SOMMAIRE BULLETIN N°1

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Avant- Propos - Serge Jacquemond
Portrait d'actualité
Abdoulaye Wade - Pierre Messmer
Réflexions sur le temps présent
Cote d'Ivoire: « de Bouvines à Marcoussis» - Serge Jacquemond
Indochine - Vietnam: Héritage - Jean Rouget
Pour la mémoire d'Outre-Mer - Didier Troude
Nous dialoguons ensemble ... avec
Koffi Yamgnagne Kofi Yamgnagne
Une étudiante - Serge Jacquemond
Manifestations
DAKAR: Exposition des Tirailleurs Sénégalais - Col Mademba Sy
BLOIS: Colloque sur le livre africain - Michel Levallois
PARIS: Colloque des associations d'Indochine - Jean Rouget
Vu, lu, entendu
Entendu à la radio: l'Ecole de la France d'Outre Mer - J. de la Guéri vière
Vu à la télévision: (A2) « Leclerc et d'Argenlieu ». - Pierre Troude
Vu au Cinéma: un film mauritanien et un film indochinois - George Sanner.
Lu dans laPresse- J. de la Guérivière
Lu chez les libraires: « Le livre noir du colonialisme» de Marc Ferro - Martine Cuttier
Portraits pour l'histoire
Moktar Ould Daddah - Serge Jacquemond
Vo Nguyen Giap - Jean Rouget
Anecdotes
Un défilé de chameaux sur les Champs Elysées ?... - François Beslay
La vie d'Arom
Activités de l'association Institutions et associations amies AROM et ARRI - Philippe Marchat


Avant propos

L'image de couverture de ce premier bulletin d’AROM rendra peut-être certains un tantinet perplexes    Explications (ou interprétation?): le masque noir venu de la Haute-Volta, c'est l’Afrique, bien sûr. mais la couleur jaune des bonzes d'Asie s'inscrit toujours dans les paysages d' .Angkor, ou de l'Indochine, .. et les ethnologues avertis (il en existe à .AROM) sauront sûrement faire des rapprochements avec des représentations amérindiennes, voire océaniennes

Toujours la même idée en tout cas : Le soleil qui rayonne sur le monde…en particulier sur les terres d'Outre :Mer d'hier et de maintenant, ces terres et leurs peuples dont .AROM veut entretenir fa mémoire et affirmer les réalités.

Cet avant-propos n'est pas un éditorial : notre bulletin n'a pas la prétention de lancer des messages, anathèmes ou panégyriques, Il veut s'inscrire tout simplement dans la ligne de conduite qui motive  l’association :

- Connaître la réalité. Voici des portraits d'hommes qui comptent dans l'actualité, ou compteront pour l'histoire de leur pays : .Abdoulaye Wade, Vo Nguyen Giap, :Moktar Ould Dadah. Voici aussi quelques témoignages sur des manifestations d'aujourd'hui qui intéressent hommes et femmes du temps présent. A Dakar les visiteurs de l’exposition des tirailleurs sénégalais, à Blois, les curieux  de l'histoire africaine, à Paris, au Sénat, les fidèles des souvenirs - et pas seulement des souvenirs d' Indochine.

- Mais informer c'est aussi réfléchir, dans ce numéro, sur la crise ivoirienne, sur l'héritage français laissé au Vietnam, sur les projets de représentation de la mémoire d'Outre :Mer dans l’hexagone.

- Ces portraits, ces récits se veulent placés sous le signe de l'amitié avec tous ceux qui participent à la communauté francophone et francophile et acceptent le dialogue : dialogue avec le « petit paysan togolais » devenu maire en Bretagne et ministre de la République, dialogue avec cette étudiante en histoire qui cherche à comprendre, au-delà des papiers, la réalité de l’Afrique qu'elle n'a pas connue.

Professeurs, journalistes, écrivains... Voix et plumes sont nombreuses, et il serait très long de rapporter ici tout ce qui a pu être entendu, vu, lu, dans les médias. 'Nos moyens sont limités et nous obligent à faire des choix dans cette abondante moisson, sur ce qui nous a paru sinon important, du moins intéressant, Ce premier numéro, «par définition» - pourrait-on dire - est un essai qui devra être conforté dans les numéros qui suivront au fil des trimestres, compte tenu des avis et des collaborations des membres d'.AROM, et aussi des amis de l'association.

:Merci d'avance de votre implication et de votre soutien.

Le Président Serge Jacquemond

Abdoulaye Wade

Pierre Messmer, Chancelier de l'Institut, a prononcé le 19 février 2003 le discours suivant lors de la réception à l'Académie des Sciences d'Outre Mer du Président Abdoulaye Wade. Un portrait d'actualité du chef de l'Etat qui a succédé à Dakar au président Abdou Diouf, il y a trois ans.

Monsieur le Président,

C'est un honneur pour l'Académie des Sciences d' Outre­mer que de vous compter désormais parmi ses membres et c'est un plaisir pour moi que de vous accueillir au nom de nos confrères.Vous y avez naturellement votre place, d'abord en raison de vos titres universitaires qui sont exceptionnels et aucu­ne Académie n'est indifférente à ces titres.

Je me permets de rappeler votre cursus:

Vous commencez vos études à Kebemer où vous êtes né, non loin de Saint-Louis et vous êtes admis à l'Ecole Normale William Ponty en 1947. Cette école, destinée à l'origine à former des enseignants et des cadres africains de la r Fonction Publique, est devenue, grâce au niveau de son recrutement et à la qualité ... de son enseignement, une pépinière d'hommes d'Etat pour toute l'Afrique de l'Ouest. Titulaire d'une bourse, vous. entrez en 1950 au lycée Condorcet, à Paris, dans la classe de mathématiques élémentaires d'où vous passez en Mathématiques supérieures.

Pendant neuf ans, vous suivrez dans l'enseignement supérieur un parcours extraordinaire, au sens littéral du mot: à la fois scientifique, classique et juridique. Scientifique: à l'Université de Besançon, vous obtenez un certificat d'études supérieures de Mathématiques générales et un certificat d'études supérieures de mathématiques, physiques et chi­mie. «l'avais passé longtemps dans l'étude des sciences abstraites », écrit Pascal, « le peu de communication qu'on en a m'en avait dégoûté ». Peut-être avez-vous eu le même sentiment, ce qui vous a orienté vers des études classiques. A Besançon, encore, vous passez un certificat d'études supérieures de psycho­logie générale et un autre, de morale et sociologie.

Un peu plus tard, à Grenoble, vous suivrez un cours de philoso­phie générale et vous recevrez un certificat de psycholo­gie de la vie sociale.
Mais ce sont les études de droit qui vous retiendront le plus longtemps. Après votre licence en droit à Besançon, vous êtes reçu, à Dijon puis Grenoble, à trois diplômes d'études supérieures, de droit public, d'économie poli­tique et de sciences économiques. En 1959, vous soutenez votre thèse sur la doctrine économique du mouridisme qui recevra la mention très bien et le prix de la thèse. l'en recommande la lecture à ceux qu'intéresse l'action des confréries religieuses dans l'économie. Vous êtes alors nommé chargé de cours à la faculté de droit et de sciences économiques de Dakar, de 1959 à 1968, puis après un stage aux Etats-Unis à l'Université de Boston, assis­tant à la faculté de droit de Paris II - Assas où vous cou­ronnez votre carrière de juriste par l'agrégation de droit et sciences économiques en 1970. Vous revenez alors à Dakar, comme professeur et bientôt doyen de la faculté de droit.

Parallèlement à l' enseigne­ment, vous avez été avocat pendant trente ans, de 1955 à 1985, stagiaire à Besançon, puis inscrit aux barreaux de Grenoble et de Dakar. Vous êtes aussi un homme d'Etat, parvenu à la présidence de la République de votre pays. Et vous y avez réussi par les voies les plus démocratiques, ce qui est trop rare en Afrique où putsch, coups d'état, révoltes, élections truquées sont - hélas - monnaie courante.
En 1970, vous entrez au Conseil économique et social où vous présidez la Commission des Etudes Générales. En 1974, vous fondez le Parti Démocratique Sénégalais dont vous devenez le Secrétaire Général. C'est un parti d' opposition légale. Vous êtes Député à l'Assemblée Nationale du Sénégal de 1978 à 1983, Ministre d'Etat en 1991 et 1992, à nouveau de 1995 à 1998. Chaque fois, vous quit­tez le Gouvernement en raison des désaccords avec le Président et vous passerez même quelque temps en prison. On ne peut pas dire que votre vie politique a été « un long fleuve tranquille ». Et, d'ailleurs de quel homme d'Etat pourrait-on le dire?
Le 19 mars 2000, il Y a moins de trois ans, vous avez été élu Président de la République du Sénégal dans des condi­tions qui vous honorent et sont à l'honneur de tous les Sénégalais.

Vous aviez dit, un jour :
« Je ne veux pas aller au Palais en marchant sur des cadavres! »
Dans ce Palais que je connais bien pour y avoir vécu deux ans, vous êtes entré pacifiquement, par la volonté libre­ment exprimée du peuple sénégalais.
Vos principes politiques sont clairs et ils sont bien connus car vous vous en êtes souvent expliqué'. Je les résumerai en trois mots: démocratie, paix et développement. S'agissant de la démocratie, les exemples concrets que vous avez donnés et que je viens d'évoquer sont plus élo­quents que les meilleurs discours.
Je signalerai toutefois un remarquable document de travail que vous avez rédigé en 1980 pour le colloque de Berlin sur la « liberté et la dignité dans les différentes sphères culturelles» et une communication, en 1981, à la réunion de l'Internationale Libérale à Londres, sur « le Libéralisme en Afrique Noire: droits de l'homme et droit des peuples ». En 1989, à Paris, au congrès de l'Internationale Libérale, vous présentez « les cahiers de doléances du Sénégal aux Etats Généraux de 1789 ».

Les théoriciens du libéralisme sont rares en Afrique: vous êtes l'un des plus éminents. Le développement est depuis longtemps votre principal souci. En 1972, vous présidez le groupe des experts afri­cains de l'Organisation de l'Unité Africaine et de la Banque Africaine du Développement dans les négocia­tions monétaires internationales sur le financement du développement et le commerce interafricain.
En 1973, le Centre Africain d'Etudes Monétaires publie votre étude sur « l'Afrique et la réforme du système monétaire international ».
Enfin, et surtout, en juillet 2001, au 37e sommet extraor­dinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA, avec trois autres de vos collègues, vous avez lancé à Lusaka « le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique» (NEPAD), nouvelle vision d'intégration éco­nomique et de développement du continent africain. Vous voulez sortir l'Afrique de la pratique instaurée au lende­main des indépendances et fondée sur les aides et les prêts nationaux et internationaux dont on peut dire qu'ils n'ont pas eu, depuis 40 ans, les résultats attendus.
Vous voulez que les pays de la nouvelle « Union africai­ne» qui a succédé à l'OUA soient sages, courageux et res­ponsables et choisissent le secteur privé comme moteur de leur économie.
« Vaste programme» eût dit le Général de Gaulle, pro­gramme auquel la France ne peut que souscrire et dont la réalisation demandera du temps.
Il fallait beaucoup d'audace pour entreprendre. Il faudra beaucoup de ténacité pour persévérer. Vous ne manquez ni de l'une ni de l'autre.

 

Réflexions sur le temps passé et présent

De Bouvines à Marcoussis - Réflexions sur la fracture ivoirienne

La bataille de Bouvines date de 1214; la conférence de Marcoussis de 2003. quel rapport ? En septembre/octobre 2002, l'opinion apprend avec stupeur que la Côte d'Ivoire, symbole de la réussite de la colonisation, puis de la décolonisation française en Afrique noire, est au bord de l'explosion, le pays coupé en deux, l'Etat asphyxié... «Vitrine un peu cabossée» comme le dira, avec un euphémisme tout diplomatique, l'ambassadeur Renaud Vignal.

Surprise pour un monde occidental dont les représentations sont, le plus souvent, confinées à une culture ignorant (ou sous estimant) les « terrifiants pépins de la réalité» - pour parler comme Prévert - d'un autre mode de pensée que la sienne, l'africaine. Actuellement, la crise ivoirienne, comme la cendre sur un feu qui peut se réveiller, amène à quelques réflexions pour essayer de mieux comprendre.


La notion de Nation

Lors de la bataille de Bouvines, en 1214, on vit - disent les historiens - les leaders de l'époque, les chevaliers de France, en lutte contre l'étranger (des Anglais, des Allemands. . .) - avoir pour la première fois le sentiment d'appartenir à un ensemble plus vaste que celui de leurs seigneurs, un ensemble. .. qui allait devenir, peu à peu, la nation française. .. Mais, c'était il y a près de 8 siècles!

La Côte d'Ivoire, composée selon les propres termes d' Houphouët-Boigny, de «soixante tribus qui ne se connaissaient pas, qui n'avaient pas le même dialecte, la même façon d'organiser leur société», n'a commencé à être,il y a un siècle à peine, unifiée par des conquérants étrangers qui dessinèrent, en 1893, les frontières actuelles de leur colonie devenue - il y a 43 ans -la Côte d'Ivoire. (Les-dites frontières furent d'ailleurs modifiées entre 1932 et 1947 lors du rattachement de la partie sud de la Haute- Volta).
Comment s'étonner dès lors que la notion de Nation, «faite de plus de morts que de vivants », selon Renan, n'ait pas encore pris de racines profondes chez des ethnies si diverses et sans écriture propre, malgré l'accélération que les moyens de communication et de culture donnent à l'Histoire ?

On le constate; la limite des ethnies constitue exactement la frontière de la cassure d'aujourd'hui. « Nouvelle frontière » ... combien différente de celles magnifiées par le Président Kennedy!

Le sens de la frontière

Les frontières des Etats africains fixées par les diplomates et les cartographes européens du 1ge siècle sont artifi­cielles. On le sait, mais elles existent, reconnues par la communauté internationale et africaine et acceptées par les leaders politiques.
Mais, pour autant, sont-elles immuables? (pensons aux fluctuations des frontières de la Pologne... ou de l'Alsace LOITaine) mais, surtout, leur tracé cOITespond-t-il au sens profond de la culture africaine? Si, pour les Européens, l'idée de limite teITitoriale est essentielle - concept que le droit (hérité de Rome) a consacré en privilégiant le droit du sol sur le droit du sang, il en va tout autrement en Afrique où le droit du sang est à la base de la société. Les clans, les tribus, les « empires» résultaient du lignage de générations depuis un ancêtre censé être commun. La force et l'étendue des empires n'étaient pas rattachées à un territoire, mais à la puissance du chef... c'est-à-dire qu'elles étaient fluctuantes (l'empire du Ghana au lIe siècle ne s'étendait pas du tout sur le Ghana actuel; plus près de nous, l'empire de Samory, parti de la Guinée, recouvrait le nord de la Côte d'Ivoire jusqu'au Ghana actuel, etc. ...). Les « rebelles» d'aujourd'hui, descen­dants des cavaliers du Sahel, se sentent-ils - en leur for intérieur - rebelles par rapport aux cultivateurs de cacao et de bananes de la côte? Pour les peuples imprégnés de leurs traditions, les frontières sont, non pas des « chiffons » mais des « tracés de papier» fixés par d'anciens envahisseurs. Il suffit - sur la carte ci-contre - de consi­dérer les limites des zones rebelles (zones rebelles au pluriel, s'entend !)

Le mythe de la démocratie

Démocratie: « le pire des régimes à l'exception de tous les autres» disait ChruchilL Peut-être ce concept de gou­
vernement n'est-il pas, finalement, la pana­cée pour l'esprit africain... peut-être même ce dernier serait-il plus sensible à l'héritage de Démosthène en ce qui concerne la place de l'esclave dans la société antique qu'en ce qui concerne la prééminence de la « vox populi» !...Dans les pays occidentaux, le « règne» de la démocratie est le résultat d'une longue marche depuis la Grande Charte anglaise (1215) jusqu'à la chute du mur de Berlin (1989)... Il n'est pas certain toutefois que ce modèle soit profitable à tous les peuples d'Afrique.

Le cérémonial des élections «à l'occidentale» (<< manières de Blancs ») sert souvent de façade artificielle et ne fait que jus­tifier l'appropriation du pouvoir par une ethnie ... qu'elle soit majoritaire ou minoritaire (au Rwanda, par exemple). Seulement, quelques voix de majorité, et c'est l'impuissance; 90,95% des voix, et c'est la dictature!... En Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo a été élu Président le 22 octobre 2001 « démocrati­quement ». Donc, ses camarades de France ont pensé pendant longtemps qu'il fallait le soutenir. En fait, s'il avait obtenu 60% des voix exprimées... celles-ci ne représen­taient que 30% d'inscrits... Par contre, il avait bénéficié de 100% des voix de son eth­nie: les Bété. Comme le souligne Renaud Vignal : « On peut estimer que la légitimité démocratique du chef de l'Etat n'existe plus quand le comportement de ce dernier devient totalitaire », ce qui a été largement et sans ambiguïté constaté et prouvé.
L'apparence ne suffit pas pour caractériser un régime. Celui-ci doit être adapté à la mentalité des habitants, sur­tout lorsqu'ils accèdent au « statut» de citoyens!


C'est un Noir togolais, devenu breton au demeurant, Kofi Yamgnagne, qui l'écrit: « Tout d'un coup, le Blanc s'en va. Il nous dit, grosso modo: vous êtes maintenant assez grands, débrouillez-vous! Il est remplacé par un Noir qui doit se couler dans un système de gouvernement, de pen­sée, qui est totalement étranger à sa civilisation, à sa défi­nition du monde ... Après quelques années d'illusions, le système ne pouvait que dérailler... mais ça, la France ne le comprend pas. Elle est persuadée que le système d'Etat centralisé, fondé sur la démocratie, elle-même assise sur le principe d'égalité, un homme/une voix, est l'expression politique d'une loi universelle ».

On ne peut mieux dire en ce qui concerne la situation actuelle de l'Etat ivoirien.

Le devoir d'ingérence

La règle sacrée des organisations internationales: «Chaque pays est maître chez soi» commence « à prendre l'eau» : indépendamment des légitimes intérêts politiques, économiques, culturels de chacun, la conscien­ce de la prééminence d'une moralité supérieure universel­le prend corps. Elle crée un « devoir d'ingérence », prônénotamment, avec sa chaleureuse véhémence, par Bernard Kouchner.Aux mandats de la SDN ont succédé les interventions de l'ONU, dont certaines reprennent la même idée sous un habillage plus « mode » :
Kosovo, Timor oriental et, enfin, tout récemment, Libéria, sur un montage compliqué qui - sous la pression des USA - met les voi­sins africains dans le coup.

La France, longtemps « gendarme de l'Afrique », s'est désengagée il y a peu de ce rôle, en souhaitant sortir de son « pré carré ». L'urgence l'a rappelée à ses responsabilités d'ancien colonisateur (comme la Grande Bretagne en Sierra Leone) et, après quelques flottements et de multiples précautions d'ordre international, elle a envoyé en Côte d'Ivoire ses soldats pour sépa­rer les troupes gouvernementales du Sud, impuissantes,des troupes rebelles, audacieuses, du Nord. De fait, elle a sauvé l'Etat ivoirien.

Marcoussis, accélérateur pour la formation d'une nation unifiée, pour la véritable démocratisation de la société tout entière? Cela prendra du temps!... mais moins, espérons le, que les 8 siècles qui nous séparent de Bouvines*.* L'assassinat à Abidjan, le 21 octobre, par un policier, du journaliste Jean Hélène montre que «l'état de droit» n'était pas encoretout à fait au point à cette époque ...

Article paru dans les Cahiers d'ARR1 avec l'aimable autorisation du Président Jean Michel Fauve.

 

Vietnam: Héritage - Jean Rouget

Ancien administrateur des Services Civils en Indochine, Jean Rouget était jusqu'il y a peu vice-pré­sident de l'association des Amis de l'Orient. Il est également membre de plusieurs associations qui oeuvrent pour le maintien des liens avec les peuples d'Indochine et la préservation de la mémoire de la France dans ces pays.

Lorsque les vents contradictoires qui ont marqué les temps de la décolonisation consentent à s'éloigner, aspirés par d'autres turbulences, lorsque les fureurs des affrontements idéologiques se sont apaisées, la scène de l'histoire laisse apparaître des vestiges suffisamment lourds pour ne pas avoir été emportés par les marées et jusants qui ont balayé le passé. Ainsi en va-t-il de la courte période - une centaine d'an­nées - de la présence française en Indochine, et plus spécialement au Viêtnam.

Il ne s'agit pas de réveiller l'impossible débat sur le bien­fondé ou le mal-fondé de la conquête coloniale et sur les plus et les moins de la colonisation. Je m'en tiendrai à évoquer quatre apports essentiels de la présence française, légués en héritage au Viêtnam moderne:

- Le quôc ngu, transcription en caractères latins de la langue orale locale.
- Des frontières stables et définitives.
- Des infrastructures économiques, prélude à  l'unité du Viêtnam
- La participation à l'aire de la francophonie.

Le Quôc Ngu

En décembre 1624 le père Jésuite Alexandre de Rhôdes débarque en Cochinchine, terme qui englobe, à l'époque, le Sud et le Centre Annam. Les missionnaires portugais , suivis des Français, y ont installés qulques chrétiens, à Tourane, Faifo et Qui Nhon. Le père observe joliment : "Quand je fus arrivé en Cochinchine et que j'entendais parler les naturels du pays, particuliérement les femmes, il me semblait entendre gazouiller les oiseaux". Il explique : "Tous les mots sont monosyllabes et on ne distingue leur signification que par les divers tons qu'on leur donne en les prononçant. Une même syllabe peut signifier plus de vingt choses différentes, par la façon de la pro­noncer, ce qui fait qu'on ne parle qu'en chantant. Il faut donc un système d'écriture qui permette, par des signes, d'exprimer ces différentes tonalités. »

S'appuyant sur les travaux du Père Francisco Di Pina, il invente un système de signes diacritiques qui vise à resti­tuer leur tonalité, et donc leur sens, aux monosyllabes qui constituent la langue viêtnamienne. L'élaboration d'un dictionnaire latin-annamite, d'une grammaire et d'un catéchisme, publiés à Rome en 1651, constitue l'acte de naissance du Quôc Ngu, langage du Viêt Nam d'aujour­d'hui ...

C'est là le début d'une curieuse aventure, qui pourrait s'intituler: « De l'Evangile à la Révolution ». Inventé par les missionnaires pour faciliter la diffusion de l'Evangile, le quôc ngu se révèle rapidement chargé de sens politique. Il ouvre une brèche dans le pouvoir élitiste des Lettrés, attachés au privilège de la pratique des idéogrammes, marque incontestable d'une culture chinoise dominante.

Le quôc ngu offre, d'autre part, une ouverture sur l'Occident. Les difficultés de communication sont simplifiées. L'autorité coloniale ne manque pas de le récupérer pour promouvoir sa propre culture, d'autant plus facilement qu'il s'impose tout naturellement aux intellectuels viêtnamiens, en quête d'accession à la modernité. Les idéogrammes s'accordent admirablement aux subtiles nuances de la poésie et de la philosophie, beaucoup moins à la rigueur mathématique des sciences occi dentales. Mais c'est dans le domaine de l'action révolutionnaire que le quôc ngu va trouver son plein emploi. Par sa facilité de lecture en rapport direct avec la langue orale, il est propre à toucher le plus grand nombre, démocratique par essen­ce. Rappelons nous les images de propagande du Viêt Minh où l'on voit un jeune bô doï, sous le casque plat orné d'une étoile rouge, apprendre à lire à un vieux paysan à barbiche, maintenu dans l'analphabétisme par le « colo­nialisme français ». C'est le quôc ngu qu'il enseigne à ce futur révolutionnaire, enfin ouvert à la lumière. Ô mânes du Révérend Père de Rhôdes !

Des frontières stables et définitives

La mort de Francis Garnier devant Hanoï le 12 décembre 1873, exécuté par les Pavillons Noirs, au lieu dit du « Pont de Papier », constitue une page illustre de la conquête coloniale et sa reproduction a longtemps orné les manuels scolaires. Entrent en scène ces fameux pirates qui défraient la chro­
nique. Qui sont-ils donc?
Pavillons noirs de Lao Kai ou Pavillons jaunes de Ha Giang, adversaires entre eux, les uns et les autres recrutés parmi les populations montagnardes de la frontière, naturellement insou­mises au pouvoir annamite, sont, les uns et les autres, aux ordres et à la solde des Chinois. Solde complétée par les rapines, pillages et exactions en tous genres qui désolent le pays. Derrière les pirates, se profile l'ombre de la Chine.

En fait, l'opération qui a conduit à la prise de Hanoi, a été menée contre l'accord du Gouvernement de Paris, sou­cieux de ménager ses relations avec la Chil1e. A Huê, elle soulè­ve d'autre part l'indignation de Tu Duc, l'Empereur d'Annam. Décision est prise de restituer Hanoï aux autorités annamites, de replier nos troupes du Tonkin, en abandonnant, au passage, catholiques et autres autoch­tones, las de la piraterie, qui s'étaient placés sous la protection de nos drapeaux.

Francis Garnier est-il vraiment mort pour rien? Les gestes de bonne volonté et d'apaisement manifestés par la France permettent de réactiver les pourparlers diplomatiques avec la Cour de Huê. Ils débouchent, le 15 mars 1874, sur la signature d'un « Traité d'amitié et d'alliance », élabo­ré par l'administrateur Paul Philastre. Le mot de « Protectorat» est soigneusement évité, mais une clause essentielle prévoit que « le roi d'Annam s'engage à ali­gner sa politique étrangère sur celle de la France ». La position internationale de la France en Extrême-Orient se trouve très sérieusement consolidée.

Mais ce succès est à double face car il ne peut qu'attiser la vindicte chinoise.Localement, le « traité d' allian­ce » imposé à l'Annam se révè­le n'être qu'une pause. Au Tonkin, la piraterie n'a jamais été aussi triomphante. Le lobby mercantile relaie la pression missionnaire. Les Chambres de Commerce de Marseille, Lyon et Bordeaux se mobilisent pour « exiger» l'occupation du Tonkin. Ces perspectives ne manquent pas d'inquiéter Tu Duc, qui va chercher, clandesti­nement et dangereusement, un appui auprès de Pékin. Bonne occasion, pour la Chine, d'en­trer ouvertement dans le jeu, car, si elle a dû accepter le traité de 1874, elle n'est pas disposée à laisser la France s'établir au Tonkin, sur lequel elle prétend détenir des droits historiques. Prend corps un conflit franco­chinois qui va occuper les pro­chaines années.

L'histoire, pour une fois, va se répéter. Réagissant aux mani­gances de Tu Duc, le ministre de la Marine, l'amiral Jauréguiberry décide d'investir Hanoi, encerclé par les Pavillons noirs. Le Capitaine de Vaisseau Henri Rivière est choisi pour diriger l'opération. Ses instructions sont précises et prudentes: « C'est politiquement, pacifiquement, administrativement, que nous devons étendre notre influence au Tonkin... Vous aurez à surveiller le fleuve. Dans le cas, peu probable, où vous rencontreriez des troupes chinoises, vous éviterez soigneusement un conflit... » (P. Devillers «Français et Annamites. Partenaires ou Ennemis? » Ed Denoël.).

Rivière arrive devant Hanoi, dont la citadelle est tenue par un mandarin fidèle à Huê. Se déclenche un scénario connu: Ultimatum. Refus. Assaut. Victoire en quelques heures (26 avril 1883 ). Rivière désavoué. Remise de la Citadelle aux occupants légitimes (1 er mai). Exploitant ce recul, les Pavillons noirs abordent aux faubourgs de la ville. A l' exemple de Garnier, Rivière conduit la contre­attaque et au même endroit que son prédécesseur, le funeste « Pont de Papier », il tombe dans une embuscade où il trouve la mort. A la mode des pirates, il est déca­pité. (19 mai 1883)

Tous ces événements ont attisé la colère des Chinois qui protestent contre l'intrusion française. A titre de représailles, dès le 30 mai, les troupes du Kuong Tung occupent Son Tay et Langson, sui­vis, le 30 juin, par l'armée du Yunnan qui franchit, à son tour, la frontière.

1884 sera l'année de la remi­se en ordre. Le général Millot, à la tête de puissants renforts, refoule les pirates et nettoie le Tonkin de l'emprise des troupes régulières chi­noises. En parallèle, Jules Ferry mène des négociations avec Pékin. Celles-ci aboutis­sent, le Il mai, à la signature de la Convention de Tientsin : la Chine abandonne sa suzeraineté sur l' Annam et reconnaît les traités qui pourront être signés entre Paris et la Cour de Huê. C'est un très grand succès, pour la France et pour l'Annam.

Dans ce climat apaisé, la France entend normaliser ses relations avec la cour de Huê. Mission est confiée à Jules Patenôtre, ministre plénipotentiaire en Chine. L'affaire est réglée en quelques jours. Le 6 juin 1884, est signé le nou­veau traité. Il constituera la bible des relations franco-annamite pendant toute la période coloniale, jusqu'au coup de force japonais du 9 mars 1945. Le Protectorat est affirmé, mais ses modalités d'application sont mesurées et une administration locale annamite sous contrôle est reconnue. Des dispositions fondamentales soulignent l'engagement de la France de «garantir l'intégrité des Etats du Roi d'Annam ».

Pour signifier que s'ouvrent des temps nouveaux, Patenôtre obtient que l'Empereur consente à un geste poli­tique fort: que soit détruit, en grande pompe, le sceau impérial chinois, signe de vassalité vis à vis du Céleste Empire. Cet événement spec­taculaire aggrave, on le com­prend, nos relations avec la Chine. La Convention de Tien Tsin est contestée; les troupes chinoises, qui trouvent un appui à Huê auprès du tout puissant Régent Ton That Thuyet (le jeune Empereur Ham Nghi est encore mineur), traînent les pieds pour abandonner le territoire occupé. Force est de faire par­ler la poudre. Le 13 mars 1885, le général de Négrier reprend Langson mais, pour­suivant son élan au delà de la frontière, se fait malencon­treusement tuer. S'ensuit une décision bien mal venue, prise par le colonel suppléant, d'évacuer Langson en catas­trophe. Ainsi une victoire se transforme-t-elle en défaite.

La nouvelle fait l'effet d'une bombe à Paris. Clémenceau s'en empare, poussant Ferry à la démission. Sort injuste, s'il en fût, car, le 30 mars 1885, la Convention de Tien Tsin est définitivement entérinée par Pékin. Les troupes chinoises évacuent définitivement le Tonkin. C'est une page de l'histoire d'Annam qui se tourne. C'est aussi une page de l'histoire de France qui s'ouvre, celle du plein exercice de son Protectorat sur l' Annam-Tonkin.

Les temps étaient venus de livrer aux commissions com­pétentes des deux parties le soin de procéder aux relevés topographiques et de fixer une frontière précise au lieu et place des zones d'influence aux formes nébuleuses qui marquaient approximativement la séparation entre Chine et Viêtnam. Abornement terminé, les conventions offi­cielles sur le tracé de la frontière sont signées à Pékin en 1887. Cette frontière est encore celle d'aujourd'hui, en dépit de la propension des Chinois à saisir chaque occa­sion pour reprendre pied sur le territoire viêtnamien.

C'est ainsi que la Chine - en application d'une décision abusive de la Conférence de Potsdam qui réunit les Trois Grands, Roosevelt, Staline, Churchill, à l'exclusion de la France - du 16 juillet au 3 août 45, reçut mission de désar­mer les Japonais proches de la capitulation, sur l'espace situé au nord du 16ème parallèle, au Tonkin, en Annam et au Laos. Occasion inespérée. Les troupes chinoises déferlent, razziant sans scrupules le pays, décidées à s' accrocher le plus longtemps possible en ces lieux de rapine facile. C'est sous l'effet circonstanciel d'un accord entre Ho Chi Minh et le Commandement français qu'elles fini­ront par rejoindre leurs propres pénates.

La frontière n'avait pas été remise en question. Elle allait néanmoins se révéler très perméable, lorsque, engagé dans son conflit avec la France, le Viêt Minh fit appel aux Communistes chinois, parvenus jusqu'à elle en décembre 49. Ceux-ci ne lésinèrent pas sur les moyens en « conseillers », matériels de guerre, légers et lourds, accordés au petit frère du Sud, infléchissant le rapport des forces. La dramatique évacuation du poste de Cao Bang en sera la première illustration (Octobre 1950)

Les accords de Genève, en juillet 1954, et le traité de Paris, en janvier 1973, qui mirent respectivement fin aux guerres française et américaine ne concernèrent en rien la frontière nord du Viêtnam.Il n'en alla pas de même à l'issue de la grave crise qui éclate entre la Chine, suppor­ter des Khmers Rouges et le Viêtnam, qui a envahi le Cambodge. En 1979, les armées chinoises franchissent la frontière du Tonkin. En dépit d'une résistance héroïque, elles démolissent Lao Kai et accumulent les déprédations sur l'ensemble du territoi­re. Pour mettre fin au conflit, la Chine exige une modification de la frontière. Le Viêtnam s'incline. Les rectifica­tions sont d'ailleurs de modeste dimension et concernent essentiellement les abords de la position de Dong Dang qui couvre Langson et commande la voie d'accès ancestrale de toutes les invasions venues du nord. De façon très symbolique, la Chine a récupéré la porte « Ai Nam Quan », la porte fortifiée « Frontière du Sud ». Cet aménagement n'est pas neutre, car il laisse percer des arrière-pensées de la part du puissant voisin chinois. Il est néanmoins suffisamment modeste pour que ne puisse être contestée l'affirmation que la frontière nord de l'actuel Viêtnam moderne, si difficile à conquérir, est bien celle de Jules Ferry.

La frontière ouest de l'ex-Indochine française, aujour­d'hui devenue celle du Cambodge et du Laos, est égaIement œuvre de la France.

Réagissant aux incursions siamoises sur la rive gauche du Mékong et sur la Haute région de la Rivière Noire, dont les princes locaux relevaient d'une ancienne suzeraineté de Huê, le Gouverneur Général de Lanessan prend l'initiative d'une démonstration de force. En 1892, un détachement léger occupe Stung Treng, sur le grand fleuve litigieux. Il en faut d'avantage pour faire plier le Siam. Paris prend parti. Une escadre française établit le blocus de Bangkok. Le traité du 3 octobre 1893 met fin au conflit: tous les territoires contestés sont attribués à la France.

En 1940, exploitant la faiblesse de la France et forte de l'appui du Japon qui vient d'imposer sa présence sur l'Indochine, la Thailande réaffirme les anciennes prétentions du Siam. Les accidents de frontière se multiplient. Sur ordre le l'amiral Decoux, la flotte française de la Mer de Chine, conduite par le capitaine de vaisseau Bérenger coule, le 1er janvier 1941, la plus grande partie de celle de Thailande, près de l'île de Co Chang.

Brillante victoire, en ces temps où les succès français sont si rares. Mais qui se révélera vaine. Par le traité de Tokyo du 13 mai 1941, le Japon impose son arbitrage dont on devine dans quel sens il s'exerce : le Cambodge se trouve amputé de la province de Battambang et de la partie septentrionale de celle de Siem Réap ; le Laos, de deux provinces sur la rive droite du Mékong. Tout rentrera dans l'ordre, avec la fin de la guerre et la capitulation du Japon. Les territoires occupés seront restitués. Les frontières actuelles du Cambodge et du Laos sont redevenues celles que la France avait conquises en 1893.

La deuxième partie de cet article, consacrée aux infra­structures économiques du Vietnam et à la participation de ce pays à l'aire de la francophonie, sera publié dans le numéro suivant du bulletin.

Pour la mémoire d'Outre Mer - Didier Troud

Un peu plus de quarante ans après « les indépendances» et la fin de l'ère coloniale française, il semble « politiquement correct» de lever le voile sur les ombres et lumières d'une grande aventure qui couvrit un peu plus d'un siècle d'histoire de la France.


Témoigner de la mémoire

Comme il a été très bien fait pour magnifier la mémoire du débarquement des alliés en 1942 en Normandie, des initiatives ont vu récemment le jour ou sont en cours de réalisation pour témoigner de la mémoire du passé d'Outre Mer:

DINAN

En mémoire des morts de l'Indochine à Dinan, la patrie d'Auguste Pavie, un mémorial a été inauguré le 4 mai 2003. Ce monument a été construit symboliquement de matériaux du pays de la province de Ninh Binh au Tonkin et transporté par voie de mer - un mois - jusqu'en France. Il rappelle non seulement le souvenir des 100 000 vietna­miens venus combattre en France pendant toute la pre­mière guerre mondiale mais aussi les quelques 500 000 réfugiés vietnamiens, cambodgiens et Laotiens qui ont péri à partir de 1954, dans la jungle ou sur les mers pour essayer de rejoindre le monde libre. trois urnes contenant la terre d'Indochine sont enfouis sous le monument en forme de pagode.

MARSEILLE

Mémoire de la présence française Outre Mer. Un mémo­rial dont le programme et l'architecture sont arrêtés, devrait ouvrir fin 2005 , Boulevard Rabatau à Marseille. Ce n'est plus un musée, mais un monument destiné à évo­quer la présence française Outre Mer dans le grand port méditerranéen, hors de toute idéologie. Une salle d'expo­sition et un auditorium permettront d'organiser des col­loques et d'être un centre d'orientation et de recherche ouvert au public.

Exposer les réalisations Outre Mer


La mémoire, pour être vivace, doit se doubler de la connaissance. C'est le rôle des musées, comme l'ont com­pris les Anglais dont le projet « d'Empire Museum », pre­mier musée consacré à l'empire britannique, commence àprendre forme.
Depuis la disparition du Musée des Colonies ouvert à ]' occasion de la grande exposition coloniale de 1931 à Vincennes, aucun musée n'expose, à part les collections ethniques ou artistiques, ce qu'a été le rôle et les réalisa­tion de la France au delà de l'Hexagone.

Deux projets actuellement tendent à pallier cette lacune:

FREJUS

A proximité du camp de Frejus où l'armée coloniale entretient le cuIte et la mémoire de la glorification de ses campagnes au-delà des mers, un projet de musée à la vocation beaucoup plus vaste et en train de voir le jour. Il s'agit de l'aménagement du château GALLIENI.

Le Château est la propriété des communes de Fréjus et de Saint-Raphaël, qui virent se succéder, dès la première guerre mondiale, de nombreux camps de transit des troupes coloniales. Bien au-delà des fait d'armes liés aux conquêtes coloniales, l'accent sera mis sur le travail de pacification et d'administration des territoires des e- colonies. L'objet essentiel de ce musée sera ainsi de permettre aux visiteurs d'avoir un véritable survol des aspects si divers de ce que fût la présence française outre-mer, de satisfaire au devoir de mémoire et de perpétuer le souve­nir de générations de civils (missionnaires, administra­teurs, médecins coopérants) qui ont fait honneur à la France durant leurs missions lointaines.
Une première section serait consacrée aux « découvreurs et pacificateurs» :

. BUGEAND pour l'ALGERIE
. LYAUTEY  pour le MAROC
. LE PERE DE FOUCAULD ET LAPERRINE  pour le SAHARA
. René CAILLE et SAVORGNAN DE BRAZZA pour le SAHEL et L'AFRIQUE NOIRE
. GALLIENI pour MADAGASCAR
. DUPLEIX pour les INDES
. GARNIER et PAVIE pour l'INDOCHINE

Une deuxième section évoquerait « le temps de la mise en valeur et de l'administration du territoire» par les efforts conjugués des Administrateurs de l'ENFOM, des médecins, des missionnaires, des enseignants, des ingénieurs des TP, etc...
Une troisième section, intitulée « décolonisation et coopération », permettrait de rappeler les grandes étapes du désengagement de la France et des accords de coopération qui perdurent depuis les indépendances.

PARIS

Grâce à André Malraux, le Musée des Colonies, dans sa belle architecture d'Albert Laprade, était devenu en 1960 le « Musée des Arts Africains et d'Océanie » (MAAO). Le projet du Musée des Arts Premiers qui doit s'élever à l'initiative de Jacques Chirac ­Quai Branly - l'a dépouillé de ses collections, et il ne reste plus que les poissons exotiques dans leur aqua­rium voisin... Pour l'heure, les salles abritent tempo­rairement une exposition sur la ville d'Alger ouverte à l'occasion de l'année de l'Algérie en 2003. Mais apres ...., ?

Différents projets s'affrontent: Musée de l'Ecologie, Musée du Design, Musée des Départements et Territoires d'Outre Mer?

Certains, au Ministère de la Culture privilégient la création d'un« Institut de la France à l'Etranger» qui regrouperait dans ce beau bâtiment (qui a le mérite d'exister !), à l'exemple de l'Institut du Monde arabe dans ses locaux modernes, salles d'expositions, lieux de rencontre et de présentation de collections. Cet institut pourrait être interministériel. Les partenaires potentiels sont multiples et le projet a - dit-on - «emballé» quelques hauts fonctionnaires des Affaires Etrangères et de l'UNESCO.

Après un 1ge siècle marqué par la domination, un 20e par la décolonisation, le 21e pourrait témoigner pour le passé et pour l'avenir de ce que fait la France à l'étranger. Et l'on sait que Saigon, Dakar, Tananarive et autres capitales exotiques sont désormais dans des pays où la France a beaucoup réalisé.

... Et puis Paris, c'est quand même une belle vitrine!

Nous dialoguons avec .....Kofi Yamgnagne

AROM
Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, je rappelle votre parcours atypique et sympathique:
Né dans une famille de paysans noirs au Togo, alors sous tutelle française, éduqué par les « bons pères» de Lomé qui vous ont aidé au départ à devenir ingénieur des Mines, vous avez épousé une bretonne et, citoyen français, vous êtes actuellement maire de la petite commune de Saint-Coulitz et vice-président du Conseil Général du Finistère. Vous avez aussi été député à l'Assemblée Nationale et Secrétaire d'Etat des Gouvernements Edith Cresson et Pierre Bérégovoy. On vous a appelé « le Celte noir ». Appréciez-vous ce surnom?

Kofi Yamgnagne
Aussitôt après mon élection en 1989, comme maire de Saint­Coulitz, j'ai été honoré par deux distinctions. La première par la Mutualité française qui m'a accordé le prix très convoité du «Civisme ». Ce prix avait pour objectif de saluer la création du Conseil des Sages de Saint-Coulitz. Le Président René Teulade, en me remettant ce prix en présence de Danielle Mitterrand, voulait très justement montrer du doigt la pertinence dé cette initiative pour la solidarité entre les généra­tions.
La deuxième distinction m'est arri­vée par la revue « Armor Magazine» qui a fait de moi «Breton de l'année» ! pour services rendus à ma région d'adoption. C'est un prix qui m'a beaucoup ému puisqu'il est l'illustration de la reconnaissance de toute une région pour le greffon que j'étais et qui allait ainsi devenir un arbus­te... puis un arbre: « le Celte noir ». J'en suis plutôt fier.

AROM
Votre dernier livre, paru en octobre de l'an dernier, «Nous grandirons ensemble» dit des vérités toutes simples, souvent évidentes pour le bon sens populaire, mais parfois occultées par des théoriciens idéologues de tout bord. Vos réflexions sur le passé et le présent des Blancs et des Noirs sont enrichies d'exemples vivants tirés de votre expérience, de votre terre d'origine et de votre patrie d'adoption. Vous écrivez:« On me reprochera sans doute de regarder l'Afrique avec les yeux du Breton que je suis devenu »... Comment êtes-vous perçu lorsque vous retournez parmi les vôtres, à Bangéli, en pays Bassari ?

Kofi Yamgnagne
Bangéli, mon village natal, dans le Nord-Ouest du Togo,est un petit bourg agglomérant 2500 habitants et placé au centre de l'ethnie Bassari. Lorsque j'arrive chez moi, c'est l'émoi général: c'est le retour, tout à la fois, du fils pro­digue, de l'oncle d'Amérique, de l'enfant perdu, du fils « enlevé par les Blancs », de notre « meilleur enfant prêté aux Blancs mais qui va nous revenir », de celui qui a réussi, même chez les Blancs... Je suis parti du Togo il y a bientôt 40 ans et pour autant, chez moi, je continue à susciter toujours autant d'admiration, d'inquiétude, d'interrogations, de mystère...

AROM
Inversement, du côté du Finistère, vos adversaires politiques ne vous ont pas ménagé. Vous rappelez, avec humour, ce tract aimable, glissé dans les boîtes aux lettres de vos
électeurs de Saint-Coulitz : « Il faut être taré et alcoolique comme un Breton pour élire un nègre à la Mairie »... Quelle a été votre réaction... et celle des électeurs municipaux ?

 Kofi Yamgnagne
Vous imaginez bien que ces injures ne sont pas nouvelles! Depuis mes années de jeune étudiant en prépa et à l'Ecoledes Mines, je me suis « habitué» à ce type de rejet et d'exclusion qui s'exprime avec violence par des mots (sale nègre, retourne dans ta brousse; espèce de singe, retour­ne dans tes arbres... etc.), par des gestes et même par des regards remplis de haine et de mépris.
Mais je suis tout à la fois le produit de la culture paysan­ne africaine, du cartésianisme français, de l'enseignement du Christ. Je crois avoir réussi le syncrétisme de tout cela, ce qui me permet de regarder mes adversaires avec davan­tage de pitié et de compassion que de colère.
Par contre, mes concitoyens de Saint-Coulitz vivent les injures qui leur sont adressées comme un véritable drame. Les plus fragiles ont peur; les plus solides crient ven­geance, mais tous éprouvent une vraie honte pour notre pays.

AROM
Votre regard sur la colonisation de l'Afrique (essentielle­ment subsaharienne) par les puissances européennes paraît être le plus souvent très objectif. Ainsi, vous écri­vez : « La colonisation a toujours eu deux visages: celui de la force brutale et celui du bon sentiment »... mais, plus loin, vous expliquez à propos de la décolonisation: « Je ne voudrais pas que l'on dise que l'Afrique Noire a eu de la chance puisque tout s'est passé en douceur. Comme si la victime devait remercier le bourreau sous prétexte que celui-ci cesse de la battre »... Bourreau? Le terme n'est-il pas excessif ?

Kofi Yamgnagne
Oui, je vous l'accorde volontiers: le terme est excessif! Mais l'image me paraît tellement plus saisissante pour la compréhension de la situation! En réalité, la vérité est plus nuancée. Bien sûr, il y a eu des violences, les travaux forcés, le déni de la langue et de la culture locales. .. mais il y a eu aussi les routes, les chemins de fer, les écoles, les hôpitaux et j'en passe.
Au total, lorsque je regarde aujourd'hui le Togo, 40 ans après son accession à la souveraineté, je me dis, très objectivement, que le bilan de la colonisation est « globa­lement positif ». A tel point que j'entends les plus âgés me dire, devant le délabrement actuel des systèmes de santé et d'éducation, je cite: « . ..c'était finalement mieux du temps des Blancs! » quel constat d'échec pour les dirigeants !

AROM
Vous rappelez que certains estiment (tel Sékou Touré) que « les peuples préfèrent vivre libres et pauvres plutôt que repus et enchaînés ». Mais n'est-ce pas là l'opinion d'in­tellectuels devenus à la fois libres et repus? Qu'en pense, à votre avis, le paysan de base?

Kofi Yamgnagne
Dans la construction de la pyramide des besoins, l'homme pose comme base les éléments vitaux: se nourrir, se soi­gner, éduquer. C'est sur cette base, très large et très solide que l'on pose le premier étage: être libre. Pour le paysan bassar, qui a mille misères à nourrir, soigner, éduquer ses enfants, qui se pose la question, au moment de la soudu­re, de savoir s'il doit manger la graine qui lui reste ou la semer, la réponse est simple car c'est le bon sens: d'abord être repu!
Quelques intellectuels africains ont trop tendance à faire de la rhétorique et de l'exégèse au détriment du réalisme. C'est peut-être ce qui a définitivement éloigné Sékou Touré de son peuple! On connaît la suite...

AROM
Vous rappelez - très justement - que le modèle d'un pays centralisé (type français) ne convient plus à l'Afrique sou­mise au pouvoir des clans. « L'Etat importé s'est petit à petit dissous dans la touffeur du climat tropical ». Pensez vous que les défauts que vous stigmatisez: mal gouver­nance, corruption, haine entre ethnies... vont pouvoir s'atténuer avec le temps? (N'oublions pas que les pays d'Europe ont mis des siècles et des siècles à bâtir leur démocratie et à fixer leurs frontières nationales... pour le moment !...).

Kofi Yamgnagne
Oui, je crois sincèrement que les maux dont souffre l'Afrique trouveront leur remède dans le temps. Ce qui me chagrine le plus, c'est d'observer que justement l'exemple des vieilles démocraties n'aide pas ce continent à brûler quelques étapes, surtout lorsqu'elles ne sont pas indispen­sables. La construction d'une Nation, l'émergence du sentiment national demandent du temps et peuvent exiger quelquefois le passage d'épreuves douloureuses. En ce sens, la haine entre ethnies traditionnellement ennemies, mais rassemblées à l'intérieur des mêmes frontières, demande pour s'éteindre, du temps, de l'apprentissage de la tolérance, de la laïcité et du vivre ensemble.
Mais je soutiens que les dirigeants africains pourraient s'inspirer positivement des expériences des vieilles démo­craties pour hâter la fin des famines, des épidémies et pour promouvoir l'éducation, la santé. Il n'est pas besoin de siècles pour cela!

AROM
Vous vous demandez, en introduction à votre livre « Quelle malédiction pèse donc sur ce bloc de latérite? » et énumérez avec clairvoyance les handicaps de la terre et les défauts des hommes... mais vous soulignez aussi, avec force, les qualités propres à l'Afrique « son sens du sacré, sa chaleur dans les relations humaines, son rapport char­nel avec la nature et son sourire ». Ces qualités - souvent quelque peu occultées dans la France moderne - donnent évidemment envie, comme vous le préconisez, de « gran­dir ensemble ». Votre livre a recueilli un large écho. Pouvez-vous nous en dire plus?

Kofi Yamgnagne
Oui, vivre ensemble, c'est se connaître et se reconnaître pour échanger, dans la paix, savoirs et savoir-faire. L'Afrique, tout comme l'Europe, recèle des qualités extraordinaires dont le sens du sacré n'est pas la moindre. Dans ce vaste continent, rien de sérieux ne peut s' entre­prendre sans le souffle divin, sans la référence au sacré. L'eau du ruisseau qui murmure, l'herbe qui bouge sous le
souffle du vent, la pierre posée au soleil. .. tout rappelle le sacré. Donc nous respectons et nous protégeons la nature, j'allais dire naturellement.

C'est aussi pour cela que nous respectons davantage nos vieux que les civilisations du Nord; car eux seuls sont les intermédiaires, grâce à leur âge et à leur sagesse, entre la vie et la mort, entre le visible et l'invisible, entre le sacré et le profane. Vous comprenez pourquoi, chez nous, la famille aussi est sacrée. l'ai dit quelque part que la famille est la sécurité sociale de l'Afrique. Ce n'est pas une expression vaine et c'est pour cette raison qu'il n'y a en Afrique ni maisons de retraite, ni hospices et ce n'est pas sur ce continent que la canicule ferait cet impressionnant surplus de morts dont tant d'anonymes baptisés « indigents ». L'anonymat n'existe pas en Afrique.

En réponse à ces qualités propres à l'Afrique, la France peut nous apporter son sens de l'organisation: organisa­tion physique du paj's, organisation du temps... Je rêve d'une société idéale, faite de l'organisation et de la méthode à la française et du sens social à l'africaine. Vraiment, l'Europe et l'Afrique sont « condamnées» à « grandir ensemble ».

C'est tout le mal que je nous souhaite de toutes mes forces et ce livre a ouvert un débat qui s'amplifie chaque jour un peu plus.

«Nous grandirons ensemble» a été édité par Robert Lafont en octobre 2002. un résumé du livre et d'une conférence-débat avec l'auteur ont été publiés par la «Lettre de la Cade», n° 58 et 60 en janvier 2003. On peut se procurer copie de ces documents en les demandant au secrétariat d'AROM.

Manifestations

Dakar: Exposition sur les tirailleurs sénégalais

Claude Mademba Sy, originaire d'une vieille famille du Sénégal, engagé dans les FFL, sergent-chef dans la colonne Leclerc, Saint Cyrien de la promotion « Victoire de 1945 », diplômé de l'Ecole de guerre, Colonel de l'Armée françai­se, puis Ambassadeur du Sénégal auprès de nombreux pays de la FAO et membre d'AROM, avait été invité tout spécialement par le ministre des Forces Armées du Sénégal à participer à l'inauguration d'une exposition dans le cadre, dit la lettre d'invitation, «de la grandefratemité d'armes qui unit les combattants de l'Outre-mer français à leurs camarades africains ...»

Le Président de la République du Sénégal Abdoulaye Wade a inauguré, le 3 avril 2003 à Dakar, l'exposition sur les «TiraiUeurs sénégalais» à laqueUe ont été associés les autres pays afri­cains, grands contributeurs des «Troupes noires» (Mali, Burkina, Côte d'Ivoire, Guinée).

Cette manifestation, organisée par les ministres des Forces Armées et de la Culture, a eu lieu au Musée de J'Armée, crée en 1997 et doté d'un {( Comité scientifique» très repré­sentatif de la coUaboration entre militaires et civils: armée et gendar­merie, IFAN, Université (départe­ment de J'histoire), aussi bien au Sénégal qu'en France.

Elle a été organise en partenariat avec les autorités françaises quali­fiées; eUe a ainsi bénéficié du sou­tien généreux du service historique
de l'Armée de terre de Paris­Vincennes, des conseils avisés de la direction de la Mémoire et du Patrimoine de Paris-Invalides et du Musée des Troupes de Marine de Fréjus.
« Le but de l'exposition» indique la brochure officieUe qui J'accompagne «est d'éduquer la jeunesse africaine et sénégalaise - en particulier dans le souvenir dé nos glorieux ancêtres ­contribuer au rayonnement interna­tional du Sénégal, et magnifier la fra­ternité des armes franco-sénégalaise qui s'est forgée sur une longue pério­de d'histoire militaire commune. »

12 salles évoquent le souvenir des tirailleurs sénégalais des origines à 1917 en différents chapitres aux titres explicites: origines à St Louis et Gorée, les « colonnes du Sénégal» et du haut Niger, le Rif, Fachoda, les tranchées de 1914/18, les décorations et les insignes {( T.S. », pour se termi­ner sur le défilé de la victoire de 1918 aux Champs-Elysées derrière le Général Mangin.
En parcourant ces saUes d'exposition, me revenaient en mémoire les paroles prononcées le 20 janvier 2001 par le Président Alpha Oumar Konare lors de la fête des Armées maliennes: « Comment ne pas se rappeler, en ce jour de fête, que les fils du Soudan, au-delà de la terre natale, dans des circonstances historiques, ont donné leur force, leur énergie, leur sang, leur souffle, leur vie pour la défense des idéaux de paix et de liberté... »

Et.c'est avec beaucoup d'émotion que nous avons circulé dans ces galeries pleine d'images, de gloire et de sacrifices, dans la reconstitution des tranchées de 14- 18, que nous avons senti la fierté du président Wade décou­vrant dans une vitrine « son » livret matricule n° 46-981021000 et consta­té son émotion en recevant des mains du directeur du SHAT des objets­reliques « sénégalaises » précieuses recueiUies dans les tranchées. . .

Devoir de mémoire. .. Comme nous étions loin des mesquineries, des tergiversations des responsables français qui, depuis 1959, au nom de sordides préoccupations budgétaires refusent d'honorer les pensions et retraites des Anciens Combattants de J'ex Union Française. Combien nous semblaient indignes les propos d'un secrétaire d'Etat voulant parler de {( pouvoir d'achat » pour le niveau des aUocations alors qu'il ne peut s'agir que d'équité, ou encore les éclats indignés (et oh combien ridicules) de cette jeune secrétaire d'Etat qui n'a pas eu honte de décla­
rer à la presse « que donner 421 euros par an à chaque ancien survivant allait nous amener de nouveaux cata­clysmes africains...» !

Heureusement la solidarité ne cesse de se manifester entre anciens com­battants, français de naissance et fran­çais de cœur, entre les associations françaises d'Anciens Combattants qui continuent leur combat pour que « la reconnaissance et l'affection de la France se traduisent par des actes positifs, car je sais tout ce qu'elle doit, tous les sacrifices endurés pour apporter à la France un concours qui lui a été si précieux ». Jacques Chirac Abidjan 1974

 

Blois: Colloque sur le livre africain - Le rendez vous de l'histoire

La sixième édition des Rendez-vous de l' Histoire qui vient de se tenir à Blois du 16 au 19 octobre, a montré que l'Afrique passionne toujours nos contemporains. Pendant trois jours, ils se sont pressés très nombreux aux conférences, débats, cafés littéraires, projections, expositions qui leur ont proposé une autre histoire de l'Afrique que celle des explorations et de la colonisation.

La presse locale et nationale, qui a fort bien couvert cet événement, a compris l'enjeu de ces journées. «Un moment exceptionnel » pour la Nouvelle République. « L'histoire retrouvée de l'Afrique » a titré le Monde. Au-delà de toute nostalgie, de tout exotisme, de toute préoccupation politique, cari­tative ou humanitaire, nos conci­toyens paraissent avides de disposer d'autres clefs de lecture de l'actualité et de l'avenir africains que celles de la « bibliothèque coloniale » et de ses images d'EpinaI.
Ces journées ont été ouvertes par Madame Adame Ba Konaré, histo­rienne et épouse de l'ancien président de la République du Mali, aujourd'hui président de l'Union Africaine. Elles ont été closes par le président Abdou Diouf, ancien président de la République du Sénégal, secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Se référant à la plus haute tradition de la science histo­rique, citant Marc Bloch, l'un et l'autre ont rappelé que les Africains, comme tous les hommes, ont besoin de l'Histoire pour vivre. «Les noms des morts servent à sécher les larmes des vivants », a dit Madame Konaré ; il faut « restituer l'Afrique aux jeunes d'ici et d'ailleurs » a dit le président Diouf: « Nous avons besoin de l'his­toire africaine, non pour bâtir des idéologies mais pour comprendre le présent et construire l'avenir ».

S'adressant à nous Européens, ces deux grandes personnalités africaines ont plaidé pour que nous portions un autre regard sur l'Afrique, pour que nous prenions en compte le temps long de l'histoire africaine, y compris celui de la colonisation, pour que nous ne nous laissions pas abuser par les préjugés relatifs aux peuples sans écriture, sans archives, sans tradition politique ni étatique, par le filtre des classifications ethniques.

Ces journées, et le salon du livre qui les accompagnai, ont montré avec éclat le renouvellement et l'enrichis­sement de l'historiographie africaine qui y prennent maintenant une part grandissante.

Que le public français nombreux, trop nombreux parfois pour certains espaces, ait réservé un accueil aussi empressé et enthousiaste à cette mani­festation de « renaissance africaine » est un précieux encouragement pour ceux qui, comme à la CADE, ARRI et AROM, proclament que le nouveau siècle ne peut pas mettre l'Afrique entre parenthèse.

Michel Levallois, président de la CADE

Témoignages et réflexions sur l'administration coloniale

Sous la direction du Professeur Boilley, titulaire de la chaire d'histoi­re de l'Afrique contemporaine à la Sorbonne, un débat a été organisé le 17 octobre à l'occasion de la sortie du livre « La France d'Outre Mer 1930 - 1960 ». Participaient à ce débat: deux professeurs spécialistes de l'Afrique: Ibrahima Tyoub de l'Université de Dakar et Marc Michel de l'Université d'Aix Marseille et deux administrateurs de la France d'Outre Mer: Pierre Messmer, dernier Haut Commissaire d'AOF devenu premier Ministre et Jean Clauzel, ancien chef d'une subdivision saha­rienne perdue au Nord du Mali, deve­nu Préfet de la région PACA qui a dirigé le groupe des administrateurs et magistrats membres d'AROM, rédac­teurs de l'ouvrage.

D'emblée Pierre Messmer a rappelé que l'histoire de la colonisation et de la décolonisation était traitée depuis le début du 20e siècle d'une façon pas­sionnée, les témoignages étant sou­vent utilisés à l'appui d'une idéologie détenninée à l'avance. La France n'a pas disposé d'un Kipling, véritable chantre de la grandeur de l'Empire britannique et, à partir de l'entre­deux-guerres, un vent hostile, très cri­tique (pensons à André Gide) s'est élevé contre le principe de la coloni­sation de l'Afrique par les Européens. Souvent d'ailleurs, sans rien connaître des réalités du terrain. Le livre, pré­senté par Jean Clauzel, a le mérite d'être objectif: ni défense, ni critique. c'est un recueil de témoignages d'ac­teurs, qui, aujourd'hui à la retraite, ont su prendre le recul nécessaire.

Leurs témoignages portent essentiellement sur l'Afrique noire, le chapitre consacré à l'Indochine se plaçant dans un contexte bien particulier.
La période étudiée est celle de l' apo­gée de ce qu'on appelait: « l'Empire des 100 millions d'hommes ». 1931 : la célèbre exposition coloniale, clou de l'Empire de la période des conquêtes et de l'organisation admi­nistrative; 1960: indépendance de la grande majorité des ex colonies.
Trois traits principaux caractérisent cette administration coloniale avant 1960 :

- légèreté, peu bureaucratique et très déconcentrée sur le terrain (36 admi­nistrateurs sur les 1.250.000 km2 du Mali par exemple)
- souci constant de maintenir la paix partout
- ouverture sur l'extérieur (enseigne­ment du français, cultures nouvelles, échanges économiques).

Ce corps des administrateurs était très discipliné et il a appliqué avec conscience les directives politiques venues d'en haut, tout en pressentant que ses pouvoirs glisseraient progressi­vement dans les mains des élus: à par­tir de la création des Assemblées terri­toriales en 1946, puis des gouverne­ments indépendants à partir de 1956.

Cette discipline s'accompagnait sur le terrain d'une grande liberté d'entre prendre, grâce, sans doute, à l'éloi­gnement et à l'isolement. La liberté de l'administrateur de brousse était beau­coup plus grande que celle du Préfet de la Métropole, remarque, en connaissance de cause, le Préfet Jean Clauzel! « Dieu est en haut et le Roi est loin! » cite Messmer.
La liberté, le pouvoir d'entreprendre au point de vue économique se sont renforcés lorsque, dans la période 1950-60, les crédits de FERDES et ceux de la taxe de cercle sont venus opportunément remplacer au point de vue financier les anciennes « corvées » du régime de l'indigénat abrogé en 1946.

Mais cette administration qui ne s'est pas faite en un jour, qui a évolué considérablement depuis la guerre 39/45, quels souvenirs a-telle laissé aux anciens administrés et surtout aux jeunes générations africaines qui ne l'ont pas connue?
Un point est unanime en tout cas: l'honnêteté. « Je n'ai jamais vu un administrateur ou un magistrat s' enrichir » affirme Messmer.
Selon Marc Michel, les jeunes généra­tions sont très loin de la réalité et ont une certaine propension - bien invo­lontaire - à porter sur le passé de 1930, ou même de 1960, des juge­ments provenant de leurs vues et de leur connaissance des choses de l'an 2000. Il est patent que les auteurs du livre ont gardé la nostalgie des périodes où ils se trouvaient véritable­ment plongés dans les populations qu'ils aimaient le plus souvent!

Il ne faut pas oublier que l' administra­tion a dû aussi se faire acteur d'une politique extérieure, en période de rupture notamment: révolte sur la côte Est de Madagascar, rebellion du pays Bamiléké au Cameroun, par exemple Ibrahim Tyoub, pour sa part, avait 5 ans lors de la proclamation de l'indépendance de son pays, le Sénegal . Il n'a pas connu l'administration colo­niale mais celle-ci a laissé beaucoup de traces positives. Par contre, l'admi­nistrateur blanc ne pouvait pas toujours sentir, voire comprendre, les réactions profondes de ses administrés noirs. Les cadeaux obligatoires au chef de canton n'étaient pas perçus comme une forme de corruption... Et quelle pouvait être la réaction du magistrat d'Outre Mer quand un plaignant venait lui dire « un tel a mangé mon fils » ?
Les nouveaux administrateurs sénégalais ont repris les traditions de leurs prédécesseurs avec un sentiment peut être accru de leur importance. Désormais, les meilleurs élèves ne cherchent plus « à faire » instituteur ou médecin, comme avant, mais « à faire » administrateur... De fait, l' administration légère d'autrefois est devenue excessivement lourde, regrette le professeur dakarois.

Pour conclure, l'ancien commandant du cercle d'Atar, au Nord de la Mauritanie, dans les années 50, Pierre Messmer, a coeur de proclamer haut et fort sur les bords de la Loire en 2003 : « Non! je ne regrette rien! »

Rôle des associations dans la sauvegarde de la mémoire de l'Indochine - Jean Rouget

         Colloque organisé au Sénat le 25 octobre 2003

Ce colloque a permis à AROM d'affermir les liens tissés par les associations qui travaillent à main­tenir des relations avec l'Indochine. Serge Jacquemond (ancien élève du Lycée Albert Sarraut en 1930) et Jean Rouget (ancien vice-président de l'association des amis de l'Orient) ont eu notamment le plaisir d'y écouter les interventions d'Isabelle Poujol sur le musée CHAM à Da Nang (ex Tourane) et de Sabine Didelot sur la pagode souvenir de Vincennes reconstruite par l'ANAl en 1992. Les contacts vont être renforcés. Une visite au «Musée Auguste Pavie» à Dinan est prévue pour le prochain printemps.

A l'initiative de l'Association des Amis du Vieux Hué (AAVH), se sont retrouvés, pour partager leurs expériences et renforcer leurs liens d'amitié,
les Associations dont les noms suivent:

L'Association des Amis de l'Orient (AFAO) L'Association Mémoire d'Indochine
L'Association des Anciens élèves du Lycée Albert Sarraut (ALAS)
L'Association du Cours de Vietnamien de Bordeaux (i .CVB)
L'amicale des planteurs d'Hévéas
Bibliothèque de Dinan - Armor Mékong
L'Association Nationale des Anciens et Amis de l'Indochine et du Souvenir indochinois (ANAl)
L'Association des Anciens de Santé Navale et d'Outre Mer (ASDNOM)
L'Association d'Angkor (AAA)

L' AAVH a fonctionné de 1913 à 1945. Son grand architecte en a été le Père Léopold Cadière, qui sût attirer à lui la collaboration des esprits les plus fiables et les plus informés, tant annamites que français, concernés et séduits par la culture du pays. Les multiples numéros du bulletin publié par l'association offrent une mine de renseignements et de références sur la période concernée. La « Nouvelle Association des Amis du Vieux Hué» a repris le flambeau, sous la direction de Jean Cousso, et a assuré la sauvegarde de ce précieux fonds en produisant un CD ROM qui comporte la repro­duction de 13000 pages, sans compter de nombreuses photos inédites. L'Association s'est fixé un autre projet: la création à Hué d'une biblio­thèque franco-vietnamienne.

Dans cette ligne de préservation du passé culturel, s'inscrivent les actions de l' AAA et de l'AFAO.

L'AAA, a travers son intitulé, livre son objectif de protéger les temples d'Angkor, menacés par les dégradations du temps et les actes de piraterie. Cette mesure s'inscrit dans le prolongement naturel de l' œuvre exemplaire de restauration accomplie par les conservateurs français durant la période coloniale. L'AFAO, avec l'appui du « Musée des Arts Asiatiques - Guimet », s'est donné pour mission de faire connaître au public métro­politain, par la voie de confé­rences , cours, journées d'étude et voyages, les cultures riches et variées du monde de l'Asie. Le Vietnam occupe une place importante dans ses programmes. . De façon concrète, sur le terrain, elle a contribué à la restauration du Musée d'art Cham de Danang, participant ainsi au sauveta­ge du patrimoine culturel de l'ancien Empire du Champa. Elle s'intéresse actuellement à la modernisation du Musée de Pnom Penh.

Avec l'ACVB, le regard se porte sur l'avenir, la connaissance de la langue vietnamienne étant à l'évidence la porte d'accès à ]a culture vietnamienne authentique. Quant à la biblio­thèque de Dinan / Association Côte d'Armor­Mékong, tout en entretenant pieusement le sou­venir d'Auguste Pavie, elle a établi un partena­riat avec les provinces de Vinh et de Ha Tinh, centré sur des échanges scolaires d'élèves bre­tons et vietnamiens. A inscrire à J'actif du présent et de l'avenir.

La nostalgie et l'émotion percent avec la présentation de l'ALAS et de l'ANAL Le lycée Albert Sarraut, dont le nom a été effacé du fronton du bâtiment, a vu passer nombre de générations d'élèves français mais aussi viet­namiens. Le souvenir que les adultes d'aujour­d'hui gardent de leur lointaine scolarité et des moments difficiles du 9 mars 45 est le gage de leur fidélité. L'association regroupe les anciens élèves, les professeurs, les membres des ser­vices administratifs, répartis aujourd'hui dans tous les lieux de la planète. Un bulletin assure la liaison. Des sections se sont créées, en France et hors de France; il en est une instal­lée au Vietnam Nord; une autre, au Vietnam Sud. L'éventail de l'ANAl est plus largement ouvert; il accueille militaires et civils, anciens d'Indochine, mais aussi ses amis. L'association regroupe 7000 adhérents, répartis en sections territoriales, reliés par un bulletin trimestriel, où l'on perçoit la touche militaire et l'esprit de fidélité des combattants. L'objectif principal de l'ANAl est d'assurer le Souvenir indochinois, de célébrer la mémoire des morts français et autochtones, de 1rappeler les  grands moments de la présence française, de veiller à l'instruction de la Jeunesse sur cette page d’histoire coloniale trop souvent déformée ou occultée.

Le moment le plus émouvant de ce colloque fut celui de la relation faite par les représentations de l'Association « Mémoire d'Indochine» qui, avec ]e concours actif de la municipalité de Sainte Livrade, tente de maintenir un minimum de dignité de vie aux rapatriés d'Indochine, vietnamiens naturalisés, eurasiens, épouses de citoyens français disparus, victimes innocentes de la défaite française. Fuyant leur pays d'ori­gine après les accords de Genève, ils ont été« accueillis» dans un camp militaire aux ins­tallations très sommaires, proche de la petite ville (6000 habitants) de Sainte Livrade dans le Tarn et Garonne. Des réussites ont été obtenues dans les domaines de la scolarisation et de la socialisation de cette population mais les cré­dits n'ont jamais pu être obtenus pour amélio­rer ]e cadre de vie, donner un minimum de modernité aux habitats. Aujourd'hui encore, les photos montrent une situation de précarité insoutenable. L'Etat, les gouvernements suc­cessifs, apportent une nouvelle fois la preuve
de leur capacité d'oubli envers tous ceux, ori­ginaires de nos anciennes colonies, qui ont associé leur destin à celui de la France. Une France ingrate, qui, décidément, ne sait pas décoloniser avec élégance.

L'amitié qui soude les anciens coloniaux entre eux et le souvenir qu'ils portent aux popula­tions de l'ex-Indochine ne sont pas de vains mots. Merci à Jean Cousso d'avoir organisé cette rencontre.

N'oublions pas les autres associations, non présentes au colloque, qui oeuvrent également au rapprochement franco-vietnamien, khmer ou lao. Concernant le Vietnam, il faut citer l' « Association  d'Amitié  franco­ vietnamienne» (AAFV) dont l'engagement idéologique de ses dirigeants lui a permis de nouer des relations privilégiées avec le Gouvernement de Hanoi. Le bulletin qu'elle publie donne à suivre l'évo­lution politique et écono­mique du Vietnam moder­ne. L'AAFV est un relais essentiel dans la mise en œuvre des relations apaisées entre la France et le Vietnam en marche vers l'avenir.

 

Lu, vu, entendu

Entendu à la radio ...

France Culture donne la parole aux anciens de l'Enfom

Comme il y a un « politiquement correct », il existe un «historiquement correct », pour reprendre le titre d'un récent ouvrage dans lequel Jean Sévillia
consacre notamment de fortes pages aux idées reçues sur la colonisation. Réjouissons-nous donc que « La Fabrique de l'Histoire », une des émissions phares de France Culture, soit sortie du conformisme ambiant pour donner la parole aux anciens de l'École nationale de la France d'outre-mer, ex-École coloniale, pendant deux après­midi, les 17 et 23 mars.

Dans un premier volet - « L'école de la rue de l'Observatoire» - Emmanuel Laurentin et Emmanuelle Loyer, revenus dans le bâtiment néo-mauresque de « la Colo », ont laissé Guy Brajot, Émile Biasini, Jean Clauzel, Daniel Doustin, Guy Georgy et Jacques Mullender expli­q"er aux auditeurs que l'enseignement dispensé en ces lièux ne visait pas à former une banale technocratie colo­niale, mais des hommes complets aptes à combiner goût de l'action et humanisme. Quelques mois avant sa mort, Guy Georgy refit avec son accent inimitable un grand numéro sur « les cours de psychologie des fauves » dis­pensés par le directeur du zoo de Vincennes et si utiles àl'administrateur tombant nez à nez avec un gorille au cours d'une mission en forêt.

Au delà de l'anecdote pittoresque, il donnait des clefs pour comprendre la relative facilité avec laquelle les bre­vetés de l'Enfom purent se reconvertir dans la haute admi­nistration métropolitaine et celles des jeunes Républiques africaines après les indépendances - deuxième volet de l'émission.

Ces récits s'accompagnaient bien sûr d'un débat et, divi­ne surprise, les jeunes universitaires invités ne rabâchè­rent pas la vieille antienne de tant de leurs aînés sur les «dossiers noirs du colonialisme ». Sans complaisance mais aussi sans a priori idéologique, Sylvain Venayre, maître de conférences à Paris 1 et auteur de La Gloire de l'aventure (Aubier), Emmanuelle Sibeud, professeur à Paris VIII et signataire d'une thèse remarquée, « Constitution des savoirs africanistes » (Éditions de l'É­cole des Hautes Études en sciences sociales), semblent appartenir à une nouvelle génération disposant maintenant d'assez de recul pour porter un véritable regard scienti­fique sur une époque trop longtemps travestie.

Véronique Dimier, de l'Université libre de Bruxelles, et Alice Concline, historienne américaine de la colonisation française, exprimaient le point de vue des « neutres ». Superbement ignorée en France, jusqu'à une époque récente, l'École coloniale avait fait l'objet d'un livre signé dès 1973 par l'Américain William Becowen. «À présent, aux États-Unis, déclara Mme Concline, un historien qui veut travailler sur l'histoire de France doit faire l'histoi­re du colonialisme, et cela depuis quinze ans. Lorsque j'ai commencé mes études sur le sujet, personne, pratique­ment, ne s'était penché dessus, mais maintenant c'est très à la mode. »

S'il est vrai que toute mode nous arrive d'Amérique, avec quelque temps de retard, il faudrait donc s'attendre à du nouveau dans l'Université française. C'est peut-être un signe avant-coureur: un autre intervenant, l'historien Jean-Pierre Rioux, président du conseil scientifique de ce projet, a confirmé l'ouverture à Marseille, en 2005, d'un Mémorial d'Outre-Mer. Un « mémorial qui voudra à la fois honorer, comprendre, exciter les mémoires des uns et des autres pour tout ce qui touche à l'aventure outre-mer de la France, des origines à nos jours ».

Jean de la Guérivière

NDLR : Jean de la Guérivière a participé à cette émission en tant qu'auteur de l'essai « Les Fous d'Afrique », Seuil, 2001. On peut se procurer l'intégralité du texte de l'émission en s'adressant au secrétariat d'AROM.



Vu à la télévision

Enfin, à la télévision française, un « parler-vrai» sur les prémices de la guerre en Indochine

Il aura donc fallu attendre, cinquante-sept années pour qu'une émission télévisée, diffusée à une heure de bonne écoute (le 14 juillet 2003 sur F2), présente un reportage bien documenté et convaincant sur les événe­ments d'Indochine, à l'orée des années 1 945/l 946. Indépendamment de la stature du personnage principal-le Général Leclerc, interprété avec talent et force de convic­tion, dans ses gestes comme dans son élocution souvent rude et toujours directe - le mérite de cette émission à mes yeux, est d'avoir fait rappel, par l'image et par les paroles, de deux aspects fondamentaux, mais jusqu'alors trop sou­vent passés sous silence, des prémices de cette Guerre d'Indochine.

En premier, le caractère prémonitoire des faits et gestes du Général Leclerc, venant à Hanoï rencontrer le futur Gouverneur Sainteny et déclarant, haut et fort, combien les stipulations du modus-vivendi, signé le 6 mars 1946 à Tchuong-king, avaient permis de lever la lourde hypothè­se, (imposée par les Accords de Postdam) de la présence au Tonkin des 58.000 Chinois du Général Lou-Han.

Avec opportunité, citation a été donnée de plusieurs des termes du rapport, adressé par le Général Leclerc au Gouvernement, en fin mars 1946 :
« Si les accords du 6 mars n'avaient pas été signés, cette tâche de libération du Tonkin de l'emprise chinoise ne pouvait pas être accomplie », et le Général d'ajouter: «c'est pourquoi, j'ai télégraphié à Paris, le 14 février, qu'il fallait aller jusqu'au mot même d'indépendance pour éviter le risque d'aller à un échec trop grave. Faute de quoi, il y aura une guerre de plusieurs années ».

Second mérite de l'émission: le soin apporté à souligner le décalage entre cette lucidité du Général Leclerc et les positions gouvernementales qui, à Paris, au même moment, se traduisent par l'instruction suivante' « Réserver le statut particulier de la Cochinchine ». L'union des 3 ky (les trois provinces du Vietnam) expres­sément inscrite dans les accords du 6 mars (avec l'enga­gement en faveur d'un référendum) reçoit un coup fatal.

Il en résulte l'échec de la conférence préparatoire, à Dalat, puis l'échec, non moins prévisible, de la conférence de Fontainebleau, alors même que le 1 er juin, l'Amiral Thierry D'Argenlieu crée un gouvernement provisoire en Cochinchine, présidé par le Docteur Tinh.Avec une discrétion subtile, les divergences de vues entre le Général Leclerc et l'Amiral Haut Commissaire d'Argenlieu sont évoquées. Elles auront pour effet le départ d'Indochine du Général, le 18 juillet 1946, et son retour en France en qualité d'Inspecteur Général de l'Armée de Terre.

En bref, l'analyse des événements est faite avec objectivité ; l'émission, en définitive, reflète avec justesse la résis­tance au changement chez certains, - même dans les cercles gouvernementaux parisiens - face à ceux qui ont compris que: «pour rester, il fallait d'abord partir ».Une réserve de forme et de fond doit toutefois être expri­mée, quant à l'interprétation du rôle et des attitudes de l'Amiral Haut-Commissaire d'Argenlieu en cette période de 1 946/l 947.

En le présentant à plusieurs reprises avec le chapelet entre les doigts, l'image ainsi donnée aux téléspectateurs ne correspond nullement à la réalité quotidienne, telle que nous avons pu la vivre à ses côtés en cette période. L'onction des gestes, et de la voix, du Haut Responsable de la France est, en Indochine, toujours allée de pair avec une fermeté de caractère et la rigueur d'un comportement ... tout à fait conforme aux principes de la Laïcité répu­blicaine.

Pierre Troude

Vu au cinéma

Deux films sont proposés à votre attention, aux antipodes l'un de l'autre:

«Heremakolo » (en attendant le bonheur) nous vient de Mauritanie. Un film d'ambiance plus qu'un film politique, mais qui, en filigranne, appelle l'attention sur le problème de ces gens du Sud qui continuent à rêver - souvent en vain - de rejoindre les paradis du Nord.

« Un Américain bien tranquille », adaptation du célèbre roman de Graham Greene, nous parle d'un pays de l'autre bout du monde et d'un autre temps: l'Indochine des années 50. Malheureusement, bien que leur sortie soit récente, on ne peut déjà plus voir ce film à Paris. En province, peut-être?                                                                                      


Un Américain bien tranquille

A Saigon en 1952

En cette fin août 2003, vient de sortir à Paris le film amé­ricain : « un Américain bien tranquille », tiré du célèbre roman de Graham Greene.

A part la gêne que peut éprouver le spectateur d'ici à e' tendre les Vietnamiens et les Français parler en anglais, la peinture de l'ambiance qui régnait à Saïgon en 1952 permet à ceux qui ont connu l'Indochine de l'époque de retrouver des souvenirs sans trop de fausses notes (à quelques détails près) et malgré quelques scènes difficile­ment compréhensibles: « je raconte une histoire, je n'écris pas un ouvrage historique» avertit Greene dans sa préface. En ce sens, le film est fidèle à l'auteur.

Dans cette histoire (sans H) on trouve matière à des com­paraisons d'actualité dans le portrait de Pyle, l'américain, à la fois agent humanitaire et correspondant de la CIA qui concourre involontairement à des actions terroristes avant d'être lui-même assassiné par ses « contacts» de la «Troisième Force» qu'il estime moral et politique de favoriser; la phrase du Haut Commissaire L. Pignon en 1951, à ce sujet est, elle, de portée historique: « Nombre
de nationalistes vietnamiens préféraient les subtilités du jeu diplomatique à la lutte idéologique, politique et mili­taire contre le Vietminh... Pour certains, il s'agissait de jouer Washington contre Paris... » De fait, le gouverne­ment vietnamien de Bao Dai est absent du film, qui ne connaît que la lutte des « Rouges» contre les Français, bientôt remplacés par les Américains. .. On ne peut s' em pêcher en sortant de la salle d'évoquer l'Iraq de 2003.

Jean Serjac

Heremakolo

Premier prix pour un Mauritanien au festival du Film à Ouagadougou

Oui, nous avons vécu deux heures de bonheur en voyant ce film de Aderrahmane Sissako : « en attendant le bon­heur» (en bambara: Heremakolo) tourné à Nouadhibou et que ce jeune cinéaste, né en Mauritanie en 1961, a dédié à sa mère!

On est immergé dans un quotidien tendre et dur où les questions sur la mort, le départ, la fidélité, le respect mutuel sont posées, essentielles.
D'abord les couleurs douces, embuées par le vent, le vent de sable.
Et puis la patience, le temps étiré. L'humour également. On sourit quand on voit le jeune héros - qui s'intègre dif­ficilement à la société mauritanienne - s'incruster dans l'image en s'habillant d'un boubou fait du même tissu que l'ameublement, coussins et rideaux où il prend place !

Tendresse aussi entre le vieil électricien et son jeune apprenti, docile et rebelle.

Le film (ni documentaire, ni histoire, ni récit) nous trans­porte dans un moment de bien-être, où l'on a le temps, oùl'on ressent bien ces femmes qui chantent et se moquent, ces hommes qui palabrent, ces enfants qui apprennent la vie... Nous sommes bien là, en Mauritanie. Merci Monsieur Sissoko

Véronique Soriano


Lu dans la presse

L'Expansion ( numéro 676 de juin 2003) a donné la parole à Jacques Marseille pour remettre en question bien des idées reçues dans un article intitulé « Les coûteuses colonies de la France» . Chiffres àl'appui, l'historien, professeur àl'Université Paris I-Sorborme, démontre que, sur la plan économique, « l'entrepri­se coloniale fut une très mauvaise affaire », l'approvisionnement de la métropole en matières premières bon marché n'étant pas compensé par le coût élevé des investissements et des dépenses publiques.

Au début des armées 1 930, alors que l'Exposition coloniale de Paris venait d'exalter« la plus grande France », l'ins­pecteur des finances Edmond Giscard d'Estaing reprenait les thèses d'une par­tie du patronat en conseillant au gouver­nement de cesser « d'engloutir des fonds» dans des pays peu rentables. M. Marseille considère que, statistiquement parlant, le père de l'ancien président de la République n'avait pas tort. Reste à savoir si l'entreprise coloniale peut être jugée du seul point de vue des financiers !

La Croix (numéro du 30 mai) a publié un « bilan du colonialisme » pour le moins contrasté. Dans sa contribution, intitulée « La passion de l'outre-mer », Pierre Messmer, met l'accent sur le rôle bénéfique des administrateurs issus de « Colo ». Après avoir évoqué les tour­nées à chevaJ et les palabres en brousse, l'ancien premier ministre, n'hésitant à commettre ce que certains prendront à tort pour de la provocation, présente l'administration coloniale comme le « cas peut-être unique d'une administration qui se rend au devant des adminis­trés ».

La Croix, de nouveau (dans son numé­ro du 1 1 juin), a évoqué la « conversion de l'armée française au multilatéralisme » en Afrique noire. Après l'évacuation par nos soldats de 535 ressortissants étrangers (dont 103 Américains) réfu­giés dans les bureaux de l'Union euro­péenne pendant les troubles de Monrovia, Pierre Cochez parle des pers­pectives d'association avec d'autres armées pour des opérations à but humanitaire.

Le Monde (dans un numéro du même mois de juin) est revenu sur cette ques­tion en prenant de la hauteur sous la plume de Stephen Smith. Dans son article intitulé « La seconde "pacifica­tion" de l'Afrique », l'africaniste du quotidien souligne que la perte de valeur stratégique du continent noir depuis la fin de la guerre froide est compensée par le souci général de veiller à la « sécurité globale» à l'ère du terrorisme

Le Monde (numéro du II octobre) salue la mise en service de l'oléoduc reliant au Cameroun les trois gisements de pétrole récemment mis en exploita­tion au sud du Tchad. Du coup, note Stephen Smith, c'est tout notre imagi­naire,et celui des Tchadiens, qui est bou­leversé. Misérable et désertique, surtout fournisseur de vaillants "tirailleurs" à la France, ce pays "entre dans le rêve pétrolier". L'ancienne monoculture, le coton, "or blanc" à la valeur déclinante, est remplacée par« l'or noir ».

Jean de la Guérivière

L'Histoire
Dans son numéro spécial d'octobre 2003, la revue l'Histoire a consacré un dossier à l'esclavage de l'Antiquité à nos jours. Ce dossier détonne car, pour une fois, est abordée clairement et parallèlement à la traite transatlantique, <<la traite oubliée des négriers musulmans». Celle-ci a duré plus longtemps que la traite occidentale, du VIle au XXe siècle et aurait concerné 17 millions d'êtres humains.
Il faut rappeler que le système des captifs était au coeur des sociétés antiques, étant dormé leur conception de l'humain, et de son rapport au travail: captifs de case, de guerre et des travaux des champs.
Il est à remarquer que cette revue de gran­de diffusion, se hasarde à revenir sur une conception très manichéerme du sujet où il était de bon ton de vilipender la traite européerme en oubliant cette traite musulmane.

Petit rappel de Christian Lambert :
En 1953, à la veille de l'indépendance, le gouverneur du Tchad envoyait une circu­laire à ses subordonnà prescrivant officiel­lement de surveiller certains pélerins de la Mecque susceptibles d'ermnener des esclaves.

Martine Cuttier

L'ancre d'or
Dans son numéro de juillet-août, l'Ancre d'or (revue des Troupes d'Outre Mer), le Général Chavarmes présente AROM, «ce nouveau groupement civil les militaires sont les bienvenus ».

Administration
Le numéro 199 de september 2003 de cette revue du Crups préfectoral publie un cahier spécial de 100 pages consacré à l' «Administration territorial de l'ancienne France d'Outre Mer ». Pour obtenir ce numéro, on peut s'adresser au secrétariat d'AROM.

 

Lu chez le libraire

Le livre noir du colonialisme

XVIe - XX le siècle: de l'extermination à la repentance - Sous la direction de Marc FERRO: Robert Laffont, 2003, 843 p.

Pendant du « Livre noir du communisme» de Stéphane Courtois paru en 1997, l'ouvrage piloté par Marc Ferro se veut le résultat d'une lecture attentive des écrits d'Hannah Arendt sur les régimes totalitaires où elle apparente l'im­périalisme colonial au nazisme et au communisme.

En remontant aux débuts de l'expansion des Européens dans le monde, inaugurée par le premier voyage transat­lantique de Christophe Colomb, en 1492, l'étude se place sur le temps long. Ainsi elle débute au XVIe siècle avec la constitution des premiers empires et s'achève avec la décolonisation française. Elle couvre toutes les zones géographiques concernées par cet événement socio-histo­rique et permet une comparaison entre l'aire caraïbe, les A 'llériques dans leur version coloniale ibérique, française, rLsse et japonaise et enfin l'Afrique. Tous les aspects de ce phénomène global sont abordés y compris à travers le prisme des champs d'étude devenus incontournables comme le sort des femmes, le cinéma, la chanson et les représentations idéologiques.

En fonction du principe du Livre noir et selon cette thé­matique, les auteurs ont donc mis l'accent sur les actes de brumisation liés aux entreprises de conquête, pour dénon­cer les atrocités d'un système de domination où les rap­ports sont ceux du vainqueur au vaincu et du fort au faible, que ce soit à l'époque des monarchies absolues ou des systèmes politiques libéraux. Alors le sang éclabousse bon nombre de pages jusqu'à l'écœurement. Au registre français, il ne manque que l'affaire Voulet - Chanoine. Le sous-titre du livre l'inscrit d'ailleurs dans la tendance actuelle à la repentance réactivée ces dernières années par le débat sur le recours à la torture lors de la guerre d'Algérie. La lecture achevée, il reste à conclure encore sur la tragédie de l'histoire humaine.

Dans « Le livre noir », Marc Ferro se place dans le mou­vement de l'interdisciplinarité où le regard de l'ethno­logue Thomas Beaufils, de la sociologue Carmen Bernand, de la démographe Arlette Gautier, voire du juriste Marcel Merle ou du journaliste Yves Bénot croise celui de l'historienne et aussi anthropologue, Marie Fourcade. Cela ajoute à la richesse des analyses. L'une des plus per­tinentes quant à son impact politique immédiat est celle de Mariella Villasante Cervello à propos de la Mauritanie sur « la Négritude: une forme de racisme héritée de la colo­nisation française? Réflexions sur l'idéologie négro-afri­caine en Mauritanie ».

Bien sûr, lors de sa parution en début d'année, cette publi­cation n'a pas produit de débat aussi vif que celui suscitépar le « Livre noir du communisme ». On a retrouvé les clivages gauche/droite dans la presse. Ainsi le supplément littéraire du Monde du 24 janvier lui consacrait une large recension plutôt élogieuse tandis que dans sa chronique du Figaro littéraire du 6 février, Philippe Tesson se montrait très critique. Rien d'étonnant à ce que la sensibilité politique des rédactions des deux grands quotidiens laisse entrevoir des jugements presque diamétralement opposés souvent appuyés sur des clichés.

Mais s'il est pédagogique de raviver la mémoire du passé à travers des séances d' autoflagellation car, idéologique­ment, il ne convient pas de laisser le monopole de la brutalité au communisme et au nazisme, ne faudrait-il pas tra­vailler à décoder les formes d'une entreprise hégémonique globale qui se poursuit toujours au nom d'idéaux de liber­té et de civilisation, par exemple avant-hier dans les Balkans, hier en Asie centrale et aujourd'hui en Irak. Dans le passé, l'Europe fut l'actrice de la construction d'un monde à son image et selon ses intérêts, puis elle s'est épuisée dans des rivalités pour dominer avant d'être sup­plantée au XXe siècle par les Etats-Unis, lesquels bran­dissent plus que jamais les valeurs libérales et de civilisa­tion.

Après tout, en leur temps de cohabitation-concensus, à des heures de grande écoute sur les chaînes de TV et de radio nationales, les leaders politiques français Jacques Chirac, Lionel Jospin et Hubert Védrine n'avaient pas hésité à mettre en avant les mêmes valeurs (héritées des Lumières), de la Paix, de la Science et de la Civilisation, qui rappelaient tant le discours colonial: il fallait alors légitimer aux yeux du citoyen contribuable l'entreprise militaire au Kossovo dont un peut constater le résultat.

Portraits pour l'histoire

Moktar OuId Daddah - Serge Jacquemond

Le président Moktar Ould Daddah est décédé à Paris le 14 octobre 2003, le jour même où paraissaient chez Karthala ses mémoires tant attendues, pour
tous ceux, Français et Mauritaniens qui l'avaient connu personnellement, ou seulement de nom, ce nom qui, en Mauritanie avait valeur de symbole, même chez ses adversaires.

Titre de ces mémoires ;

« Ma Mauritanie contre vents et marées ». Un titre qui convient bien à cet étrange pays où s'érode le temps, s'efface l'espace, pays coincé entre
océan et Sahara, Maroc et Sénégal, traditions et modernis­me, islamisme et occidentalisme. Ecrit par un auteur pieux, intègre et patriote soumis aux forces centrifuges et centripètes de son peuple, de ses voisins, de son armée, des partis politiques.

Ce livre devait d'abord s' intitu­ler « Mémoires d'hier pour demain », un titre (tout à fait dans la philosophie d'AROM) assez symbolique de la vie du premier président de la République de Mauritanie, dont le destin sévère a été intimement lié aux péripéties de la politique intérieure et diplomatique de son nouvel état. Au-delà de ces péri­
péties, nous soulignerons seulement trois traits de caractè­re qui se dégagent de la lecture de cet ouvrage presque posthume :

- Patriotisme. Moktar Ould Daddah n'a de cesse d'affir­mer le caractère unitaire et indépendant de sa patrie. Son attitude, parfois ondoyante, vis à vis de la France n'est pas sans rappeler parfois celle du Général de Gaulle, sans grands moyens à Londres, vis à vis de Churchill, son « protecteur».

Les rapports du Président mauritanien avec le Général qui lui avait donné les moyens de construire la capitale de la Mauritanie, Nouakchott, (autrefois, elle était à Saint Louis, au Sénégal!...), sont faits à la fois de compréhension, de respect, voire même d'amitié, mais aussi de raideur.

- Intégrité. Qualité d'autant plus remarquable qu'elle est assez rare... Recevant le Président Houphouët qui s'étonne de la modestie des bâtiments présidentiels de la capitale mauritanienne, Moktar lui aurait fait remarquer que le coût de celle-ci avait été inférieur à celui du palais de son hôte à Abidjan!... Le lecteur est étonné d'ap­prendre combien le président maure vivait « chiche­ment»... au point, revèle-t-il, d'être obligé de demanderà ses collaborateurs les plus proches... de lui avancer tem­porairement les frais de ses congés en France!...

- Sérénité. La foi et la culture de ce descendant d'une famil­le maraboutique de « grande tente » l'amènent à considérer - du moins en apparence ­même s'il est touché au fond du cœur, les éléments déran­geant qui le frappent, avec détachement et sérénité. Ainsi, lorsqu'un lieutenant - tout gêné - vient le réveiller en son palais la nuit du 10 juillet 1978 pour lui signifier que l'armée lui a retiré sa confiance, il le suit sans résistance dans une
jeep à peine accompagné de quelques militaires pour prendre l'avion de l'exil.

Il ne reviendra dans son pays que 22 ans plus tard en 2001

Malade il est évacué fin 2003 au Val de Grâce!...

Un avion spécial ramènera sa dépouille en sa ville natale de Boutilimit. Un deuil national de 3 jours sera décrété par le pouvoir militaire en place.Réhabilitation posthume méritée pour le père de la première république du premier Etat de Mauritanie.

Vô Nguyên Giap - Jean Rouget

Nguyên Giap est né à Hanoï en 1911. Professeur d'histoire, licencié en droit et en économie poli­tique, il s'engage très jeune dans les rangs des
contestataires de la présence coloniale. Son épouse, égale­ment militante, sera déportée et mourra au bagne de Poulo Condore. En 1941, avec Truong Chinh et Phan Van Dong,
il fait partie de l'équipe proche de Ho Chi Minh, qui crée le Vietminh, à Pac Bo, prés de Cao Bang, dans le Haut-Tonkin. Il jouera un rôle déterminant dans l'organisation des partisans révo­lutionnaires, premiers éléments de l'armée de la libération. Le coup de force japonais du 9 mars
1945, qui élimine le pouvoir fran­çais, l'échec du Gouvernement pro-japonais du professeur Kim, la capitulation japonaise du 15 août 1945, ouvre à ses troupes l' 'lccès de Hanoi, où, dès le 17 auût, le Viêtrninh proclame sa présence. On est entré dans une nouvelle phase de l'histoire du Viêtnam.

Jusqu'à la fin de la guerre américaine, en 1975, Vo Nguyen Giap, devenu Général, condui­ra la lutte armée, organisant politiquement ses forces, les modernisant avec l'appui de l'URSS et de la Chine com­muniste et vivant en symbiose avec la population des campagnes, socle essentiel de son action. Le professeur est devenu un stratège. La victoire qu'il remporte à Dien Bien Phu est à porter à son actif person­nel. Après le déferlement des troupes du Nord sur le Sud, le repli américain, la victoire incontestable du Viêtminh, il devient Ministre de la défense du Viêtnam réunifié et sera nommé en 1981, troisième vice premier ministre.

Les mémoires complètes du général Vô Nguyên Giap comporte trois volumes. Le premier vient de paraître aux éditions Anako sous le titre « La résistance encerclée ». Les volumes suivants sont annoncés pour le mois de mai 2004.

Que les « Mémoires » du Général Giap, vainqueur de Dien Bien Phu et organisateur de l'armée vietnamienne, soient un hymne à la Résistance du peuple vietnamien et à la gloire des guérilleros et combattants de l'armée popu­laire - parallèlement à la condamnation des « fantoches »
ralliés à la cause des « colonialistes » - ne saurait consti tuer une surprise. Il appartiendra aux spécialistes en la matière de juger de la part de vérité et d' exa­gérations que comporte la relation des assauts et embuscades montés contre les forces adverses, mais il faut bien convenir que l'issue des combats consolide la crédibilité du propos. Des esprits pointilleux pourront contester certaines affir­mations abusives, telle celle du ralliement spontané et enthousias­te au soulèvement anti-français des minorités des plateaux du Sud indochinois. La vaillance du sol­dat vietnamien ne saurait être contestée, mais on s'étonnera d'appendre que, pour porter la lumière de la révolution à ces populations, elles durent volontai­rement adopter les mœurs particu lières des ethnies des hauts plateaux, allant jusqu'à limer leurs dents, distendre leurs oreilles, s'exposer au soleil pour brunir leur peau. . .

Ces réserves faites, étant admis que ces « mémoires » s'inscrivent dans le prolongement satisfait d'une guerre victorieuse, on ne peut, une fois tournée la page de cette époque chargée de souvenirs douloureux, que se laisser prendre par l'enthousiasme et le don de conviction pour la cause de l'indépendance que sont ceux du général Giap. Nous suivons les progrès qu'il expose de l'installation de la résistance au cœur même de la vie annamite. Pour ceux de France qui ont aimé ce pays et connu la rizière en temps de paix, je cite ces quelques lignes: « Avec leurs réseaux de routes, leurs jardins, leurs étangs, leurs canaux et leurs paisibles arroyos, les villages et les hameaux vietnamiens, protégés par leurs remparts de bambous ou cachés derrière des rangées de cocotiers, peuvent se révéler des champs de bataille redoutables. De nombreux villages, quadrillés en secteurs de combat, constituèrent autant de pôles de résistance... » On imagi­ne la mobilisation des habitants, du plus petit au plus âgé, s'activant sous l'autorité du comité populaire -le chef de village - présenté comme un vieillard inoffensif et les pay­sans comme de modestes laboureurs - s'il advient qu'une patrouille ennemie pénètre le dispositif.

« La révolution, pour le peuple et par le peuple », tel est le message essentiel. Le programme est mis en œuvre, dès 1941, dans les calcaires de Pac Bo, proche de Cao Bang, mais confirmation est apportée que c'est bien après le coup de force japonais du 9 mars 1945 et l'élimination de l'administration française, que le mouvement de conquête a pris son plein essor et amorcé sa marche vers le sud. Sont soulignés les meilleurs arguments de l'opération, l'alphabétisation, le timide début d'une redistribution des terres, la consolidation d'une réelle cohésion nationale derrière la figure emblématique de l'oncle Hô, l'organisa­tion d'un puissant système d'information, pour ne pas dire de propagande, placé sous le contrôle direct du parti. Sont évidemment oubliés les actions terroristes et les attentats
ciblés contre les compatriotes qui se dérobent à l' embri­gadement.

La lecture de ces mémoires enseigne beaucoup de choses, même si certains faits ne sont que la confirmation de ce que les services de renseignement militaires français avaient cru avoir décelé. Dans les situàtions conflictuelles, il est toujours salutaire de contempler l'envers du tableau.

Relevons, tout d'abord, le rôle déterminant du Parti, le gouvernement n'étant que la partie émergée du système: les ministres, agents d'exécution des décisions concoctées en d'autres lieux, les commissaires politiques doublant les généraux et les colonels de l'armée, les structures de gué­rillas animées et contrôlées par le pouvoir politique. Apparaît la place importante tenue par Truong Chinh, secrétaire général du PCI, dans les instances dirigeantes.

Une autre information sur l'art de pratiquer la clandestini­té. Il repose pour l'essentiel sur la mobilité des respon­sables, Hô Chi Minh en tête, ce qui induit la rusticité des lieux de réunion, le plus souvent dans une paillote mal éclairée, au, cœur d'un village complice, à l'extrémité d'une route parfois longue et périlleuse. Au besoin, le chef du Viêt Minh n'hésite pas à se déguiser en vieux paysan de l'ethnie Ning. Le fait est que l'armée française n'a jamais pu s'assurer de sa personne, malgré de nombreuses tentatives, alors que le « maquis» était tenu pour encerclé.

L'action révolutionnaire ne peut réussir que si ses chefs savent se noyer dans l'anonymat et profiter de la compli cité de la population.

Rompant les digues du secret, le Général expose, appa remment sans réserves, l'évolution de la stratégie des troupes révolutionnaires, la création et l'imbrication pro­gressive entre elles des forces de résistance, celles de la guérilla, des milices populaires, des troupes locales, des troupes régulières. On notera la multiplication des ateliers d'armement, qui savent user de mobilité, l'effort perma­nent de formation des cadres, y compris des officiers supérieurs, le parti délibéré d'impliquer l'ensemble des populations des villages, conviées à dénoncer les mouve ments ennemis et à prêter la main aux sabotages locaux. Nous voyons apparaître des concours étrangers, officiers japonais, déserteurs allemands, premiers conseillers chi­nois et parachutages américains de postes radios et d'armes modernes dont des bazookas qui serviront de modèle à leur reproduction artisanale. (L'un de ces para­chutages est signalé à Tan Trao, PC du Viêt Minh, peu de temps après le 9 mars).

Car le Viêt Minh n'a pas perdu de temps pour jeter son filet sur le pays désarticulé par l'élimination du pouvoir colonial et la faillite du gouvernement Kim. Le parti révo­lutionnaire a pris l'initiative, qu'il gardera jusqu'à la fin du conflit, dans le déroulement des événements. Les conciliabules et conférences au sommet, à Dalat, à Fontainebleau, apparaissent, sans que cela soit dit explici­tement, comme d'aimables plaisanteries. Le Viêt Minh avait besoin de gagner du temps: son armée n'était pas
prête. A observer les efforts qui sont faits pour la construi­re, dans l'urgence, idéologiquement et techniquement les beaux discours de l'aimable président Hô, se révèlent n'être que poudre aux yeux. S'appuyant sur le Parti et secondé par un état-major déterminé et étroitement soudé, il préparait, en fait l'affrontement. Le Général Giap assu­me la responsabilité déterminante de son camp dans le déclenchement de la guerre, le 19 décembre 1946.

Le premier tome de ces nouvelles s'arrête au mois de mai 1950. Hô Chi Minh est de retour d'un voyage en Chine et en URSS. Il a rencontré Staline. Celui-ci lui a promis des camions, des armes et des canons antiaériens; à Pékin, il a obtenu le libre transit de ce matériel, l'équipement d'une division et le concours d'officiers communistes chinois, constatant, que « l'encerclement» de la Résistance était brisé. Le désastre de Cao Bang, en octobre 1950, allait en apporter la confirmation.

Anecdote

Pourquoi les chameaux mauritaniens n'ont pas défilé sur les Champs Elysées - François Beslay

François Beslay, ancien chef d'état-major de l'armée mauritanienne en 1960 - 61 après l'indépendance du pays et secrétaire de l'association « Les amis de la Mauritanie» raconte les conséquences d'un très regrettable épisode dans les relations franco-mauritanienne... Episode assez caractéristique, témoignant de la différence des cultures... toujours d'actualité.

e 5 juillet 1999, je recevais d'un ami mauritanien, le commandant Oumar Ould Beibacar, comman­dant le Groupe Nomade de la Garde Nationale
Mauritanienne, copie d'une lettre qu'il adressait à son ambassadeur à Paris, sollicitant l'honneur « de faire défi­ler un escadron méhariste (à chameaux) en tenue de para­de le 14 juillet 2000 sur les Champs Elysées, dans le cadre des festivités marquant la fête nationale française. »... « La réalisation de ce rêve grandiose sera un événement médiatique de première importance non seulement pour la garde nationale mais pour toute la Mauritanie. »

Dans la lettre qu'il m'adressait, il précisait encore: « Ce projet pourra nous permettra de rendre hommage aux anciens pacificateurs qui ont fait rayonner les nobles idéaux de la révolution françai­se dans des pays lointains parfois au prix de leur vie et qui ont pacifié mon pays, la Mauritanie, où régnait, avant leur arrivée, la loi du plus fort pour ne pas dire la loi de la jungle. Ici, ils ont laissé des souvenirs de paix, de prospérité, d'honnêteté intellectuelle, de justice, d'humanisme et de générosité. »...

Il disait également que les Marocains allaient avoir ce même privilège et que, pour sa part, il commençait sans plus attendre à exercer ses cha­meaux aux défilés urbains! Sa requête fut transmise aux hautes autorités compétentes, mais elle n'eût pas de suite, car c'est précisément à ce moment-là qu'intervint le très fâcheux incident qui devait gravement détériorer les relations entre la France et la Mauritanie: l'arrestation d'un capitaine mauritanien en stage dans une école militaire de Montpellier, pour vio­lences (tortures ?) commises lors des incidents ayant opposé en 1990 la Mauritanie et le Sénégal.

Cette maladroite arrestation d'un officier admis en stage chez nous, suscita le mécontentement du gouvernement mauritanien qui rappela que ces incidents avaient fait l'objet d'une loi d'amnistie. Elle entraîna bien des interrogations dont le Figaro se fit l'écho le 13 août 1999 sous la plume de Denis Tillac qui terminait son article en invitant les lecteurs à témoigner leur compréhension auprès des autorités mauri­taniennes. L'association des Amis de la Mauritanie avait précédé son appel en adressant dès le 3 août au Président de la République et au premier Ministre, une lettre expri mant le regret de ses adhérents et soulignant que cette première application en France de la convention inter­nationale de 1984 rencontrait l'in­compréhension des masses mauri­taniennes devant cette violation du devoir sacré de l'hospitalité.

A la suite de cet incident, le Président Moaouya ould Sid Ahmed Taya, président de la Mauritanie, renvoya tous les militaires français en coopé­ration chez lui, y compris les médecins militaires. Par la suite on apprit que le capitaine mauritanien assigné à rési­dence était clandestinement rentré en Mauritanie, avec quelle complicité? Peu importe, c'était trop tard, le mal était fait. Et voilà qu'aujourd'hui nous apprenons avec tristesse que nos militaires ont été remplacés en Mauritanie par les Américains qui viennent d'ouvrir à Rosso une école d'of­ficiers. Ce tout nouvel intérêt des USA pour la Mauritanie s'explique peut-être par la toute récente découverte de diamants dans le nord du pays et les nouvelles perspec­tives de pétrole off-shore. Toujours est-il que le zèle d'un juge montpelIiérain ne servira pas la francophonie en Mauritanie. Quel gâchis!


La vie d'AROM

Activités de l’association

AROM est née pratiquement avec sa première assemblée générale le 30 mai 2003.

Cinq mois... c'est encore jeune... surtout s'il faut décompter la période des vacances, décuplée, cette année, par la canicule.
Cinq mois c'est le temps de mise en place des structures vitales de l' asso­ciation : constitution du conseil d' ad­ministration qui s'est réuni trois fois; conclusion des accords avec ARRI qui nous assure sympathiquement ­« le vivre et le couvert » ; mise au point du programme informatique qui pern1et de lister les membres, d'en­voyer les reçus fiscaux et de préparer pour la fin de l'année l'annuaire des associés. Mise en place aussi des liens - c'est bien indispensable - avec la banque (la BNP) et des procédures comptables.

En ce premier automne, l'association est en ordre de marche. Elle a pris contact avec les pouvoirs publics (Elysée, Matignon, Affaires Etrangères, Sénat) et a complété ses relations non seulement avec des amis de France mais aussi belges (en atten­dant les «cousins» de Hollande et de Grande Bretagne). AROM n'entend pas se substituer à des associations qui constituent un réseau poursuivant des objectifs voisins. La liste jointe indique le nom de l'adhérent d'AROM chargé de la liaison avec l'association en question. Chaque numéro du bulletin donnera une image plus complète d'une de ces associations: ARRI pour commencer (page 32).

Pour l'heure AROM a surtout assuré son premier bulletin mais plusieurs projets sont l'objet d'une réflexion de l'équipe d'animation et du conseil d'administration.

. Projets de voyage à Bruxelles pour rencontrer les collègues de l'associa­tion pour la mémoire du Congo ex belge, et à Dinan pour aller voir le musée d'Auguste Pavie (après une escapade à Blois aux rencontres de l'Histoire fin octobre).

. Projets de réunions avec les militaires, les ingénieurs coloniaux et ARRI pour parler de l'héritage de la colonisation à l'occasion de la sortie du livre « La France d'Outre Mer ­1930, 1960 » dont les auteurs font, pour la plupart, partie d'AROM.

. Projet de collation de notes et documents particulièrement intéressants mais ne ressortant pas de publications ({ grand public », en réservant la duplication aux membres d'AROM intéres­sés... et dans la même optique, réunir des films témoins de la vie Outre Mer à l'exemple de ce que font avec succès les collègues belges et britanniques.

Tout cela demande certes du temps, de la conviction et même - à tout âge de l'enthousiasme.

« Nathanaël, je t'enseignerai la ferveur » écrivait Gide. Il devait pressentir la création d'AROM ... un peu plus tard!.. .

Institutions etassociations amies

Alliance Francophone
Ass. des anciens élèves de l'ENA
Ass. des Amis de la Mauritanie
Ass. des anciens élèves du Lycée Albert Sarraut d'Hanoï
Ass. des anciens élèves du Lycée Vanvollenhoven de Dakar
Ass. des Décorés de la Légiond 'Honneur au Péril de leur Vie (DPLV)
La Rahla
Ass. de solidarité des peuples francophones
Amis du vieux Hué
Association française des amis de l'Orient
Ass. d'Amitié Franco vietnamienne. AAFV
Ass. des Anciens Elèves de la France d'Outre Mer. AENFOM
Ass. Française d'Etudes pour l'Union Européenne. AFEUR
Ass. Nationale des Anciens Amis de L'Indochine. ANAl
Réalités Internationales, Rayonnement Français. ARRI
Mémoires du Congo (Zaïre)
Académie des sciences d'Outre Mer
Coordination pour l'Afrique de Demain. CADE
Centre de recherches sur l'Océan Indien. CERO
Fédération nationale des Anciens d'Outre Mer et anciens combattants des Troupes de Marine. FNAOM

 

AROM et ARRI

Inspecteur général des Finances, Philippe Marchat est un «Colonial» et un «Européen».
Successivement Chef de la Mission d'Aide et de Coopération à Brazzaville, conseiller du Président Senghor à Dakar. Directeur à la Caisse des Dépôts où il dirige notamment les services financiers de Scet International, puis Directeur Financier de la Banque Européenne d'Investissement, il est ensui­te Chef de la Mission internationale du passage à l'Euro. Actuellement, il est membre du comité de parrainnage d'ARRI et administrateur d'AROM.

Il est logique et naturel que des relations fort étroites se soient, dès l'origine, établies entre ces deux associa­tions. Non seulement leurs sigles sont très proches, au point que leur assemblage va jusqu'à faire penser à un titre de film ou de BD, mais, plus sérieusement, leur voca­tion et leurs objectifs sont à la fois voisins et complémentaires.

Les quatre majuscules d'AROM résument ce qui est en soi un vaste programme destiné à être conçu et réalisé dans une profonde convivialité:
Amitié Réalité Outre Mer. Il s'agit, pour tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont servi dans l'un des multiples territoires de l'Empire français d'hier, de :

- faire connaître et commenter l'actualité des anciens pays d'Outre Mer,
- porter un regard serein et informer sur les réalités de la période coloniale,
- créer de nouveaux liens entre la France et les pays qui ont partagé une histoire commune.

Et ceci, en toute amitié et convivialité, avec le souci de retrouver, voire de recréer une approche humaine et l'ambiance - difficile, sinon impossible à décrire, mais inoubliable tant e]]e était particulière - qu'ont connue et appréciée tous les anciens extra-métropolitains, en Afrique, en Indochine ou dans les DOM-TOM...

Le sigle d'ARRI, quant à lui, se déchiffre plus difficile­ment, car l'association qu'il représente résulte de la fusion de quatre entités: Alerte aux Réalités Internationales, Rayonnement Français, Aminter (qui regroupe des cadres, métropolitains et d'Outre Mer, de la Caisse des Dépôts), et" malgré sa dissolution officie]]e, le Centre des Hautes Etudes Africaines et Malgaches, le CHEAM. ARRI réunit des personnalités ayant en commun une expérience internationale, convaincus qu'une meilIeure inteIligence du monde aide à comprendre les changements qui affectent notre vie quotidienne, et ouvre les portes du respect des différences, au niveau des nations, comme des individus. Avec, parmi d'autres objectifs, celui de mieux faire connaître la France à l'étranger, et l'étranger aux Français.

Dans un cadre géographique parfois différent, mais com­plémentaire de celui d'AROM, et avec une vocation en bien des points comparable, ARRI - qui s'adresse à tous les acteurs de la vie économique, sociale et cuIture]]e - se présente comme un lieu d'échanges et de réflexion avec une volonté partagée, de se respecter, d'écouter, d'instrui­re et de s'instruire. ElIe offre à cette fin de nombreuses facilités à ses membres, comme des conférences, des déjeuners-débats, des colloques, des voyages d'études et un observatoire de l'Europe. Elle délivre, en outre, tous les ans deux prix à des organismes ou des personnalités représentatives de la culture française, et elle s'intéresse plus spécifiquement à certaines questions qui évoluent en fonction des circonstances, telles que la mondialisation, la construction européenne, ou les différentes religions.
Au nombre de ces facilités, il en est une, matérielle, qui n'est pas sans prix pour AROM. Car, à la suite d'un accord facilement établi entre les deux présidents, ARRI a accepté de partager son siège social du II rue Nicolo avec AROM, et de lui consentir des facilités logistiques dans le cadre d'une convention qui respecte les intérêts des deux associations jumelles et complémentaires.

Tout est ainsi en place, au niveau des idées et des ambi­tions, comme des contingences matérielles, pour que les deux associations naviguent étroitement de conserve pour mieux explorer un monde en pleine évolution, assimilable à une mer infinie, « toujours recommencée ».