conditions, « la seule faute impardonnable du Général de Gaulle » écrit-il page 126, sans parler d’autres massacres épisodiques au Maroc où la conquête ne s’acheva réellement qu’en 1934 et, bien sûr, la guerre d’Algérie et ses atrocités. Ainsi, témoin et historien scrupuleux, Jean de la Guérivière a su éviter l’apologie de l’empire disparu et le dénigrement, voire la condamnation systématique d’auteurs intoxiqués par l’idéologie socialo-communiste ou plus simplement bêtement démagogiques.

Ce qui m’a frappé également en lisant Jean de la Guérivière, c’est la place considérable qu’a tenu l’Afrique du Nord jusqu’à l’indépendance, aux plans politiques, mais aussi littéraire et artistique.

Alexandre Dumas, Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Guy de Maupassant, Pierre Loti, les frères Tharaud, Henri Bordeaux, André Gide, Albert Camus, aujourd’hui plus ou moins oubliés, firent des séjours répétés en Afrique du Nord et s’inspirèrent de ses mœurs et de ses paysages pour écrire parfois des chefs-d’œuvre.

L’orientalisme commença à s’épanouir avec Horace Vernet, Delacroix et plus près de nous, Matisse. La musique connût Saint Saëns ; la sculpture, Charles Cordier.

Aujourd’hui, curieusement, le Maghreb « français » continue d’attirer les touristes ; qui n’a pas fait un séjour au Maroc ou en Tunisie ? mais en même temps, on ne peut qu’éprouver une grande méfiance à l’égard de pays qui ont déjà fourni près de la moitié des terroristes islamistes qui, au nom d’Allah le tout-puissant et le miséricordieux » cherchent par la terreur à imposer leur foi à travers le monde. A ce propos, on lira avec le plus grand intérêt, le chapître que l’auteur consacre à « l’Islam français ».

Enfin, pour terminer, je dirai que Jean de la Guérivière ne manque pas d’humour. Evoquant l’activité favorite des barbaresques consistant à enlever des chrétiens pour en tirer rançon ou les réduire en esclavage, la Guérivière raconte (p. 24) que l’ambassadeur de S. M. le sultan Moulay Ismaïl, en mission à la cour de Louis XIV, y remarqua une fort jolie femme, la princesse de Conti, fille naturelle de Louis XIV et de Mademoiselle de la Vallière. Il en parla avec tant d’enthousiasme à son souverain et maître que celui-ci le chargea aussitôt de formuler une demande en mariage, ce qui était infiniment plus courtois qu’un enlèvement, on en conviendra. Cependant, la demande resta sans réponse.

Gageons que si aujourd’hui, l’actuel Dey d’Alger présentait une telle requête à notre roi à l’Elysée, celui-ci, compte tenu des excellentes relations qu’ils entretiennent, ne manquerait pas d’y répondre de la façon la plus positive et la plus gracieuse.
Bref, le livre de Jean de la Guérivière est à lire absolument.

Christian Lambert

Négrologie par Stephen Smith. Calmann Lévy.

Ce livre qui a obtenu, en 2004, le prix Essais de France Télévision a fait beaucoup parler dans les milieux blancs et noirs qui s’intéressent à l’Afrique ... les uns louent son objectivité, sa franchise, les autres critiquent son racisme et son parti pris ; d’aucuns l’accusent d’être un agent «crypto-américain» en mission de destabilisation des intérêts français en Afrique !
Débat intéressant qui fait l’objet d’un des thèmes traité par le nouveau site de notre association : www.arom-asso.com. Ce bulletin, en préliminaires aux débats, publie deux approches différentes de la lecture du livre effectuées par deux membres d’AROM ... A chacun de juger.


Il n’est pas nécessaire d’être agrégé des sciences politiques pour constater l’évidence : le continent africain est livré au chaos, c'est ce que vient de décrire de façon objective et concrète Stephen SMITH, journaliste au journal «Le Monde». En voici quelques uns des principaux extraits.

«A son accession à l'indépendance, l’Afrique était autosuffisante sur le plan alimentaire, et même exportatrice de produits agricoles. En 1980, elle en importait 11 millions de tonnes et, en 1995, 45 millions de tonnes».

Il y a trente ans, le revenu moyen africain représentait 14% du revenu per capita des pays industrialisés, mais 7% seulement en 2002.Pour toute la période 1960 à 2000, l’Afrique subsaharienne est, per capita, la partie la plus assistée du monde ... Au total, les fonds d’aide versés à l’Afrique au sud du Sahara, depuis son indépendance, sont évalués à plus de 300 milliards de dollars. Cette aide massive est partie à peu près en fumée, affirme Jean Paul Ngoupandé, ancien premier ministre de la République centrafricaine.

Pour toute la période 1960 à 2000, l’Afrique subsaharienne est, per capita, la partie la plus assistée du monde ... Au total, les fonds d’aide versés à l’Afrique au sud du Sahara, depuis son indépendance, sont évalués à plus de 300 milliards de dollars. Cette aide massive est partie à peu près en fumée, affirme Jean Paul Ngoupandé, ancien premier ministre de la République centrafricaine.

Le Sénégal, mauvais élève à l’école du développement, est le pays le plus assisté du monde par tête d’habitant. il vit de charité et se paie de mots, grand hâbleur dans la taverne.

Le montant de la dette zaïroise, en 1975, correspondait à la fortune personnelle de Mobutu. 14 milliards de dollars. A la fin du règne du maréchal-président, à l’ambassade du Zaïre à Paris, le personnel diplomatique impayé, faisait du feu dans certaines ailes de l’hôtel particulier sur le cours Albert 1er pour se chauffer l’hiver.

En Afrique subsaharienne, près d'un tiers des 150 milliards de dollars investis depuis 1960 dans le réseau routier, en grande partie grâce à l’aide publique a été gaspillé faute de maintenance, ces routes n’étant plus aujourd’hui qu’une succession de nids de poule en saison sèche et de fondrières pendant la saison des pluies.

Rien qu’au Congo-Kinshasa, pendant les cinq ans de guerre entre 1998 et 2003, il y a eu autant de morts que dans toute l’Afrique pendant les quarante dernières années, c'est-à-dire 3,2 millions.

L’Afrique du sud est le pays le plus violent du globe. Depuis 1994, 20 000 personnes y sont assassinées, en moyenne, par année, près de 15 000 braquages de voitures à main armée s'y produisent. Tout est cadenassé et chacun barricadé dans les townships pauvres comme dans les faubourgs cossus.

S’agissant de la corruption qui, en Afrique, pulvérise les records, toujours Stephen Smith rapporte (dans «le Monde» du 25 mars) que selon le FMI, au Congo Brazaville, entre 1999 et 2002, 248 millions de dollars provenant de l’extraction brute de pétrole, n’ont pas laissé de traces dans la comptabilité nationale, etc. Il serait facile de multiplier les exemples de ce genre.

Conclusion de Stephen Smith : en Afrique, les élections sont truquées, les constitutions violées, les institutions servent d’arbres à cacher le «bois secret» tout se décide en catimini, entre «parents». Faut-il conclure que la démocratie est impossible en Afrique , La question ne se pose même pas. Elle n’a aucun sens. pour le continent noir, le pire n’appartient pas au passé, mais à l’avenir.

 

L'auteur s'efforce de nous offrir une description de la situation réelle de ce continent, et de son évolution au cours du 20e siècle dans tous les domaines : démographie, santé, éducation, politique, économie, commerce. Il constate que la moitié de l’Afrique est dévastée par des guerres, alors que l'autre vivote entre crise, corruption, tribalisme, anarchie, fuite des cerveaux., que la santé y est gravement menacée par le paludisme, le sida et l'eau non potable. Il tente une analyse des causes de cette situation : l'esclavage (héritage de 4 traites dont l’une était interne à l’Afrique), l'héritage des anciens colonisateurs, la politique des pays occidentaux, la politique du FMI et de la Banque Mondiale, mais aussi la responsabilité des africains eux-mêmes qu'il juge importante. On sent qu'il aime l'Afrique et les Africains, mais son amour ne va pas le conduire à mentir pour leur faire plaisir. Il évoque notamment :
* Le génocide au pays des grands lacs : 600.000 Tutsis ont été massacrés, mais, ce qui est moins connu, le FRP (Tutsi) est responsable, après le génocide, du massacre de 50.000 à 100.000 Hutus au Rwanda et de 200.000 Hutus au Congo. Les carburants de cette guerre et de ces massacres sont nombreux et variés : rivalités tribales ou ethniques, pillage des richesses minières, et surtout, disparition de l'autorité de l'État.
* le dépeçage du Congo par des États pillards tels que le Rwanda de Paul Kagamé et l'Ouganda de Yoweri Museveni (alliés régionaux des Etats-Unis), qui dure depuis bientôt 5 ans : en 1996, s'étant acquitté du tribut du sang en échange du soutien reçu, Laurent Désiré Kabila pensait pouvoir gouverner mais il s'est retrouvé l'otage de ministres qui prenaient leur sordres à Luanda, Kigali, Harare ou Kampala. Le pillage n'a pas cessé sous le règne de Kabila junior.
* le drame du Libéria : Charles Taylor, responsable vénal d'une centrale d'achats du gouvernement libérien, soutenu par le colonel Kadhafi, est devenu le premier seigneur de la guerre de l'Afrique de l'après guerre froide : massacres, tueries, un carnaval sanglant qui aura duré six ans.
* La guerre civile en Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo devient Président de la Côte d'Ivoire. Sous l'influence des pasteurs évangélistes, il estime avoir une mission divine. Certes, l'invention de l'ivoirité (dont l'objet était de refuser la citoyenneté ivoirienne à 25% de la population) est imputable à ses prédécesseurs, mais c'est après sa prise de pouvoir que les escadrons de la mort sont apparus. Après la révolte (justifiée?) des ivoiriens du Nord il semble conduire la répression comme une véritable croisade
* Un cas d'école : l'Afrique du Sud après la retraite de Nelson Mandela
Thabo Mbeki est désormais Président. Ayant tourné le dos à son passé marxiste, l'ANC gère l'Afrique du Sud avec une orthodoxie libérale saluée par le FMI. L'Afrique du Sud est à l'origine de la création du NEPAD (nouveau partenariat économique pour le développement de l'Afrique), elle se veut une nation arc en ciel (les noirs, les blancs, les métis et les indiens).

L’évolution des relations entre États africains et reste du monde
Jusqu'en 1989 (chute du mur de Berlin), la grande majorité des États africains a pratiqué la bascule entre les 2 blocs, qui s’est ensuite transformée en une politique de clientélisme à l'ONU véritable marché des voix à l'assemblée générale des Nations Unies pour capter des aides étrangères.
1) la guerre froide : vue d'Afrique, la guerre froide apparaît comme une chance pour la libération du continent, elle va permettre un jeu de bascule extrêmement profitable entre les deux Grands.
La lutte contre le sous-développement prend le relais de la mission civilisatrice et de la mise en valeur de la colonisation : apparition de l'APD (aide publique au développement) : l'Afrique va recevoir bon an mal an 15 milliards $ (chiffres de la BIRD) soit 31$ par habitant soit le triple de la moyenne du Tiers Monde (11$). En fait 300 milliards$ en 40 ans.
2) après la chute du mur de Berlin la donne est changée : l'APD chute de 29% en termes réels entre 1990 et 2.000, les coopérants officiels sont rapatriés en nombre et les ONG prennent peu à peu leur place. Le FMI impose des ajustements structurels, la BIRD n'accorde ses prêts au développement qu'à des conditions jugées drastiques. Les pays d'Afrique sont appelés à élire des hommes neufs.
Les nouvelles puissances (Angola, Nigéria, Rwanda) se permettent guerres, exactions et massacres. Trois pathologies sont maintenant dénoncées : perte de légitimité, pillage de l'État par ses serviteurs, destruction du maillage administratif par les guerres civiles
3) Le réengagement de l'Occident en Afrique est déjà en cours : Libéria, Sierra Leone, Burundi, Côte d'Ivoire, Congo (opération Bunia). Sur 54 opérations de maintien de l'ordre organisées par l'Onu, 41 sont postérieures à la chute du mur de Berlin
4) La France : qui devait sa continuité d'État et sa propre libération à ses anciennes colonies d'Afrique, élabore à leur égard une politique active et ambitieuse d'aide (partir pour mieux rester), elle n'existe face aux deux blocs qu'en s'appuyant sur l'Afrique et le monde arabe. La Grande Bretagne fait le choix inverse en s'appuyant sur les Etats-Unis

La situation réelle de l'Afrique dans les dernières décennies
* La démographie: la population de l'Afrique est passée entre 1950 et 2000 de 200 à 600 millions, elle est aujourd'hui de 800 millions et sera de 1,8 milliards en 2050, L'espérance de vie est passée de 39 à 52 ans, mais depuis peu elle recule à cause du sida
* L'économie, la richesse produite et partagée : Le revenu africain par habitant représentait en 1972 14% de son homologue dans les pays industrialisés, en 2002, il ne représente plus que 7% mais la production agricole de la Côte d'Ivoire entre 1950 et 1990 a connu une croissance spectaculaire, largement due à 26% de Mossis auxquels on conteste aujourd'hui la nationalité ivoirienne.

* Le commerce : l'insertion de l'Afrique dans le commerce mondial est très faible (environs 10%), mais la place du commerce dans le Pib africain est considérable.
* La santé : La malaria reste la première cause de mortalité en Afrique (90% des personnes impaludées vivent en Afrique, La question du sida est particulièrement préoccupante.

Conclusions

La première empruntée à Françoise Verges : l'héritage colonial ne peut pas servir d'explication totalisante à la corruption et l'injustice qui existent dans le monde décolonisé.

La seconde empruntée à Stephen Smith lui même : il regrette d'avoir à ajouter aux fléaux naturels, ce "supplément d'autodamnation" cette "âme noire" prétendument irréductible à l'universel, l'afro optimisme lui semble être un crime. Cela ne l'empêche pas d'aimer l'Afrique … profondémen


La vie d'AROM

Activités de l'association

L’événement (événement bien local !) de la période écoulée a été la tenue de l’assemblée générale d’AROM, la deuxième depuis la création de l’association le 30 avril 2004. Si le nombre des présents a été modeste, le nombre des pouvoirs remis était conséquent : au total, 90% des membres dûment répertoriés sur le premier annuaire distribué étaient représentés.
Tous les membres ont reçu le compte rendu de la réunion et il suffira donc dans ce bulletin de rappeler les dispositions prises qui engagent l’avenir.

• D’abord la nomination de deux nouveaux administrateurs qui complètent le conseil : un ambassadeur, Raymond Cesaire qui connaît le monde bien au delà des limites de l’ancien empire français ; un professeur, Jean Christophe Romer, directeur du centre d’études d’histoire de la défense qui fait avec efficacité la liaison entre le « monde » des historiens et le « monde » des militaires. Deux mondes fait pour se complèter ... pour le plus grand bien d’AROM. La table ronde du 7 juin à l’Ecole militaire que relate ce bulletin en est le premier exemple. (1)

Par contre, le décès peu après l’assemblée d’un des administrateurs les plus dynamiques, Jean Rouget, constitue un handicap certain pour notre association que devra se réorganiser pour mieux suivre désormais les affaires d’Indochine.
• Autre sujet important : l’approbation d’un budget 2004, un peu plus conséquent que le précédent, grâce à une subvention de 10.000 euros confirmée par le Ministre des Affaires Etrangères. De quoi permettre à l’association de vivre moins chichement, la période de démarrage achevée, en se donnant des moyens accrus (mais encore insuffisants) pour son secrétariat.

• Le programme d’activité approuvé par l’assemblée suit son cours : le site internet : www.arom-fr.com animé par Marc Dequecker et Kaki Sambo a commencé à fonctionner.

Les voyages envisagés se précisent peu à peu, au moins dans les grandes lignes : la visite à Dinan qui pourrait être complétée par un passage chez le voisin de Saint Malo. l’occasion de la rencontre «Etonnants voyageurs». Le rendez-vous envisagé à Bruxelles pourrait être organisé comme une véritable table ronde avec la présence de l’ambassadeur Lopez né lui-même à Kinshasa. Mais le déplacement à Bamako lors d colloque «Regards croisés» des historiens et des «doctorants» du 23 au 30 septembre a encore besoin d’être ajusté avant décision.

Une liste a commencé à être établie des livres d’auteurs d’AROM pouvant être distribué aux autres membres d’AROM a-à un prix « éditeur ». Elle sera diffusée à tous dès que l’accord des auteurs et éditeurs sollicités aura été obtenu. (2)

Enfin, le listing des notes particulières intéressant le domaine d’AROM qui pourraient attirer certains membres d’AROM commence à être établi grâce à la bonne volonté de P. Berthoumieu qui réside comme chacun sait à Saint Jean du Gard, site austère et sérieux; A finaliser après les vacances.

Par ailleurs, les rapports avec les associations amies se multiplient au gré des circonstances. Parmi elles on retiendra le cycle des conférences concernant l’Afrique moderne, programmée à ARRI en liaison avec la Cade. La première de ces conférences a eu lieu le 26 mai avec la présence de Jean Paul N’Goupandé comme le relate ce bulletin. Le programme de septembre à décembre 2004 peut être trouvé avec précision sur le site : www.arri.fr ou tout bonnement au téléphone d’ARRI-AROM.

Sur le plan des médias, AROM n’est sans doute pas encore assez connu pour que ses interventions puissent avoir quelque influence lorsque se faisant l'écho des réactions de ses membres elle a quelque chose à dire. Au Figaro (on l’a déjà vu) et auprès du cinéaste Jean Jacques Annaud .

 

Les gens d’AROM

Salfo Albert Balima est décédé le 19 avril 2004. Ancien administrateur de la FOM. Burkinabé, il a connu une carrière politique et univresitaire de premier plan.
Jean Guion a été promu officier des arts et lettres du Burkina Faso.
Jean Rouget est décédé le 8 mai 2004 (voir page 32).
Paul Masson a reçu la plaque de grand officier de la légion d’honneur des mains du président Poncelet au Sénat le 10 mai 2004.


In Memoriam : Jean Rouget

Ancien « colo », administrateur des services civils d’Indochine, Jean Rouget est allé prendre son premier poste en Annam en 1941, au temps de l’amiral Decoux. Il connaît tour à tour le régime de Vichy, l’internement japonais, la résistance, le retour de l’administration française derrière l’amiral d’Argenlieu … avant de terminer sa carrière indochinoise dans le poste en vue d’administrateur-maire de Dalat en 1951.

Le voilà ensuite au Congo, dans un district perdu dans la brousse profonde d’abord, puis rapidement dans un poste à sa hauteur : administrateur-maire de Brazzaville.
Notre ami avait été très blessé de constater combien le rôle des « anciens » d’avant le coup de force japonais, avait été critiqué par certains – administrateurs et officiers – arrivant comme « libérateurs » derrière le général Leclerc.

Après avoir servi dans le « privé » en Algérie, venu l’âge de la retraite, Jean Rouget renouvelle avec ses premières amours : l’Indochine, en devenant Vice-Président de l’Association des Amis de l’Orient, dans la mouvance du Musée Guimet.

Malgré l’âge, il s’y montre infatigable en allant accompagner des nouveaux voyageurs sur les pistes les plus isolées des deux côtés de la frontière sino-tonkinoise. Infatigable aussi à AROM où il était, par excellence, l’homme de l’Indochine… l’ami des indochinois.

Ses deux livres « Chronique des temps occultés » de 1988 et « Indochine, le temps des moussons », publié quelques jours avant son décès, témoignent de son talent, de sa lucidité, de sa sagesse.

AROM témoigne, pour sa part, de son amitié pour l’ami disparu.n

Serge Jacquemond

AROM et le Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense (CEHD)

Créé par le Ministère de la Défense en novembre 1994, le Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense est chargé, en collaboration avec les états-majors, directions et services du ministère qui mènent des recherches historiques, d’encourager et d’animer la recherche relative à l’histoire de la défense sous tous ses aspects et pour toutes les périodes historiques.

Dirigé par un professeur des Universités, le centre dispose d’un Comité directeur et d’un Conseil scientifique, tous deux constitués de personnalités universitaires et de représentants des Armées.

Relevant du secrétaire général pour l’administration du ministère de la Défense, le CEHD se trouve au carrefour des mondes de la défense et de l’université dans le domaine de l’histoire.

Le CEHD organise des colloques, des séminaires internationaux et des tables rondes où sont réunis universitaires, analystes et acteurs, tant Français qu’étrangers. Une fois par an, le CEHD propose une journée d’études sur des questions d’historiographie et de méthodologie en histoire militaire ainsi qu’un cycle de conférences. Le CEHD a mis en place des commissions spécialisées destinées à faire se rencontrer universitaires, militaires, chercheurs et étudiants, Français et étrangers, autour de thèmes transversaux relevant de l’histoire de la Défense.

Le bulletin d’information du CEHD, «Défense et Histoire, la lettre du CEHD» constitue un outil de travail et de référence où se croisent les analyses et se confrontent les points de vue. Le CEHD édite de nombreux travaux scientifiques issus des colloques, séminaires, journées d’études, tables rondes ou commissions spécialisées qu’il a organisés.

Enfin, le CEHD participe au soutien de la recherche, en décernant chaque année un Prix d’Histoire Militaire à une thèse et une maîtrise, et en accordant des allocations de recherche. Le CEHD a également mis sur pied une base de données appelée Minerve qui recense les travaux universitaires soutenus ou déposés à partir de 1985 concernant principalement l’histoire, mais aussi les travaux de sciences politiques et de droit, entre autres, lorsque ceux-ci s’intéressent aux questions de défense. Minerve est consultable sur le site internet : www.cehd.sga.defense.gouv.fr.


Jean Christophe Romer

 

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